La Choe Hyon : la déclaration de guerre navale de la Corée du Nord.
Avec la mise en service du Choe Hyon, la Corée du Nord revendique désormais sa place dans les grandes marines de guerre. Peut-on vraiment « craindre » ce nouveau venu sur les océans de la part d’un pays qui semblait connaitre quelques difficultés financières pour moderniser son armée « conventionnelle » (hors nucléaire) ? Petite enquête du Forum-Militaire !
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Une montée en gamme spectaculaire pour la flotte militaire de la Corée du Nord
C’est dans une mise en scène millimétrée, à grand renfort d’uniformes et de drapeaux rouges, que Kim Jong-un a officiellement déclaré le Choe Hyon « prêt au déploiement ». À première vue, l’annonce pourrait prêter à sourire mais les analystes navals, eux, sont bien plus circonspects. Car avec ses 5 000 à 5 500 tonnes, ses lignes furtives, ses radars à panneaux fixes et ses systèmes de lancement vertical (Vertical Launching System ou VLS chez nos amis anglosaxons), ce navire ne ressemble en rien aux vieilles coques rouillées qui peuplent la flotte nord-coréenne depuis des décennies.
Ce destroyer, qui porte le nom d’un héros militaire du régime, aurait la capacité d’emporter jusqu’à 76 missiles, de type croisière ou anti-navire, et potentiellement à tête nucléaire.
Il est de plus conçu pour opérer au-delà des eaux côtières. Une première dans l’histoire maritime du pays.
Une architecture qui inspire la méfiance
Tout dans le Choe Hyon semble avoir été pensé pour brouiller les pistes : superstructure bicoque pour réduire la signature radar, canons secondaires dissimulés, CIWS inspiré de l’AK-630 pour les menaces rapprochées, et surtout deux batteries de VLS à l’avant et l’arrière. Les images satellites montrent aussi un canon principal de 127 mm, idéal pour les frappes côtières.
Côté capteurs, les radars à panneaux fixes évoquent une inspiration chinoise (Type 052), tandis que les dispositifs électro-optiques et de navigation donnent au navire une allure plus moderne que celle du Kumsong-3, le missile anti-navire nord-coréen inspiré du Kh-35 russe.
Le mystère demeure sur sa propulsion. Faute de turbines modernes, les experts penchent pour une solution diesel, plus lente, mais suffisante pour patrouiller en mer du Japon ou en mer Jaune.
Une menace stratégique, pas juste symbolique
Le Choe Hyon ne bouleverse pas l’équilibre des forces à lui seul mais il introduit une variable tactique inédite. Un navire armé de missiles de croisière à portée de Guam ou d’Okinawa, qui se déplace silencieusement dans les eaux internationales, sans que l’on connaisse sa charge exacte, a tout d’un « piège » pour les états majors occidentaux, États-Unis en tête (d’autant que d’après ces derniers ce destroyer pourrait transporter des missiles nucléaires).
Il s’agit d’un outil de déstabilisation graduée, qui joue sur l’incertitude et les zones grises du droit maritime. En période de tension, sa simple présence peut perturber des exercices conjoints ou forcer un déploiement de moyens ISR américains coûteux.
Le retour des escadres
Ce qui inquiète également, c’est le potentiel futur. Car le Choe Hyon pourrait n’être que le premier d’une petite flotte de navires à longue portée, escortés de patrouilleurs, de navires logistiques ou même de sous-marins.
Le modèle rappelle ce que la Chine a fait dans les années 2000 avec ses frégates Type 054 avant de passer aux destroyers Type 055. Une montée en gamme progressive, masquée par une rhétorique défensive.
Une mer moins sûre
Jusqu’à présent, les stratégies de défense sud-coréennes et japonaises reposaient sur l’idée que la mer était un tampon. Le Choe Hyon remet cela en question. Il oblige à renforcer la surveillance maritime, à anticiper des frappes depuis l’ouest et à reconfigurer la chaîne de commandement en cas de crise.
Loin d’être une bravade de plus, le lancement du Choe Hyon marque le début d’une nouvelle ère dans la stratégie navale nord-coréenne. Une ère où les missiles ne viennent plus seulement du ciel ou du sous-sol, mais également de la mer. Et où le Pacifique pourrait devenir plus imprévisible qu’il ne l’a été depuis des décennies.
Comparatif des principales classes de destroyers en 2025 dans le monde
Modèle | Pays | Déplacement (t) | Vitesse max (km/h) | Armement principal | Radar principal | Commentaires |
---|---|---|---|---|---|---|
Arleigh Burke Flight III | États-Unis | 9 800 | 56 | 96 VLS (SM-6, Tomahawk, ESSM) | AN/SPY-6 | Très polyvalent, défense aérienne avancée, frappe terrestre. Radar SPY-6 plus performant que l’ancien SPY-1D. Production en série continue. |
Type 052D | Chine | 7 500 | 56 | 64 VLS (HQ-9, YJ-18, CJ-10) | Type 346A AESA | Classe moderne, très présente en mer de Chine. Missiles longue portée. Radar AESA avancé. Faiblesses possibles en guerre anti-sous-marine. |
Type 055 Renhai | Chine | 13 000 | 55 | 112 VLS (missiles surface-air, anti-navire, anti-sous-marins) | Radar X-band + AESA multi-fonctions | Considéré par certains comme un croiseur. Très fort potentiel en commandement de flotte et guerre électronique. Capacité de frappe massive. |
Horizon (classe Forbin) | France / Italie | 7 050 | 53 | 48 Aster 15/30 + Exocet MM40 | EMPAR + Herakles | Spécialisé en défense aérienne de zone. Intégré à la flotte du Charles de Gaulle. Coopération franco-italienne réussie, mais manque de VLS comparé aux autres. |
Type 45 Daring | Royaume-Uni | 8 500 | 56 | 48 Aster 15/30 | SAMPSON + S1850M | Excellente couverture anti-aérienne grâce au radar SAMPSON. Capacité limitée en missiles de croisière ou anti-navire. Problèmes passés de propulsion partiellement corrigés. |
KDX-III Batch II | Corée du Sud | 10 600 | 59 | 128 VLS (SM-6, K-VLS, Hyunmoo-3C) | AN/SPY-1D + radars coréens | Énorme puissance de feu. Très moderne. Conçu pour contrer la Corée du Nord, mais également capable de projection dans le Pacifique occidental. |
Sachsen (F124) | Allemagne | 5 800 | 54 | 32 VLS (ESSM, SM-2), 1 canon de 76 mm | SMART-L + APAR | Excellente couverture radar. Conçu pour l’escorte et la défense aérienne en coalition OTAN. Armement limité en offensive terrestre. |
Maya-class | Japon | 10 250 | 56 | 96 VLS (SM-3, SM-6, ASROC, Tomahawk) | AN/SPY-1D(V) | Capacité ABM (anti-balistique) avancée. Interopérable avec les forces US. Intégration des Tomahawk prévue pour 2026. Pilier de la défense japonaise. |
Source : https://www.reuters.com/world/asia-pacific/north-koreas-kim-jong-un-visits-naval-destroyer-kcna-says-2025-10-05
Image : Le Choe Hyon (source : KCNA)