Un avion de reconnaissance français repéré dans les Caraïbes : surveillance discrète ou message stratégique ?
Un Beechcraft Super King Air 350, immatriculé F-ZBGO sous pavillon militaire français, a été aperçu traversant l’espace aérien des Caraïbes cette semaine. Un vol anodin en apparence, sauf pour ceux qui savent lire entre les lignes radar.
Car au même moment, des signatures de radar au sol ont été détectées près de Porto Rico sur les plateformes publiques de suivi de vol (ADSBexchange). Une coïncidence ? Peut-être. Un vol de collecte de renseignement ? Plus probablement.
La trace, rapidement repérée par les communautés OSINT, ravive l’attention sur une zone qui bruisse à nouveau d’activité militaire internationale.
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La France envoie un petit avion aux grandes oreilles dans les Caraïbes
Le B350, dans sa version française, n’est pas un avion d’affaires comme les autres. Selon sa configuration, il peut embarquer des capteurs électromagnétiques, des systèmes de surveillance maritime, ou des dispositifs de renseignement d’origine électromagnétique (SIGINT).
F-ZBGO, enregistré sous l’indicatif GALAXY1, est l’un de ces appareils discrets qui volent bas, longtemps, et écoutent beaucoup. Il a déjà été aperçu en Méditerranée, dans le Sahel, au-dessus de la Manche ou encore en soutien à des opérations de police maritime.
Sa petite taille et ses coûts d’exploitation réduits le rendent parfait pour des missions de présence prolongée dans des zones sensibles mais sans escalade visible. Loin des Rafale ou des Awacs, ces Beechcraft se faufilent là où un avion plus lourd serait immédiatement repéré… et interprété.
Des faisceaux radar sur Porto Rico : des yeux au sol pendant qu’on écoute en l’air
Le même jour, des faisceaux radar, typiques des balayages au sol, ont été détectés depuis Porto Rico. Ces traces, qui apparaissent parfois sur les plateformes publiques, sont souvent liées à des calibrages de radar ou à des missions de contrôle aérien militaire.
Leur synchronisation avec le passage du King Air français alimente les spéculations. Radar au sol américain + avion de renseignement français = opération conjointe ? Ou simple coïncidence d’agendas ? Aucune communication officielle n’a été émise par Paris ou Washington.
Mais une chose est sûre : le renseignement électromagnétique passe rarement par hasard.
Une présence française dans une région sous tension
Ces dernières semaines, les Caraïbes ont connu une recrudescence d’activités aériennes militaires. Des bombardiers stratégiques américains B-52 et B-1B ont été repérés près du Venezuela, accompagnés de C-146A Wolfhound des forces spéciales de l’US Air Force.
L’apparition d’un avion ISR français dans la même zone renforce l’idée d’un intérêt partagé pour cette région instable, à cheval entre trafic maritime, pression vénézuélienne, et crise haïtienne.
Ce vol s’inscrit aussi dans un contexte plus large :
- Surveillance des routes de contrebande entre Amérique du Sud et archipels caribéens,
- Suivi discret des mouvements militaires régionaux,
- Collecte de signaux dans une zone à forts enjeux diplomatiques, notamment entre Caracas et Washington.
La France, par ailleurs engagée dans des coopérations régionales sur la sécurité maritime, dispose déjà de points d’appui militaires aux Antilles : bases en Martinique et en Guyane, forces prépositionnées, surveillance ZEE.
French Beechcraft Super King air ( B350 ) and Radar beams from Puerto Rico showing up still on ADSB pic.twitter.com/kJPJnAcAFy
— Aviation and Naval Assets (@AirAssets) November 7, 2025
Une mission non déclarée, mais pas anodine
Le vol du F-ZBGO ne portait aucune mention d’objectif. Les avions ISR français n’activent que partiellement leur transpondeur, n’annoncent jamais publiquement leurs missions, et se contentent de “corridors de routine” pour dissimuler des opérations sensibles.
Mais à l’heure où même les faisceaux radar sont visibles en open source, ces vols ne passent plus inaperçus.
La France ne dispose pas d’avions de surveillance aussi lourds que les RC-135 américains, mais mise sur des plateformes plus légères et agiles, capables de remplir des missions variées avec une signature minimale.
Le Beech B350, dans ce rôle, offre une souplesse précieuse dans les zones où il faut tout voir, sans trop se montrer.
Récapitulatif des plateformes ISR légères utilisées par la France
| Appareil | Rôle principal | Immatriculation typique | Portée | Capteurs embarqués | Théâtres d’opération récents |
| Beechcraft B350 “GALAXY” | SIGINT, surveillance maritime | F-ZBGO / F-ZBGN | ~2 500 km | Radar surface, capteurs ELINT, optronique | Sahel, Méditerranée, Antilles |
| Falcon 8X Archange | Renseignement électromagnétique stratégique | En test depuis 2025 | ~12 000 km | Large suite de capteurs Thales, ECM | Prévu pour 2026–2030 |
| ATL2 modernisé | Patrouille maritime, lutte anti-sous-marine | Flotte marine (Lann-Bihoué) | ~9 000 km | Radar, sonar, MAD, optronique, Link-11 | Atlantique Nord, Golfe de Guinée |
| SDTI Sperwer / Patroller | Drones ISR tactiques | Opéré par 61e RA / Armée de terre | ~200 km | EO/IR, télémétrie, désignation laser | Barkhane, Sentinelle, Baltique |
| Reaper MALE | Drone ISR longue durée | Opéré par Armée de l’Air | ~1 800 km (satcom) | EO/IR, capteurs numériques, armement possible | Sahel, Levant, surveillance extérieure |
Image de mise en avant réalisée à l’aide de Canva à des fins de représentation de l’article.