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La France et l’OTAN regardent avec inquiétude l’agonie de l’éternelle rivale de la flotte française : 300 ans que ses effectifs n’avaient pas été aussi bas

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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Une flotte qui avance avec le frein à main serré. La Royal Navy a longtemps dominé les mers en étant redoutée par la Terre entière (notamment d’une de ses grandes …

La France et l'OTAN regardent avec inquiétude l'agonie de l'éternelle rivale de la flotte française : 300 ans que ses effectifs n'avaient pas été aussi bas

Une flotte qui avance avec le frein à main serré.

La Royal Navy a longtemps dominé les mers en étant redoutée par la Terre entière (notamment d’une de ses grandes rivales la flotte française). Aujourd’hui, le tableau est moins glorieux. Les effectifs sont au plus bas depuis le XVIIIᵉ siècle, autour de 29 000 marins, et chaque départ non remplacé laisse un vide qui se voit jusque sur les ponts.

Les bâtiments vieillissent plus vite qu’ils ne sont remplacés. Le cas des frégates Type 23 est typique. Entrées en service dans les années 1990, elles tirent sur la corde. Certaines sont déjà retirées, d’autres prolongées au-delà du raisonnable. Le renouvellement tarde, et chaque année de retard se paie en disponibilité opérationnelle. La lutte anti-sous-marine, spécialité historique britannique, se retrouve sous tension permanente.

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Des porte-avions majestueux, des escortes comptées

Sur le papier, le Royaume-Uni peut se targuer de deux porte-avions de 65 000 tonnes, le HMS Queen Elizabeth et le HMS Prince of Wales. Des mastodontes longs de 280 mètres, visibles de loin, symboles d’un retour au premier rang naval. En réalité, ces géants naviguent rarement seuls.

Un groupe aéronaval crédible nécessite frégates, destroyers, pétroliers ravitailleurs et sous-marins d’escorte. Or la flotte disponible ne permet pas toujours de constituer cet ensemble sans ponctionner d’autres missions. Résultat : des déploiements dépendants des alliés, souvent américains ou européens. L’image est forte. Le Royaume-Uni aligne des porte-avions, puis emprunte les clés pour les protéger.

Elle en est même réduite à utiliser des cargos civils en soutient logistique :

L’Atlantique Nord et l’Arctique sous surveillance étrangère

Cette fragilité se voit surtout dans les zones où la Royal Navy est d’ordinaire chez elle : l’Atlantique Nord, théâtre d’une activité sous-marine russe de plus en plus soutenue ou encore l’Arctique, où la fonte des glaces ouvre de nouvelles routes maritimes et stratégiques. Là où Londres devait montrer le pavillon, les passages se font plus rares.

La conséquence est directe pour l’OTAN. Les alliés comblent les absences, mutualisent les patrouilles, adaptent les plans. La crédibilité britannique, jadis acquise par l’habitude et l’expérience, se retrouve questionnée. Les marines russe et chinoise observent cette situation avec attention.

Une industrie navale qui n’arrive plus à suivre la cadence

Derrière les quais, le malaise est industriel. Les chantiers navals britanniques peinent à tenir les délais. Le programme Type 26, censé remplacer les Type 23, accumule les reports. Problèmes de coordination, pénuries de composants, inflation des coûts. Chaque frégate devient un chantier presque artisanal, loin des cadences industrielles nécessaires.

Les Type 31, plus simples et moins chères sur le papier, devaient apporter de l’air. Leur sortie reste laborieuse. L’industrie manque de main-d’œuvre qualifiée, et les ingénieurs partent vers le privé où les salaires suivent mieux le coût de la vie. Construire un navire de guerre moderne, c’est assembler des milliers de systèmes complexes. Quand les compétences s’éparpillent, le puzzle ne s’emboîte plus.

Le prix humain d’une marine sous tension

À bord, la pression est constante. Les équipages enchaînent les missions avec des effectifs réduits. La fatigue opérationnelle n’est pas un concept abstrait. Elle se traduit par des permissions annulées, des maintenances différées, des formations écourtées. Un marin fatigué fait moins d’erreurs visibles. Il en fait de plus petites, plus dangereuses.

Le recrutement ne suit pas. La Royal Navy attire encore par l’aventure et le sens du service. Elle perd par la rémunération et la prévisibilité des carrières civiles. Quand un technicien radar peut doubler son salaire à terre, la fidélité devient une variable fragile.

Des promesses politiques encore floues

Le gouvernement britannique a annoncé des ajustements budgétaires dans le cadre de la Defence Command Paper Refresh 2025. Les chiffres avancés parlent de plusieurs milliards d’euros supplémentaires sur la décennie. L’intention est là. Le calendrier reste incertain.

Modernisation des flottes, développement de drones navals, renforcement de la guerre électronique. Les projets s’empilent. Le temps, lui, ne ralentit pas. Chaque année sans livraison concrète éloigne un peu plus la Royal Navy de son statut de force globale. Une marine ne se redresse pas avec des discours. Elle se redresse avec des navires en mer et des équipages complets.

Le miroir français, imparfait mais plus cohérent

La comparaison avec la Marine nationale française agit comme un révélateur. La France ne dispose que d’un seul porte-avions, le Charles de Gaulle, long de 261 mètres, propulsion nucléaire, entré en service en 2001. Sur le papier, le Royaume-Uni fait mieux avec deux unités plus récentes. Dans les faits, la France aligne une flotte plus compacte, mieux équilibrée et plus disponible. Les frégates FREMM et FDI sortent des chantiers avec des délais maîtrisés, les équipages sont dimensionnés pour durer, et la chaîne industrielle fonctionne encore comme un tout. Paris a fait un choix clair : moins de coques, mais des groupes navals capables d’opérer seuls, sans dépendance structurelle à un allié. Londres, à l’inverse, a misé sur le symbole et le volume. Deux porte-avions sans escorte suffisante, c’est un peu comme deux locomotives sans wagons. Impressionnant à l’arrêt. Problématique en exploitation. La différence tient moins au budget global qu’à la cohérence d’ensemble et à la continuité stratégique.

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Composition complète de la flotte militaire britannique (Royal Navy)

Composante Classe / Type Nombre approximatif Rôle principal
Porte-avions Queen Elizabeth class 2 Projection aéronavale
Destroyers Type 45 (Daring class) 6 Défense aérienne
Frégates Type 23 (Duke class) 11 Lutte anti-sous-marine et escorte
Type 26 (City class) 1 en service / 7 prévues Lutte anti-sous-marine
Type 31 (Inspiration class) 0 en service / 5 prévues Escorte polyvalente
Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Vanguard class 4 Dissuasion nucléaire
Sous-marins nucléaires d’attaque Astute class 6 Lutte sous-marine, frappes
Navires de patrouille hauturiers River class (Batch 1 & 2) 9 Surveillance maritime
Navires amphibies Albion class (LPD) 2 Projection de forces
Navires de soutien logistique Tide class 4 Ravitaillement à la mer
Wave class 2 Ravitaillement carburant
Navires de lutte contre les mines Sandown class 6 Guerre des mines
Hunt class 7 Guerre des mines
Navires de renseignement Multi-Role Ocean Surveillance Ship 1 Surveillance des fonds marins
Navires écoles et divers Plusieurs types Une dizaine Formation, soutien

 

Une fenêtre étroite pour éviter le déclassement

La situation n’est pas irrémédiable. Le Royaume-Uni conserve une culture maritime, une expertise opérationnelle et des alliances fortes. La question est celle du rythme. Agir lentement dans un environnement naval en accélération revient à reculer.

Si les programmes aboutissent, si l’industrie retrouve une cadence, si les marins reviennent, la Royal Navy peut encore tenir son rang. Dans le cas contraire, elle risque de devenir une marine d’appoint, précieuse en coalition, incapable d’agir seule. Une transformation silencieuse, presque banale, qui marque la fin d’une époque sans cérémonie.

Sources :

  •  https://thehill.com/opinion/international/5648323-britain-royal-navy-decline/
  • https://www.telegraph.co.uk/business/2025/07/13/the-shipbuilding-crisis-left-royal-navy-more-exposed-ever/
  • https://www.navylookout.com/is-the-royal-navy-at-breaking-point-or-a-turning-point/

Image : Le HMS Queen Elizabeth à Gibraltar pour sa première escale à l’étranger.

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