Pensé comme une révolution dans la doctrine américaine d’intervention rapide, le M10 Booker s’est révélé être une impasse coûteuse : 42 tonnes de compromis, un système d’armement asphyxiant, et des performances défaillantes.
Ce véhicule blindé léger devait moderniser l’armée américaine et combler un vide tactique crucial. Mais sa masse, ses problèmes de toxicité interne, et ses ratés techniques l’ont condamné avant même son déploiement. Retour sur un programme sabordé par ses propres ambitions.
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Le poids d’une erreur stratégique
Avec 42 tonnes à vide, le M10 Booker affichait un poids digne d’un char lourd tout en prétendant être « mobile ». Pensé pour être déployable par avion cargo comme le C-130 Hercules, il était tout simplement incompatible avec les doctrines d’intervention rapide. L’objectif initial était un blindé agissant entre le char et le véhicule d’infanterie, mais le Booker a cumulé les défauts des deux sans leurs avantages.
« Ni vraiment léger, ni suffisamment protégé : il s’est retrouvé trop épais pour voler, trop fragile pour survivre. »
Une promesse tactique vite étouffée
Le M10 était censé être la colonne vertébrale du programme « Mobile Protected Firepower ». Mais les tests de tirs ont révélé une anomalie grave : chaque détonation du canon libérait des gaz toxiques dans la tourelle. L’équipage se retrouvait exposé à des vapeurs dangereuses, mettant directement leur santé en jeu. Des problèmes de surchauffe moteur ont aussi été constatés sous conditions climatiques normales.
Des défaillances technologiques en cascade
Malgré un budget de 1,14 milliard d’euros, le Booker a enchaîné les revers techniques : systèmes de visée imprécis, contrôle de tir aléatoire, capteurs défaillants. Ces lacunes rendaient le blindé inefficace sur le champ de bataille, avec un retard systémique sur les cibles mobiles. Même les opérateurs formés à son maniement ont émis des réserves sur sa fiabilité.
Une production lancée trop tôt
Malgré les signaux d’alerte, la production a démarré en 2023 avec pour objectif 42 unités d’ici fin 2025. Le contrat de General Dynamics prévoyait à terme plus de 500 exemplaires, soit un budget total avoisinant 17 milliards d’euros. Mais ces chiffres ont été gelés après l’accumulation de critiques internes et de départs de personnels clefs dans le programme.
Calendrier prévisionnel du M10 Booker
Événement | Date estimée |
Début de la production | Janvier 2023 |
Livraison des 42 premiers véhicules | Décembre 2025 |
Commande initiale prévue | 500 exemplaires |
Arrêt officieux du programme | Juillet 2025 |
Un nom hérité de héros… pour rien ?
Le blindé portait le nom de deux soldats américains morts au combat : Robert D. Booker (Tunisie, 1943) et Stevon A. Booker (Irak, 2003). Un hommage double, rare dans l’histoire militaire. Mais les déconvenues techniques ont fini par entacher cette mémoire, jusqu’à provoquer une forme de malaise au sein de l’armée.
Une doctrine à reconsidérer
Ce fiasco révèle un problème plus profond : les contraintes doctrinales américaines sont devenues à la fois trop ambitieuses et trop rigides. Chercher à tout faire avec un seul véhicule (légère, blindé, aéroporté, rapide, résistante) mène à des compromis contre-productifs. L’expérience du M10 devrait inciter à redéfinir les besoins plutôt que de chercher l’outil miracle.
« L’obsession du véhicule unique tue la spécialisation, donc l’efficacité. »
La leçon amère d’un milliard d’euros
L’annulation du M10 Booker a été reçue comme un revers cinglant dans les rangs militaires. Mais elle offre aussi un enseignement clé : la précipitation industrielle et l’absence de réajustement en cours de projet sont les véritables causes de léchec. Il ne suffit pas d’aligner les milliards, encore faut-il les dépenser intelligemment.
Source : NSJ