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Ce pays d’Europe de l’Est veut envoyer un message clair à la Russie avec une grande première dans son histoire : un bataillon de chars d’assaut Leopard 2A

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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L’armée lituanienne s’offre des chars pour dire non à Moscou. La Lituanie vient de signer pour un prêt de 461 millions d’euros dans le but d’acquérir des chars allemands flambant …

Ce pays d'Europe de l'Est veut envoyer un message clair à la Russie avec une grande première dans son histoire : un bataillon de chars d'assaut Leopard 2A

L’armée lituanienne s’offre des chars pour dire non à Moscou.

La Lituanie vient de signer pour un prêt de 461 millions d’euros dans le but d’acquérir des chars allemands flambant neufs et constituer un bataillon blindé jamais vu dans l’histoire militaire du pays ! Le but : avoir l’air crédible face à la menace à ses frontières que constitue son « envahissant » voisin russe.

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Pour la première fois depuis l’indépendance du pays, la Lituanie va se doter d’un véritable bataillon de chars lourds occidentaux, flambant neufs, sortis tout droit des chaînes d’assemblage allemandes.

Il s’agit de 44 Leopard 2A8, les tout derniers modèles proposés par l’allemand KNDS. L’accord, conclu dans la discrétion en décembre 2024, prévoit des premières livraisons avant 2030. Cela peut sembler lointain. Pourtant, sur le plan symbolique et stratégique, le message est immédiat.

À travers ces chars, la Lituanie s’installe sur le devant de la scène militaire européenne. Elle ne veut plus être vue comme une frontière fragile, mais comme un rempart. Et ce rempart sera blindé.

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Des chars pour tenir le choc

Les Leopard 2A8 ne sont pas là pour faire joli lors des défilés nationaux. Ce sont des monstres d’acier pensés pour encaisser, résister, riposter. Leur blindage de nouvelle génération absorbe les impacts de projectiles à énergie cinétique, leur fond renforcé limite les dégâts des mines. Ils sont même équipés du système EuroTrophy, un dispositif actif capable de détecter et de neutraliser en vol un missile antichar.

À bord, l’équipage dispose d’une suite de capteurs infrarouges et optiques qui offrent une vision panoramique de 360 degrés. De jour comme de nuit. En face, peu importe que le danger vienne d’un drone kamikaze ou d’un groupe embusqué : le char peut tirer en moins de 3 secondes. Son canon de 120 mm, à âme lisse, perce 600 mm de blindage à plus de 2 000 mètres. Et l’ensemble du programme est pensé pour l’interopérabilité : les pièces, la maintenance, la formation sont partagées avec les autres membres du “club Leopard”. La Lituanie entre dans la cour des grands.

Une course régionale, des milliards sur la table

La Lituanie n’est pas seule dans cette stratégie de réarmement. Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine en 2022, les pays baltes et leurs voisins réécrivent leur doctrine militaire. Ils anticipent l’impensable : devoir se battre sur leur propre sol.

Voici un aperçu de cette frénésie :

Pays Modèle(s) commandé(s) Quantité Budget estimé Date de livraison prévue
Lituanie Leopard 2A8 44 461 millions € Avant 2030
Pologne Leopard 2A7, K2 Black Panther, M1 Abrams Plus de 1 000 Plus de 10 milliards € 2025–2032
Roumanie Leopard 2A7 54 (confirmés) Environ 1 milliard € Dès 2026
République tchèque Leopard 2A7+ (via Berlin) 14 + options Incl. aide allemande 2026–2027
Slovaquie Leopard 2A4 (don), CV90 MkIV 15 chars, 152 CV90 1,7 milliard € (pour les CV90) 2026–2028

Chacun y va de son contrat. L’Estonie a acheté des canons K9 Thunder sud-coréens. La Lettonie modernise ses blindés. Même des États traditionnellement plus discrets, comme la Finlande, accélèrent leurs livraisons de matériel lourd. L’Europe de l’Est, longtemps perçue comme la périphérie militaire de l’OTAN, est en train de devenir son bouclier avancé.

La peur du retour des chars russes

Si les performances des chars russes ne sont pas toujours au rendez-vous (blindage rustique, optiques dépassées sauf pour le T-90M), leur simple nombre suffit à créer l’inquiétude puisque depuis les premiers assauts donnés en Ukraine, on parlerait de 100 unités par mois qui sortiraient des usines de Tchéliabinsk ou Nizhny Tagil . S’ils partent de Kaliningrad ou de Biélorussie, les premières villes lituaniennes sont à portée en quelques heures.

La dissuasion devient donc locale. On entasse des munitions, on installe des simulateurs, on fait tourner les réservistes. Et surtout, on prépare les lignes de défense non plus pour les missions extérieures, mais pour une guerre à domicile.

Une interopérabilité qui change les rapports de force

En s’équipant de Leopard 2A8, la Lituanie n’achète pas que des chars. Elle achète un ticket d’entrée dans le cercle fermé des armées interopérables de l’OTAN. Cela veut dire : pouvoir mener des exercices conjoints, partager des pièces détachées, former ses équipages dans les mêmes centres que les Allemands, les Hollandais ou les Norvégiens.

C’est aussi, en creux, une forme de diplomatie militaire. Autrefois, les pays baltes se contentaient des dons occidentaux, souvent des équipements fatigués. Aujourd’hui, ils signent des contrats, imposent leurs exigences, demandent des garanties. Ils deviennent acteurs d’un marché qui pèse des milliards. Et ce rapport de force-là, Moscou l’observe.

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Une ligne rouge que personne ne dit tout haut

Dans les ministères de la Défense à Vilnius ou à Riga, personne ne parle frontalement de la Russie. On évoque des “scénarios d’agression”, des “risques hybrides”, des “défis sécuritaires”. Jamais le mot n’est prononcé. Il est là pourtant, en filigrane de chaque phrase. Il suffit d’écouter le ton. De voir les regards se durcir. De regarder les cartes.

Ces chars, ces obus, ces programmes à plusieurs zéros ne sont pas destinés à un conflit hypothétique. Ils visent une armée précise, avec un drapeau bien identifié. L’histoire a laissé des cicatrices et depuis 2022, une peur ancienne s’est réactivée : celle d’être les prochains.

Dans cette optique, les pays d’Europe de l’Est, au premier rang desquelles la Pologne, ont commencé à se réarmer jusqu’aux dents, au cas où le voisin russe déciderait d’aller voir un peu plus à l’Ouest si l’herbe y est plus verte encore qu’en Ukraine.

Source : https://www.lrt.lt/naujienos/lietuvoje/2/2642488/vyriausybe-avansui-uz-leopard-tankus-papildomi-461-mln-euru-is-skolintu-lesu?srsltid=AfmBOoo3J8yn3F60h0DNWwbdse9YUiRp65e62-y3tODAsiFWbddlMgzE

Image : Char Leopard-2 lors d’exercices militaires | Photo de Ž. Gedvila / BNS

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