À Toulon, un mastodonte discret de 31 000 tonnes s’apprête à redéfinir le visage de la Marine française. Ce navire de soutien, taillé pour les conflits du futur, marque un tournant stratégique majeur.
Dans un monde maritime sous tension, Paris renforce sa capacité à projeter sa puissance sans dépendre de personne. Le BRF Jacques Stosskopf, second d’une série de quatre géants logistiques franco-italiens, va changer la donne pour les groupes aéronavals français, européens… et au-delà.
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Une arrivée symbolique à Toulon
Le 31 juillet 2025, le BRF Jacques Stosskopf a jeté l’ancre à Toulon après une campagne d’essais en mer. Long de 194 m pour 31 000 tonnes, il rejoint le Jacques Chevallier déjà livré en 2023. Ce duo marque le renouveau de la logistique navale française, en remplacement des anciens ravitailleurs issus de la classe Durance. Le navire impressionne tant par sa taille que par sa mission cruciale : assurer le ravitaillement complet des groupes aéronavals, même en pleine mer et dans des zones contestées.
Une coopération franco-italienne stratégique
Le BRF Jacques Stosskopf est un produit de la coopération européenne, fruit du programme FLOTLOG mené entre la France et l’Italie. Son architecture est dérivée du pétrolier ravitailleur italien Vulcano, avec une adaptation française via OCCAR et Fincantieri. Cette mutualisation renforce la base industrielle de défense européenne tout en permettant à la France de maintenir une autonomie stratégique en matière de projection navale. Quatre navires sont prévus : deux à Toulon et deux à Brest d’ici 2030.
Un monstre logistique de haute technologie
Le Jacques Stosskopf transporte jusqu’à 13 000 m³ de carburant (gazole naval et kérosène aviation) et 1 500 tonnes de fret solide (munitions, pièces détachées, vivres). Grâce à des bras de ravitaillement haute capacité, il peut transférer 1 200 m³/heure en pleine mer. Son propulsion diesel-électrique de 24 MW, assurée par 4 moteurs MAN, lui garantit 20 nœuds de vitesse et une endurance exceptionnelle.

Une arme discrète mais résolument défensive
Le navire ne se contente pas d’être une station-service flottante. Il embarque le système de combat Polaris, un radar de surveillance Terma Scanter 6002, et un optronique Paseo XLR signé Safran. Il peut ainsi se défendre seul contre des menaces proches, tout en contribuant au renseignement tactique. Sa double coque répond aux normes écologiques modernes, renforçant sa capacité à opérer dans des zones sensibles.
Une colonne vertébrale pour les forces expéditionnaires
Le BRF Stosskopf ne sert pas que la France. Il peut ravitailler les frégates européennes, accueillir un état-major embarqué, et héberger des ateliers de maintenance. Son interopérabilité OTAN et UE en fait un outil central pour les opérations conjointes, que ce soit en Méditerranée, dans l’Atlantique Nord ou demain en Indo-Pacifique. En mode EMCON, il peut opérer discrètement, en évitant les détections électromagnétiques.

Un pilier de la loi de programmation militaire
Le programme FLOTLOG s’inscrit dans la volonté française de maintenir sa souveraineté maritime. En remplaçant les anciens BCR par ces BRF modernes, Paris se donne les moyens de projeter sa puissance sur tous les océans. C’est un signal fort envoyé aux alliés comme aux adversaires : la France reste une puissance navale mondiale. Ce programme incarne aussi l’ambition industrielle d’exporter ce type de bâtiment vers d’autres marines.
Vers un avenir plus endurant
Avec Jacques Chevallier, Jacques Stosskopf, puis Émile Bertin et Gustave Zédé à l’horizon 2030, la France recompose sa flotte de soutien pour préparer le porte-avions de nouvelle génération. Chaque BRF prolonge l’autonomie des groupes aéronavals, en leur assurant un ravitaillement complet, discret et durable. Une vraie rupture capacitaire pour affronter les conflits hybrides du XXIe siècle.
| Navire | Livraison | Base d’attache | État |
| Jacques Chevallier | 2023 | Toulon | Opérationnel |
| Jacques Stosskopf | Fin 2025 | Toulon | En cours de réception |
| Émile Bertin | Début 2030 | Brest | En construction |
| Gustave Zédé | Avant 2031 | Toulon | Planifié |