Derrière les annonces ambitieuses sur le SCAF et le Rafale F5, l’armée de l’air française s’engage dans une phase de fragilité inédite. Retraits massifs, capacités réduites, incertitudes industrielles : une transformation radicale est en marche, et elle ne se fera pas sans turbulences.
Entre la fin annoncée des Mirage, le pari risqué du Rafale F5 et la lente construction du système de combat du futur, la France prépare une mue douloureuse. Les années 2026 à 2035 s’annoncent comme une décennie à haut risque pour la crédibilité aérienne française. Un choix stratégique assumé, mais dont les effets secondaires pourraient coûter cher.
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Un recul temporaire assumé
Pour financer son basculement vers la 6e génération, la France s’apprête à réduire ses moyens actuels. Cela signifie des retraits anticipés, des flottes réduites, et une période de vulnérabilité capacitaire difficile à justifier face à une menace mondiale croissante. L’état-major reconnaît qu’entre 2026 et 2032, les forces aériennes perdront en volume avant de regagner en qualité. Ce creux tactique est considéré comme un investissement stratégique, mais il obligera Paris à faire des choix audacieux dans ses engagements extérieurs.
Un programme européen à haut risque
Le SCAF, acronyme du Système de Combat Aérien du Futur, est censé incarner le prochain saut technologique. Avion furtif, essaim de drones, cloud de combat interconnecté : la promesse est séduisante, mais le programme accumule les retards. Lancé en 2017, il n’a toujours pas accouché d’un prototype volant, alors que le NGAD américain est déjà en test réel. Les tensions entre Dassault et Airbus pèsent lourd, chaque industriel défendant sa part du gâteau. Sans feuille de route claire, le SCAF pourrait bien devenir une illusion coûteuse, plutôt qu’un levier de puissance.
La fin progressive du Mirage 2000D
Le retrait des derniers Mirage 2000D débutera dès 2026, avec une sortie complète prévue autour de 2028. Ces avions, encore actifs sur les théâtres africains et moyen-orientaux, représentent près de 30 ans de service. Leur départ va entraîner la fermeture d’escadrons entiers, la perte d’un savoir-faire opérationnel précieux et une réduction temporaire du parc. Si les ressources dégagées doivent être redirigées vers le Rafale F5 et le SCAF, cette période laissera l’Armée de l’air en sous-capacité pour toute opération simultanée à haute intensité.

Le Rafale F5 comme relais stratégique
Le Rafale F5, prévu pour 2030, incarne la transition vers le combat aérien en réseau. Ce ne sera plus seulement un avion de chasse, mais une tour de contrôle volante, capable de piloter des drones, d’agréger des données de satellites, et de synchroniser des frappes multi-domaines. Grâce à une IA embarquée, à un cockpit repensé et à de nouveaux capteurs, il servira de chef d’orchestre du champ de bataille. Mais ce niveau de complexité suppose une refonte complète des doctrines d’engagement, ainsi qu’un effort de formation massif pour les équipages.
Une architecture interconnectée et vulnérable
Le futur de l’aviation militaire ne reposera plus uniquement sur la vitesse ou la furtivité, mais sur l’interopérabilité numérique. Satellites de communication, drones MALE et HALE, capteurs au sol, AWACS nouvelle génération… tout devra parler le même langage. La France veut bâtir un écosystème capable de traiter en temps réel des milliers de flux tactiques, avec des IA capables de hiérarchiser et diffuser l’information. Ce modèle sera d’une puissance redoutable, mais aussi d’une fragilité critique face aux cyberattaques ou aux brouillages massifs.

Une crise de talents en embuscade
La réussite de cette transformation repose sur un facteur sous-estimé : l’humain. Or l’Armée de l’air française connaît déjà une pénurie de pilotes et de techniciens. Les départs vers le privé ont explosé, attirés par des salaires nettement plus attractifs. Reconstituer un escadron formé demande des années, et chaque retard industriel aggrave le problème. Le ministère prépare un plan de fidélisation avec des primes, des passerelles de carrière et des parcours accélérés. Mais la bataille pour le recrutement militaire qualifié reste rude face à la concurrence civile.
Un budget étiré jusqu’à la rupture
Malgré une Loi de Programmation Militaire 2024–2030 ambitieuse, le budget reste sous tension. En 2030, la défense française atteindra 69 milliards d’euros, mais une part croissante sera absorbée par le spatial et le cyber. Rénover un Rafale coûte environ 40 millions d’euros, développer un satellite de télécommunications dépasse les 10 000 euros par kgmis en orbite. Dans ce contexte, chaque euro compte. Et pour réussir le SCAF, la France devra faire des sacrifices douloureux dans d’autres domaines, quitte à différer certaines modernisations urgentes.
Tableau des grandes étapes de transformation
| Étape stratégique | Objectif principal | Date estimée |
| Retrait des Mirage 2000D | Réduction du parc et redéploiement budgétaire | 2026–2028 |
| Mise en service du Rafale F5 | Commandement aérien en réseau | 2030 |
| Prototype du démonstrateur SCAF | Validation technologique du concept 6e génération | 2032 |
| Entrée en service opérationnel du SCAF | Remplacement des flottes de première ligne | 2040–2042 |
Sources :
- Defense.gouv.fr
- Legifrance.gouv.fr
- Devenir-aviateur.gouv.fr
- Francearchives.gouv.fr
- Armee de l’air
- Dassault Aviation