La Chine pulvérise à nouveau son record de lancements spatiaux.
À la mi-novembre 2025, la Chine a déjà effectué 71 lancements orbitaux, dépassant son propre record de l’an dernier (68), et si le pays ne bat pas encore dans l’absolu son rival américain, ce chiffre pourrait encore grimper d’ici la fin de l’année et accentuer le record national.
En l’espace de trois jours, le pays a envoyé dans l’espace trois fusées différentes depuis trois sites distincts, avec des objectifs très variés : tests technologiques, surveillance orbitale, satellites internet… Un feu d’artifice orbital qui témoigne d’une chose : la Chine ne joue plus, elle industrialise l’espace.
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71 fusées en orbite et l’année n’est pas encore finie pour la Chine qui bat son record de lancement spatiaux
3 lancements spatiaux en 3 jours pour la Chine
Le 8 novembre, une fusée Chang Zheng 11 (Longue Marche 11) s’est élevée dans les airs avec à son bord trois satellites Shijian-32, destinés à tester de nouvelles technologies spatiales.
Le lendemain, c’est la Kinetica-1 a pris le relais depuis le centre de Jiuquan, dans le désert de Gobi, plaçant deux petits satellites, Chutian-2-01 et 2-02, sur une orbite terrestre très basse (VLEO). L’objectif : observer la Terre avec une résolution inégalée, au plus près de l’atmosphère.
Enfin, dans la nuit du 10 novembre, une Chang Zheng 12 a décollé depuis Wenchang, emportant neuf satellites pour bâtir la future mégaconstellation chinoise GuoWang : 13 000 satellites prévus, rien que ça.
Ce rythme de lancement est encore assez anecdotique pour l’Empire du Milieu mais témoigne de sa nouvelle dimension prise dans la course à l’espace.
Des fusées pour tous les formats
La Chang Zheng 11, haute de 21 mètres pour 58 tonnes, propulsée au propergol solide, est conçue pour placer 350 kg en orbite héliosynchrone à 700 km. C’est la fusée express du spatial chinois : compacte, fiable, et même capable de décoller depuis des barges.
La Kinetica-1, plus ambitieuse, mesure 30 mètres et peut emporter 2 tonnes en orbite basse. Propulsée elle aussi au solide, elle est pensée pour les missions réactives et les lancements multiples. Elle a déjà volé 10 fois depuis 2022, avec un seul échec recensé.
Quant à la Chang Zheng 12, c’est une toute autre catégorie. Avec ses 62 mètres de haut pour 433 tonnes au décollage, elle propulse jusqu’à 12 tonnes en orbite basse, grâce à des moteurs alimentés au kérosène (RP-1) et oxygène liquide. Elle sera l’épine dorsale du programme GuoWang, la réponse chinoise à Starlink.
Récapitulatif des fusées et lanceurs chinois
| Nom de la fusée | Nom chinois | Opérateur | Type de carburant | Hauteur | Charge utile (LEO) | Particularités |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Longue Marche 2D | 长征二号丁 (Chang Zheng 2D) | CASC (étatique) | UDMH / N₂O₄ | 41 m | 3,5 tonnes | Lancements réguliers de satellites |
| Longue Marche 3B | 长征三号乙 (Chang Zheng 3B) | CASC | UDMH / N₂O₄ + LH₂/LOX | 56 m | 5,5 tonnes (GTO) | Très utilisée pour satellites géostationnaires |
| Longue Marche 4C | 长征四号丙 (Chang Zheng 4C) | CASC | UDMH / N₂O₄ | 45 m | 4,2 tonnes | Orbites polaires/héliosynchrones |
| Longue Marche 5B | 长征五号乙 (Chang Zheng 5B) | CASC | RP-1 / LOX + LH₂ / LOX | 53 m | 25 tonnes | Modules de station spatiale |
| Longue Marche 6 | 长征六号 (Chang Zheng 6) | CASC | RP-1 / LOX | 29 m | 1 tonne | Petits satellites, ride-share |
| Longue Marche 7 | 长征七号 (Chang Zheng 7) | CASC | RP-1 / LOX | 53 m | 13,5 tonnes | Transport cargo Tiangong |
| Longue Marche 8 | 长征八号 (Chang Zheng 8) | CASC | RP-1 / LOX | 50 m | 5 tonnes | Partiellement réutilisable |
| Longue Marche 11 | 长征十一号 (Chang Zheng 11) | CASC | Propergol solide | 20,8 m | 700 kg | Lancements depuis plateformes marines |
| Kinetica-1 | 引力一号 (Yǐnlì Yīhào) | CAS Space (中国科学院) | Propergol solide | 30 m | 2 tonnes | Orbites très basses (VLEO) |
| Ceres-1 | 谷神星一号 (Gǔshénxīng Yīhào) | Galactic Energy (星河动力) | Propergol solide | 19 m | 400 kg | 1er succès privé chinois |
| Hyperbola-1 | 双曲线一号 (Shuāngqūxiàn Yīhào) | iSpace (星际荣耀) | Propergol solide | 20,8 m | 300 kg | Réutilisation en développement |
| Gravity-1 | 引力一号 (Yǐnlì Yīhào) | Orienspace (东方空间) | RP-1 / LOX | 32,8 m | 6,5 tonnes | Nouveau lanceur lourd privé |
Shijian : les satellites silencieux de la manœuvre orbitale
Le programme Shijian (traduire : “expérimental”) intrigue depuis des années les observateurs du spatial. Officiellement, il s’agit de tester des technologies. En réalité, certains de ces satellites, comme Shijian-21 et Shijian-25, ont déjà démontré des capacités de rendez-vous et de proximité (RPO) en orbite géostationnaire. Des manœuvres discrètes, parfois non détectables, laissant penser à des tests de ravitaillement, de capture ou d’interception.
En orbite, l’approche d’un autre satellite sans autorisation explicite est rarement anodine. Et le silence qui entoure les objectifs de Shijian-32 ne fait que renforcer le soupçon : la Chine affine discrètement ses capacités spatiales duales, civiles et militaires.
GuoWang : un Internet orbital à la chinoise
Avec neuf nouveaux satellites lancés, la mégaconstellation GuoWang (国网, “réseau national”) commence à prendre forme. L’objectif est clair : fournir un accès internet haut débit à l’échelle mondiale, sur le modèle de Starlink, mais sous contrôle étatique intégral.
Ce projet, porté à bout de bras par la China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC), vise à mailler le globe d’ici 2030. Sur le papier : connectivité mondiale. En creux : un outil géopolitique redoutable, capable de fournir une couverture souveraine aux forces chinoises à l’étranger, ou de peser dans les pays en développement.
États-Unis, Europe, Chine : trois rythmes, trois philosophies spatiales
Pendant que la Chine enchaîne les lancements comme un métronome industriel, les États-Unis restent les rois du volume utile lancé, mais avec une logique très différente. En 2025, SpaceX à lui seul devrait dépasser les 85 tirs, grâce à sa flotte de fusées Falcon 9, parfois deux lancements le même jour. Mais attention : cette puissance repose sur un acteur privé ultra-dominant, bien plus que sur une stratégie nationale coordonnée. De l’autre côté, l’Europe accuse un retard douloureux. Avec l’absence prolongée d’Ariane 6 (dont le vol inaugural est attendu pour décembre 2025) et les tensions autour de Vega, le vieux continent peine à dépasser les 10 lancements annuels, dont une partie s’appuie sur des partenaires comme SpaceX ou l’Inde. En clair : la Chine produit, les États-Unis optimisent, l’Europe dépend. Et dans la guerre des orbites, cette asymétrie commence à peser lourd.
Comparatif des lancements orbitaux en 2025 entre la Chine, les États-Unis et l’Europe :
| Zone géographique | Lancements orbitaux (2025) | Acteurs principaux | Particularité stratégique |
| Chine | 71 | CASC, Expace, Galactic Energy, iSpace | Forte coordination étatique, cadence industrielle |
| États-Unis | 90+ (dont 85 SpaceX) | SpaceX, ULA, Rocket Lab, Blue Origin | Dominance privée, capacité lourde |
| Europe | ~9 | Arianespace, ESA, Rocket Factory Augsburg (à venir) | Fragmentation industrielle, dépendance externe |
Sources :
- Spacenews.com
Site d’information reconnu spécialisé dans l’actualité spatiale mondiale, très fiable pour le suivi des lancements chinois récents.
🔗 https://spacenews.com - China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC)
Source officielle pour toutes les données techniques et programmes en cours liés aux lanceurs Longue Marche.
🔗 http://www.spacechina.com (en chinois) - Everyday Astronaut – Rocket Database
Base de données technique très détaillée sur les fusées mondiales, utilisée pour les performances (masse, capacité LEO, propergols).
🔗 https://everydayastronaut.com/rocket-database
Image de mise en avant : Le 15 septembre à 9h23, heure de Pékin, la Chine a lancé avec succès la constellation de satellites « Jilin-1 » Gaofen 03-1 sur son orbite prédéterminée à l’aide d’une fusée porteuse Longue Marche-11 lancée depuis la mer Jaune, transportant neuf satellites en un seul lancement.