Pourquoi la France envoie ses Mirage les plus redoutables à Djibouti.
Admis au service actif depuis 1984, le Mirage de Dassault s’est écoulé à plus de 600 exemplaires dans le monde et constitue sans conteste une des grandes réussites dans l’armement de la France sur la deuxième moitié du XXe siècle.
Ce « vieux briscard » continue de rendre service à l’Hexagone puisque 2 exemplaires viennent encore de subir des améliorations (version Mirage 2000D RMV) pour rejoindre un des lieux les plus stratégiques de la planète où la France encore son mot à dire : Djibouti et l’entrée de la mer Rouge.
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Le Mirage 2000D RMV redonne un élan à la défense aérienne française en mer Rouge
Ces Mirage ne sont pas les mêmes que ceux qu’on a vus sur les théâtres afghans ou sahéliens. Leur cellule, oui, est la même : cette silhouette delta familière des avions de Dassault mais l’intérieur a changé
Le poste de pilotage est désormais entièrement numérique. Fini les cadrans, les aiguilles. Tout passe par des écrans, un ordinateur de mission embarqué, une interface pensée pour les opérations coordonnées, rapides, précises. Les pilotes peuvent échanger en temps réel avec les forces au sol, les navires, les drones, les AWACS, grâce à la fameuse liaison Link 16.
Dans leurs soutes on trouvera désormais des bombes guidées laser, des missiles MICA à imagerie infrarouge, un pod canon de 30 mm.
Pourquoi Djibouti ? Ce petit bout d’Afrique où tout se joue
Pour comprendre, il faut poser une carte sur la table. Djibouti est minuscule. Un confetti coincé entre l’Érythrée, la Somalie et l’Éthiopie. Une chaleur étouffante. Une côte déchiquetée. Et surtout, le Bab el-Mandeb, à deux pas : un détroit de 27 kilomètres de large par lequel passe près de 10 % du commerce maritime mondial. Un point de passage vital pour le pétrole, le gaz, les conteneurs. Une autoroute bleue sous haute tension avec de nombreux ports sous pavillon chinois, des bases américaines, des navires iraniens, des groupes armés qui pullulent sur les deux rives.
La France tient sa position depuis 1977. Avec ses 1 500 militaires, ses commandos, ses avions. Parce qu’abandonner Djibouti, ce serait renoncer à une voix dans cette partie d’échecs mondiale.
Un redéploiement discret, dans le sillage d’un traité renouvelé
Ce déploiement de Mirage intervient quelques mois après la reconduction du traité de défense entre la France et Djibouti, signé en 2024. Vingt ans de plus. Deux décennies à maintenir une base active, à former des pilotes, à mener des patrouilles.
C’est un signal fort. Car la présence française en Afrique diminue ailleurs. Le Mali, le Niger, le Burkina… Partout, la France est poussée dehors. À Djibouti, au contraire, elle se renforce.
Les deux Mirage 2000D RMV rejoignent trois autres appareils : des Mirage 2000-5F, spécialisés dans la défense aérienne. Ensemble, ils forment un petit escadron mixte capable de couvrir tout l’est africain et jusqu’aux rives du Yémen ou d’Oman.
Ce que ces avions peuvent faire (et ce qu’ils ne peuvent plus)
Il ne faut pas se tromper : le Mirage 2000D, même modernisé, n’est pas un Rafale. Il ne décolle pas du Charles-de-Gaulle. Il n’emporte pas le missile nucléaire mais il frappe, et bien.
Il peut voler à Mach 2, plonger dans une vallée, guider une bombe GBU-12 sur un pick-up, neutraliser une batterie de drones. Il peut aussi tenir l’air pendant des heures avec ravitaillement, dialoguer avec un drone Reaper, accompagner un convoi de blindés.
Un défaut cependant : le pod canon, pourtant utile contre les menaces très mobiles, n’a pas reçu les améliorations demandées, faute de budget.
Bab el-Mandeb : la gorge de la mer Rouge
Ce détroit est le point névralgique. Chaque jour, des dizaines de tankers, de cargos, de navires militaires y croisent. Chaque mois, une alerte : drones houthis, cargaisons détournées, piraterie, mines. Le chaos n’est jamais loin.
C’est là qu’interviennent les Mirage. Ils peuvent identifier un navire suspect, survoler une zone, réagir en moins de 10 minutes et peuvent escorter un navire de guerre ou surveiller un port improvisé.
Voici quelques données pour mesurer l’enjeu :
Indicateur | Valeur |
---|---|
Largeur du détroit | 27 km |
Profondeur moyenne | 137 m |
Flux pétrolier quotidien | 4,8 millions de barils |
Navires commerciaux/jour | 50 à 60 |
Présence militaire étrangère | France, Chine, USA, Japon, Italie |
Une France qui tient sa ligne, envers et contre tout
Alors pourquoi tout cela ? Pourquoi entretenir à grands frais une base à Djibouti, envoyer des Mirage en fin de vie mais rénovés, former des pilotes dans un coin de désert ?
Parce que la puissance ne se retire pas sans conséquence. Parce que dans ce monde incertain, la simple présence suffit parfois à éviter le pire. Parce qu’il vaut mieux avoir deux chasseurs disponibles à 10 minutes du détroit que 50 basés à 5 000 kilomètres.
Ce déploiement ne fait pas la une des journaux. Il ne se fête pas dans les salons militaires. Il ne déclenche pas de communiqué tonitruant. Et pourtant, c’est la France qui affirme encore sa voix, ses intérêts, et ses alliés.
Résumé chiffré pour discussions ou brèves :
- Mirage 2000D RMV : 2 unités déployées à Djibouti
- Base française : BA 188 “Colonel Massart”
- Objectif : protéger le détroit de Bab el-Mandeb
- Vitesse : Mach 2, poussée de 95 kN
- Accord France-Djibouti : renouvelé en 2024 pour 20 ans
- Portée opérationnelle : environ 1 500 km
- Armements : MICA IR, bombes GBU, pod canon 30 mm
- Limite : pas de symbologie air-air pour le canon
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Source : https://www.defense.gouv.fr/air/actualites/mirage-2000-retour-djibouti
Image : Deux Mirage 2000 D RMV et un Mirage 2000-5F en convoyage avec un A330 MRTT « Phénix » (source : defense.gouv)