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L’Europe accélère ENFIN sur les drones de brouillage pour combler son retard technologique face aux États-Unis

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Said LARIBI

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Les industriels européens misent sur des drones spécialisés dans la guerre électronique pour rattraper leur retard sur les États-Unis et répondre aux nouvelles menaces venues de l’Est. Alors que la …

L'Europe accélère ENFIN sur les drones de brouillage pour combler son retard technologique face aux États-Unis

Les industriels européens misent sur des drones spécialisés dans la guerre électronique pour rattraper leur retard sur les États-Unis et répondre aux nouvelles menaces venues de l’Est.

Alors que la dépendance technologique vis-à-vis des États-Unis reste forte, plusieurs pays européens s’activent pour développer leurs propres drones de brouillage radar. À la clé : un gain stratégique massif et une rupture dans la façon dont l’Europe se prépare aux guerres électroniques modernes. De l’Ukraine à la mer Baltique, ces petits appareils discrets pourraient bien devenir l’arme-clé de demain.

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Une capacité jugée critique par les experts

Les armées européennes souffrent d’un manque criant de capacités de brouillage radar embarquées. À l’heure où la Russie multiplie les exercices de guerre électronique, et où l’Ukraine en fait un usage massif, cette faiblesse apparaît comme une faille stratégique. Selon Justin Bronk, analyste au Royal United Services Institute de Londres, l’Europe doit impérativement développer des systèmes aériens de brouillage de proximité, autrement appelés stand-in jammers, pour éviter de rester à la traîne. Ces technologies permettent de neutraliser les défenses ennemies à très courte distance, bien plus efficacement que les brouilleurs classiques montés sur avions.

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Leonardo en tête avec son mini-drone StormShroud

L’industriel italien Leonardo mène la charge en proposant son drone StormShroud, dérivé d’un modèle portugais (Tekever), équipé du système de brouillage BriteStorm. Ce dernier repose sur une technologie dite DRFM (Digital Radio Frequency Memory), capable de capter un signal radar adverse, de le modifier, puis de le renvoyer pour détourner ou saturer les systèmes ennemis. Le drone StormShroud a déjà été validé en environnement opérationnel par la Royal Air Force britannique, un gage de sérieux dans le domaine. Leonardo évoque un intérêt actif de 10 à 20 pays de l’OTAN, notamment ceux situés en Europe de l’Est.

Un besoin européen devenu stratégique

Dans un contexte de remise en question de l’engagement américain en Europe, plusieurs nations veulent réduire leur dépendance aux systèmes de guerre électronique venus d’outre-Atlantique. Jusqu’à récemment, seules les forces américaines (avec le Growler E/A-18) et certains Rafale français équipés du système Spectra avaient accès à ces capacités. Mais les besoins explosent. Selon Dick Zandee, expert au Clingendael Institute aux Pays-Bas, le champ de bataille moderne est en train de vivre une “dronisation” massive, et le segment de la guerre électronique n’y échappe pas. Dans cette logique, les brouilleurs portés par drones deviennent une évidence opérationnelle.

Un drone Leonardo exposé au Salon du Bourget 2023
Un drone Leonardo exposé au Salon du Bourget 2023. (Source : Élisabeth Gosselin-Malo/staff)

Des partenariats industriels qui s’accélèrent

Leonardo multiplie les accords industriels, notamment avec Baykar Technologies en Turquie ou General Atomics aux États-Unis. Même si le drone StormShroud ne sera pas exposé au Salon du Bourget, une coentreprise sera officiellement signée avec Baykar pour développer une nouvelle génération de brouilleurs embarqués sur drones.

D’autres industriels européens avancent eux aussi. C’est le cas de :

  • MBDA, qui travaille sur le missile brouilleur Spear-EW pour le Royaume-Uni
  • Hensoldt en Allemagne, avec son programme Kalaetron Attack
  • Indra, Saab et Elettronica, via le projet européen REACT

Des drones moins chers et plus difficiles à intercepter

Le principal avantage de ces drones ? Leur coût limité, leur capacité à voler en essaim et leur faible signature radar. Contrairement aux avions de guerre électronique classiques, ils peuvent s’approcher au plus près des défenses ennemies, dans ce qu’on appelle le stand-in jamming. Une nécessité dans les pays comme la Pologne, où les défenses russes couvrent l’espace aérien dès le décollage. Ils peuvent aussi accompagner discrètement des avions de chasse de 4e ou 5e génération, en leur ouvrant des couloirs d’action, en leurrant les radars, ou en brouillant les communications adverses.

La Royal Air Force (RAF) a dévoilé ses nouvelles plateformes collaboratives autonomes (PCA) « StormShroud », équipées de BriteStorm, la dernière charge utile de guerre électronique de Leonardo. Ce système de pointe vise à dérouter et neutraliser les radars ennemis lors des missions de combat aérien, offrant ainsi un avantage stratégique face aux systèmes de défense aérienne avancés.
La Royal Air Force (RAF) a dévoilé ses nouvelles plateformes collaboratives autonomes (PCA) « StormShroud », équipées de BriteStorm, la dernière charge utile de guerre électronique de Leonardo. Ce système de pointe vise à dérouter et neutraliser les radars ennemis lors des missions de combat aérien, offrant ainsi un avantage stratégique face aux systèmes de défense aérienne avancés.

L’Ukraine comme laboratoire grandeur nature

Le conflit en Ukraine a servi de révélateur brutal : les drones sont omniprésents, et la guerre électronique est devenue un outil du quotidien. Les Russes comme les Ukrainiens utilisent des systèmes portables pour brouiller les signaux GPS, les communications ou les radars d’artillerie. Certaines expérimentations menées par le Danemark avec des drones ukrainiens Skyeton montrent qu’il est possible de localiser et frapper une cible électronique à plusieurs centaines de kilomètres. Le signal est clair : ces technologies doivent être intégrées aux forces régulières le plus tôt possible, bien avant l’arrivée hypothétique des avions de 6e génération.

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L’Europe peut-elle rattraper son retard ?

Face à Raytheon (USA) ou Elbit (Israël), les Européens avancent vite, mais le temps presse. Le projet REACT, cofinancé par l’Union européenne à hauteur de 40 millions d’euros, doit durer jusqu’en 2028. Il s’agit d’un programme structurant qui prévoit la mise au point de brouilleurs multi-rôle, embarquables sur drones de combat ou dans des nacelles externes. De son côté, Thales dévoilera un nouveau module miniaturisé de guerre électronique au Bourget, destiné aux petits drones tactiques. Objectif : détecter, localiser et brouiller les émissions radio, tout en gardant une grande autonomie.

Tableau des initiatives européennes dans le brouillage radar

Projet / Entreprise Type de système Date clé Statut
StormShroud (Leonardo) Drone brouilleur opérationnel 2024 Validé par UK RAF
Spear-EW (MBDA) Missile brouilleur modulaire 2025 (prévu) En développement
Kalaetron Attack (Hensoldt) Système DRFM monté sur Eurofighter 2023 (essai) Testé en vol
REACT (Indra, Saab…) Brouilleur intégré drone/nacelle 2023–2028 Phase 2 financée à 40 M€
Thales (mini-payload) Capteur miniaturisé pour petits drones Juin 2025 Présentation au Bourget

 

Source : Leonardo

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