Actualité

Actualité internationale

Marines militaires

Le Karma semble s’être abattu sur la plus grande rivale de la France sur les mers puisque son « fleuron » national est à quai depuis 3000 jours

Publié le

Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

• Temps de lecture

placeholder

Plus de 3 000 jours à quai : le destroyer britannique HMS Daring bat un record… de lenteur Elle a été conçue pour traquer les avions ennemis, protéger les porte-avions …

Le HMS Daring (D32), un destroyer antiaérien de défense de zone à conception furtive de la Royal Navy, quittant la base navale de Portsmouth, Royaume-Uni.

Plus de 3 000 jours à quai : le destroyer britannique HMS Daring bat un record… de lenteur

Elle a été conçue pour traquer les avions ennemis, protéger les porte-avions et surveiller les mers du globe. Pourtant, le destroyer HMS Daring a passé plus de 3 000 jours hors service, échoué au port, désarmée, en attente de réparation. C’est plus longtemps que le temps qu’il a fallu pour le construire, sans compter que ce « fleuron » de la prestigieuse Royal Navy et premier Type 45 britannique est l’un des destroyers les plus coûteux jamais construits en Europe avec 1,3 milliard d’euros (en valeur actualisée 2025).
Aujourd’hui, il se prépare (enfin) à reprendre la mer.

Entre modernisation indispensable et feuilleton naval interminable, retour sur le destin paradoxal d’un des fleurons de la Royal Navy.

Lire aussi :

Huit années en mer, huit années à quai : un bilan désastreux pour la Royal Navy

Posée sur cale en 2003, lancée en 2006, le destroyer HMS Daring est officiellement entré en service en 2009. De la découpe de la première tôle à sa livraison opérationnelle, il s’est écoulé 2 307 jours. Un parcours classique pour une unité de cette complexité.

Son retrait du service actif, lui, remonte à avril 2017. Depuis, plus de 3 000 jours se sont écoulés sans qu’il n’ait repris la mer. Autrement dit : le navire a passé plus de huit ans à quai, soit autant de temps qu’elle en a passé en opération. Une situation inédite dans l’histoire récente de la marine britannique.

La France, 2e exportatrice d’armes au monde voit arriver ce pays d’Asie dans son rétroviseur qui va doubler ses ventes en 2025 notamment grâce à la Pologne

Une histoire commune… puis deux chemins différents

En mars 1991, les marines française et britannique identifient un besoin commun de destroyers antiaériens modernes. Rejointes par l’Italie, elles lancent en 1993 le programme Horizon, ambitieux, cohérent, prometteur : 22 navires potentiels (12 pour Londres, 4 à 6 pour Rome, 4 pour Paris).
Las, le 25 avril 1999, le Royaume-Uni se retire brutalement du programme Horizon, invoquant un coût excessif. Ironie du sort : Londres poursuivra néanmoins la participation au système de missiles PAAMS, mais construira seule sa propre série. À l’époque, les États-Unis proposent à la Royal Navy une offre de reprise de cinq croiseurs Ticonderoga équipés du système AEGIS. Londres refuse : elle veut douze bâtiments neufs, pas des coques d’occasion.
C’est finalement BAE Systems qui remporte la maîtrise d’œuvre du futur Type 45 le 11 juin 2000, pour trois navires. Trois autres sont commandés en 2002. Le programme visait initialement 12 unités, mais en 2004, ce chiffre est réduit à 8. Les deux derniers sont abandonnés en 2008, faute de budget.

Malheureusement, si nous devions faire le bilan en 2025, il semble que le T45 soit un gouffre financier, certes très avancé technologiquement mais avec d’énormes défauts de jeunesse quand la classe Horizon, moins ambitieuse mais maitrisée en terme de budget, soit parfaitement opérationnelle. Karma is a b*tch comme diraient nos amis d’outre-Manche !

Un moteur aussi sophistiqué que capricieux

L’origine du problème remonte à la conception même des destroyers Type 45, dont HMS Daring est le premier exemplaire. Ces navires étaient équipés d’un moteur unique en son genre : le WR-21, une turbine à gaz avec intercooler, censée être plus économe et plus compacte.

En pratique, cette motorisation a révélé de graves faiblesses, notamment en zone chaude, où la ventilation échoue à maintenir une puissance constante. Résultat : pannes en mer, pertes de propulsion, et une réputation entachée.

Pour corriger cela, Londres a lancé le Power Improvement Project (PIP). L’idée ? Retirer les deux générateurs diesel d’origine pour les remplacer par trois groupes plus puissants et fiables. Une opération chirurgicale dans les entrailles d’un bâtiment déjà construit.

Comparatif des étapes clés du HMS Daring :

Événement Date Durée
Pose de la quille 2003
Lancement 2006 ≈ 1 000 jours
Commissionnement 2009 2 307 jours depuis 2003
Retrait du service avril 2017
Fin de refonte technique fin 2022 ≈ 2 000 jours
Retour à Portsmouth début 2023
Reprise des essais prévue janvier 2026 ≈ 3 100 jours hors service

 

Un chantier interminable, mais pas inutile

Le chantier de modernisation a été mené au chantier Cammell Laird, avant le retour du navire à Portsmouth début 2023. Puis a débuté la phase de régénération : test des systèmes, remise en état des installations, et surtout reconstitution d’un équipage pour un navire inactif depuis presque une décennie.

Le ministère britannique de la Défense a confirmé que les travaux du PIP sur Daring ont été finalisés en 2023, comme pour son sistership HMS Dauntless, déjà revenu en service. Daring, lui, est resté à quai pour une dernière phase de préparation. Les essais en mer devraient débuter en janvier 2026, soit près de neuf ans après son retrait.

Une flotte entière à remettre à niveau

Daring n’est pas un cas isolé. Les six destroyers Type 45 sont tous passés ou passeront par le même programme :

  • HMS Dauntless : conversion terminée, opérationnelle
  • HMS Dragon : travaux en cours
  • HMS Defender : prochaine sur la liste
  • HMS Diamond et HMS Duncan : attendent leur créneau
  • Objectif : que les six bâtiments aient été convertis d’ici 2028

Selon les déclarations parlementaires britanniques, aucun problème technique n’a été signalé sur les unités déjà modifiées. Le PIP semble tenir ses promesses. Il vise à garantir aux Type 45 une seconde vie opérationnelle jusqu’aux années 2040.

Une image ternie malgré l’ambition technologique

Ces destroyers sont pourtant des bijoux technologiques. Conçus pour la défense aérienne, ils embarquent :

  • Le système de radar SAMPSON à antenne rotative
  • Des missiles Sea Viper à guidage actif
  • Des capacités de surveillance et de commandement avancées

Sur le papier, ils surpassent bon nombre de bâtiments comparables dans les marines occidentales. Mais l’accumulation des retards, les coûts de maintenance élevés et la lenteur des modernisations ont terni leur image auprès de l’opinion britannique.

L’arbre qui cache la forêt ?

La Royal Navy, fidèle à sa communication minimaliste, n’a pas souhaité commenter l’état exact du navire. Elle insiste sur un point : les engagements opérationnels sont tenus, avec ou sans Daring. La présence navale britannique reste constante de la mer Rouge à l’Atlantique Nord.

Pour autant, dans une époque où chaque déploiement compte, l’immobilisation de la moitié de la flotte de destroyers de premier rang pendant plusieurs années suscite des interrogations. Pas sur la nécessité de moderniser, mais sur la capacité à planifier ces opérations sans pénaliser la disponibilité globale.

La plus grande rivale de la France sur les mers atteint un nouveau palier d’humiliation en ayant recours à l’aide américaine pour son ravitaillement

Comparatif franco-britannique des destroyers (2025)

 
Critère 🇬🇧 Royaume-Uni
Type 45 (Daring class)
🇫🇷 France
Classe Horizon (Forbin / Chevalier Paul)
Nombre de navires 6 2
Années de mise en service 2009–2013 2010–2011
Statut opérationnel (2025) 2 pleinement opérationnels
4 en modernisation
2 opérationnels
Programme de modernisation Power Improvement Project (PIP)
Remplacement des générateurs diesel
Modernisation Horizon 2026
Nouveaux radars, logiciels et missiles
Radar principal SAMPSON (radar AESA rotatif) EMPAR (radar PESA fixe) → remplacé par Thales Seafire en 2026
Système de missiles Sea Viper (ASTER 15/30) PAAMS (ASTER 15/30)
Capacités principales Défense aérienne avancée
Commandement de groupe aéronaval
Protection aérienne de la Force aéronavale
Interception de missiles à longue portée
Rayon d’action ≈ 13 000 km à 18 nœuds ≈ 7 000 km à 18 nœuds
Autonomie logistique 45 jours 30 jours
Problèmes recensés Problèmes majeurs de propulsion
(WR-21 instable à chaud)
Capteurs dépassés (à corriger en 2026)

En résumé :

  • Quantité vs Disponibilité : le Royaume-Uni aligne plus de navires (6 contre 2), mais seuls 2 sont pleinement opérationnels en 2025, à cause du chantier PIP. La France, avec sa classe Horizon (qui a donc été refusée par la Royal Navy), conserve une disponibilité complète de ses deux destroyers.
  • Technologie embarquée : les deux pays utilisent le missile ASTER 15/30, mais le radar britannique SAMPSON, bien que puissant, commence à vieillir face au Seafire français de prochaine génération (remplacement prévu pour 2026).
  • Rayon d’action et endurance : les Type 45 britanniques sont conçus pour l’outre-mer, avec une autonomie plus grande et des capacités de déploiement mondiales. Les Horizon français sont plus compacts mais très bien équipés pour escorter le porte-avions Charles de Gaulle.
  • Approche industrielle : le programme Horizon a été franco-italien, mutualisant les coûts, tandis que le Type 45 a été un programme purement national britannique, ambitieux mais victime de défauts de conception.

Source : https://ukdefencejournal.org.uk/british-warship-passes-3000-days-out-of-service/

Image : Le HMS Daring (D32) quittant la base navale de Portsmouth (Royaume-Uni) en 2010.

Tags

navire

À propos de l'auteur, Guillaume Aigron