En toute discrétion, la Belgique vient d’acheter 215 blindés supplémentaires à la France pour près de 1,15 milliard d’euros. Un jackpot industriel pour Paris… alors que le programme Scorpion peine à convaincre à domicile.
À l’abri des caméras, une alliance militaire se renforce. La Belgique, fidèle à sa doctrine d’intégration franco-belge, vient de confirmer l’achat de 92 Griffon et 123 Serval supplémentaires. Ces blindés flambant neufs, issus du programme Scorpion, vont équiper les unités mécanisées belges dès 2026. Montant de la facture : 1,15 milliard d’euros. Mais derrière ces chiffres, c’est toute une stratégie industrielle et tactique qui se joue en coulisses.
A lire aussi :
- Les États-Unis enchaînent les fiascos militaires : ces armes inutilisables dépassent le prix d’un Rafale, pendant que la Chine bâtit la première armée du monde en silence
- Ce blindé rend les soldats malades et a coûté plus cher que 70 Rafale : l’Ajax britannique tourne à la débâcle sanitaire et financière
Une commande massive passée sous silence
La décision belge est tombée le 3 décembre 2025, lors d’une session parlementaire à huis clos. Officiellement, 92 Griffon et 123 Serval viendront rejoindre les flottes existantes, portant l’inventaire à 498 véhicules Griffon au total pour la Belgique. Le détail budgétaire est limpide : 495,6 millions d’euros pour les Griffon, 656,4 millions d’euros pour les Serval. Ce n’est pas un achat d’appoint, c’est un changement d’échelle stratégique. Les véhicules couvriront des rôles variés : transport de troupes, évacuation médicale, postes de commandement, ou encore observation d’artillerie. À noter que les blindés belges seront intégrés localement à Staden, en Flandre, avec des composants français livrés en kits industriels, ce qui garantit des retombées économiques bilatérales.
Un partenariat structuré avec la France
Depuis 2018, la Belgique s’est intégrée progressivement au programme Scorpion à travers l’accord CaMo (Capacité Motorisée). Objectif : fusionner doctrines, matériels, radios, systèmes de combat numériques avec ceux de l’armée française. Et ce, pour permettre une interopérabilité totale dès 2027. À ce jour, la France a commandé :
- 1 872 Griffon
- 978 Serval
- 300 Jaguar
- 200 Leclerc XLR
Dans cette logique, la Belgique devient le partenaire européen de référence de l’industrie terrestre française.
Le détail des coûts et des versions
| Véhicule | Quantité ajoutée | Montant (€) | Rôle principal |
| Griffon | 92 | 495 600 000 € | Transport, commandement, santé |
| Serval | 123 | 656 400 000 € | Reconnaissance, mobilité rapide |
| Total | 215 | 1 152 000 000 € |
Les versions belges intègrent des tourelleaux FN Herstal, des optroniques Thales, des brouilleurs Eclipse, ainsi que des systèmes de diagnostic embarqués pour la maintenance prédictive. Une sophistication technologique digne de programmes bien plus lourds.
Des véhicules taillés pour les conflits modernes
Le Griffon pèse 25 tonnes, mesure 7,6 m de long, 2,5 m de large et 3,7 m de haut. Il embarque un moteur Renault Trucks de 400 chevaux, une boîte automatique à 7 rapports ZF, et atteint 90 km/h sur route, avec 800 km d’autonomie. Sa protection répond au niveau 4 de la norme OTAN STANAG 4569, résistant aux explosifs improvisés, aux mines, aux armes légères, et aux menaces nucléaires, biologiques et chimiques. À bord, 8 fantassins sont installés sur des sièges anti-souffle. Les versions MEPAC incluent un mortier de 120 mm capable de tirer 10 coups/minute à 360°.

La France y trouve (enfin) son compte
Si l’armée française traîne à rentabiliser politiquement son programme Scorpion, les exportations compensent partiellement. Après la Belgique et le Luxembourg (16 Griffon), d’autres pays comme l’Irlande lorgnent le trio Griffon-Serval-Jaguar. Pour la France, cela conforte une base industrielle solide, alors que d’autres projets comme le MGCS (char du futur franco-allemand) piétinent. Le site de Staden, côté belge, représente un investissement de 7 millions d’euros, avec une chaîne d’intégration localeoù les modules français sont complétés, peints, testés et validés. Un modèle coopératif, plus viable que certains projets européens éclatés.
Une numérisation à marche forcée
Au cœur de cette collaboration : le système SICS (Scorpion Information Combat System), les radios CONTACT et une vision tactique en temps réel. Les unités mixtes franco-belges vont échanger des données, des positions GPS, des ordres de tir en quelques secondes, même sur théâtres d’opérations hybrides. Les sous-groupements tactiques interarmes (SGTIA) prévus combinent des éléments belges et français dans une fusion opérationnelle, notamment lors des exercices Celtic Uprise ou sur les polygones de tir français. La Belgique s’entraîne déjà avec les systèmes d’armes Hornet montés sur Griffon, dont les tourelles T1 et T2 peuvent accueillir une mitrailleuse 12,7 mm, une 7,62 mm, ou un lance-grenades de 40 mm.
Une vision européenne plus large
La Belgique ne se limite pas aux transports de troupes. En 2024, elle a rejoint le programme français EGC (engin du génie de combat), baptisé Auroch, un blindé de 28,6 tonnes, développé avec KNDS France, Texelis et CNIM. Ce futur engin du génie pourra ouvrir des brèches, construire des fortifications, ou appuyer des opérations urbaines. Les premières livraisons sont prévues autour de 2030. En parallèle, la modernisation de l’artillerie belge est en cours, avec des Caesar NG, des mortar carriers MEPAC, et l’intégration de feux indirects au sein des réseaux numériques Scorpion. La Belgique prépare également ses unités pour le programme franco-belge Véhicule d’Appui Engagé, un successeur potentiel du VAB Génie.
Source : L’Echo