Ce prototype déclassifié aurait pu tout changer : plus furtif, plus rapide, mais laissé sur le tarmac pour des raisons politiques. Le YF-23 était peut-être le meilleur chasseur que l’Amérique n’a jamais choisi.
Plus furtif que le F-22, capable de voler plus loin et plus vite, le YF-23 a été écarté au début des années 90. Officiellement pour des raisons techniques. Officieusement pour des raisons de confiance envers son constructeur. Retour sur une décision qui continue de faire débat au Pentagone, à l’heure où les F-22 disparaissent lentement sans remplaçant.
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Deux machines nées pour dominer les cieux
Au tournant des années 90, deux avions de chasse américains s’affrontent : le YF-22 de Lockheed Martin, futur F-22 Raptor, et le YF-23 de Northrop. Tous deux sont des protos de cinquième génération, furtifs, rapides et pensés pour supplanter les MiG-29 et Su-27 soviétiques. Mais leurs philosophies divergent. L’un mise sur la maniabilité à coup de tuyères orientables. L’autre, sur la furtivité et l’autonomie. Et ce n’est pas celui qui était le plus performant sur papier qui a gagné.
Une gueule d’ovni pour brouiller les radars
Le YF-23 n’avait rien d’un chasseur conventionnel. Sa voilure en losange, son nez tombant et ses stabilisateurs en V inversé lui donnaient des airs de vaisseau spatial. Un design pensé pour absorber et dévier les ondes radar. Deux prototypes ont vu le jour : le Black Widow II, noir comme l’espace, et le Grey Ghost, peint en gris clair. Tous deux atteignaient Mach 1,6 en super-croisière, sans postcombustion, soit environ 1 975 km/h. Un atout tactique majeur.
Plus loin, plus longtemps, plus discret
Le véritable avantage du YF-23, c’était son autonomie de combat élargie. Son rayon d’action supérieur à celui du YF-22 le rendait plus apte à frapper en profondeur sans ravitaillement. De quoi intéresser la Navy pour remplacer ses F-14 Tomcat vieillissants. Côté furtivité, il était considéré comme plus discret, notamment grâce à ses sorties d’échappement aplaties, censées éviter les détections infrarouges.
Une démonstration qui n’a pas fait le poids
Mais voilà : lors des tests officiels, c’est le YF-22 qui impressionne. Vols à haute incidence, tirs de missiles, figures à 9 G… Lockheed met le paquet. Northrop, plus discret, n’exploite pas toutes les capacités de son avion en public. Une erreur de communication fatale, selon de nombreux analystes. Sur le papier, les performances étaient proches. Mais la perception a pesé plus lourd que les chiffres.
Le passé trouble de Northrop a pesé
Dans les couloirs du Pentagone, le choix ne se fait pas qu’à la technique. Northrop traîne à l’époque une réputation sulfureuse : audits, retards, dépassements de budget. Pour le Congrès, miser sur Lockheed est plus sûr. Et puis, donner le contrat à Lockheed permet d’équilibrer la production industrielle entre les deux grands. Des raisons politiques plus que stratégiques ont décidé du sort du YF-23.
Une victoire en trompe-l’œil pour le F-22
Le F-22 est un succès technologique, mais un échec industriel. Prévu pour 750 exemplaires, seuls 186 ont été construits. Coût unitaire : plus de 200 millions d’euros. La chaîne de production est aujourd’hui démantelée. Le chasseur est devenu une élégante relique. Le YF-23, lui, reste un fantasme d’ingénieurs, exposé dans des musées, comme le chasseur qui aurait pu tout changer.
Ce que l’histoire militaire retiendra
Avec le recul, de nombreux experts estiment que le YF-23 était un pari plus audacieux, mais aussi plus adapté aux conflits modernes à longue portée. Moins spectaculaire, mais plus stratégique. Dans un monde où l’autonomie, la furtivité et l’efficacité opérationnelle priment, l’avion de Northrop aurait peut-être mieux vieillé. Mais le choix était fait.
Source : National Security Journal