Actualité

Actualité internationale

Armées de terre

Sur un coup de tête, l’armée américaine a décidé de lancer le blindé le plus intelligent jamais produit sur son sol et qui verra le jour avant Noël

Publié le

Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

• Temps de lecture

placeholder

L’Abrams M1E3, le char du futur que l’armée américaine veut avant Noël Washington s’impatiente. Le Pentagone ne veut plus attendre 2032 pour son char de nouvelle génération. Alors, presque sur …

Sur un coup de tête, l'armée américaine a décidé de lancer le blindé le plus intelligent jamais produit sur son sol et prévu avant Noël

L’Abrams M1E3, le char du futur que l’armée américaine veut avant Noël

Washington s’impatiente. Le Pentagone ne veut plus attendre 2032 pour son char de nouvelle génération. Alors, presque sur un coup de tête, il a pris la décision d’accélérer brutalement : un premier prototype du M1E3 Abrams doit être livré avant la fin de l’année 2025. Une prouesse industrielle qui tient du pari fou : concevoir en quelques mois un blindé hybride, plus léger, plus économe et bardé d’électronique. Le tout, sans sacrifier la sécurité des soldats.

Sur le papier, le M1E3 devrait être un tournant historique. Dans les faits, c’est une course contre le temps qui commence.

Lire aussi :

M1E3, un char né d’un coup de colère du Pentagone

Tout a commencé à Détroit, au siège du Program Executive Office for Ground Combat Systems, l’agence américaine chargée de la modernisation des blindés. Lorsque le général Randy George, chef d’état-major de l’armée de Terre, et Alex Miller, son conseiller scientifique,  ont été mis au courant de la date prévue de livraison de leur nouveau jouet le M1E3… en 2032. La réponse fut immédiate : « NO » !

Le Pentagone exige un prototype en décembre 2025 et un peloton complet dès l’année suivante. La bureaucratie, accusée de ralentir les projets militaires depuis deux décennies, est priée de s’effacer. « Regarder un problème pendant quatre ans sans rien faire, c’est absurde », tranche Miller.

Les ordres sont clairs : tout ce qui ne met pas en danger la vie d’un soldat doit être accéléré. Le premier char aura “la peinture encore fraîche”, prévient-il, presque avec ironie.

La revanche de l’armement français ? L’Hexagone pourrait bientôt exporter son « roi des canons » sur le premier marché du monde : les Etats-Unis

Un Abrams allégé et hybride

Le M1E3 n’est pas une simple évolution du M1A2 SEPv3 actuellement en service. C’est une refonte complète. L’objectif : perdre 18 tonnes, pour passer de 78 à 60 tonnes en charge, tout en gagnant en autonomie grâce à un moteur hybride thermique-électrique.

Caterpillar fournira la motorisation, SAPA la transmission. Le choix de composants déjà commercialisés doit permettre d’économiser des années de développement. Le résultat attendu : 40 % d’économie de carburant par rapport au char actuel, connu pour sa turbine vorace dérivée de l’aéronautique.

Un M1A2 Abrams de la 4e division d'infanterie en manœuvre sur un polygone de tir près de Żagań, en Pologne, en 2017.
Un M1A2 Abrams de la 4e division d’infanterie en manœuvre sur un polygone de tir près de Żagań, en Pologne, en 2017.

Le tableau ci-dessous résume les évolutions majeures entre le M1A2 et le M1E3 :

Caractéristique M1A2 SEPv3 M1E3 (objectif)
Masse au combat 78 tonnes 60 tonnes
Propulsion Turbine à gaz Honeywell AGT1500 Hybride Caterpillar / SAPA
Consommation 1 100 L / 100 km 660 L / 100 km (estimé)
Équipage 4 (chef, tireur, pilote, chargeur) 3 (chargeur automatique)
Système de protection Trophy APS (Israël) APS intégré, anti-missiles et anti-drones

Le but est clair : rendre l’Abrams à nouveau mobile, capable d’être transporté plus facilement et déployé rapidement sur les théâtres européens ou asiatiques.

Le blindé le plus intelligent jamais construit par les États-Unis

Le M1E3 ne sera pas qu’un char plus sobre. Il sera une plateforme de combat interconnectée, pilotée par des réseaux de données en temps réel. Les ingénieurs de General Dynamics Land Systems (GDLS) travaillent sur une architecture ouverte, permettant de remplacer ou d’ajouter des systèmes au fil des années.

Les innovations s’empilent : capteurs multifréquences, visiocasques augmentés, liaisons de données tactiques, et même un lanceur intégré capable de tirer des drones kamikazes Switchblade. Ce dispositif, appelé PERCH (Precision Effects & Reconnaissance Canister-Housed), a été présenté au salon AUSA cette semaine.

Le M1E3, selon les ingénieurs de GDLS, sera capable de :

  • repérer une menace par radar ou optique ;
  • partager la position instantanément avec un drone ou un autre char ;
  • déclencher une frappe autonome via PERCH ou artillerie connectée ;
  • neutraliser un missile entrant grâce à son système APS intégré.

L’Abrams, autrefois symbole de la force brute américaine, devient un cerveau de guerre mobile, un coordinateur numérique sur chenilles.

Un chargeur automatique pour remplacer l’homme

C’est peut-être la révolution la plus symbolique du programme. Pour la première fois de son histoire, un char américain intégrera un chargeur automatique. Ce système, longtemps considéré comme un luxe soviétique, permet de réduire l’équipage à trois personnes.

Conséquence directe : une tourelle plus compacte, plus légère, et donc plus difficile à atteindre. Les militaires espèrent aussi réduire la signature thermique du char, déjà équipée d’un blindage composite et de protections actives.

L’automatisation de certaines fonctions, notamment la visée et la gestion de tir, s’appuie sur des algorithmes issus du programme de modernisation des véhicules autonomes de combat de l’armée américaine.

Une guerre d’expérience avant la guerre réelle

Le Pentagone veut tirer les leçons des erreurs du passé. Trop souvent, les nouveaux chars ont été livrés sans tests de terrain suffisants. Pour éviter cela, le premier peloton de M1E3 sera mis à l’épreuve dès 2026, avant toute production en série.

L’objectif est simple : écouter les tankistes : « Nous voulons des retours sur les sièges, la visée, l’autoloader (chargeur automatique). Pas dans six ans, maintenant. »

Cette méthode, inspirée du développement agile du secteur civil, vise à corriger les défauts en direct, sans attendre la fin du programme. Une approche qui tranche avec la lourdeur administrative américaine habituelle.

La France observe avec avidité le fiasco militaro-industriel à 8,52 milliards d’euros de l’Allemagne qui de son côté souhaite vite oublier sa frégate F126

Un avenir incertain pour le roi des chars

Reste une question : l’Abrams a-t-il encore sa place dans les guerres de demain ? Le rapport du Army Science Board, publié en 2023, a été sans détour : « En 2040, le char lourd ne dominera plus le champ de bataille. » Drones, munitions rôdeuses et frappes verticales redessinent les règles du jeu.

Les Marines américains ont déjà tiré les conséquences : leurs Abrams ont été retirés du service pour laisser place à des véhicules légers et des essaims de drones. L’armée de Terre, elle, persiste… tout en préparant sa mue

Source : https://www.congress.gov/crs-product/IF12495

Tags

char

À propos de l'auteur, Guillaume Aigron