Actualité

Actualité internationale

Armées de l'air

Industrie

Pourquoi tant de haine contre le Rafale ? Le Danemark passe une commande de F-35 qui interroge alors que les Américains « lorgnent » sur le Groenland

Publié le

Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

• Temps de lecture

placeholder

Le Danemark craque (encore) pour le F-35 : une claque de plus pour l’Europe de la défense. 13 milliards d’euros. C’est le montant de la nouvelle salve d’investissements militaires annoncée …

Pourquoi tant de haine contre le Rafale ? Le Danemark passe une commande de F-35 qui interroge alors que les Américains « lorgnent » sur le Groenland

Le Danemark craque (encore) pour le F-35 : une claque de plus pour l’Europe de la défense.

13 milliards d’euros. C’est le montant de la nouvelle salve d’investissements militaires annoncée par le Danemark. Derrière ce chiffre, un catalogue long comme un jour sans fin : drones autonomes, frégates arctiques, nouveaux radars au Groenland, blindés CV90… et surtout, 16 avions de chasse F-35 américains supplémentaires, venant s’ajouter aux 27 déjà commandés. Mais dans un contexte de tension avec l’Oncle Sam atour du Groenland, une question demeure : pourquoi ?

Lire aussi :

Les Danois vont acheter 16 F-35 supplémentaires auprès de Washington

Le message est limpide. Pour se défendre, le Danemark fait confiance aux États-Unis (qui pourtant lorgnent sur ses territoires). Même si cela signifie continuer à passer à côté d’une industrie européenne pourtant mature, performante, et prête à livrer dès demain. Le Rafale ? Inexistant dans l’équation danoise.

La France observe avec avidité le fiasco militaro-industriel à 8,52 milliards d’euros de l’Allemagne qui de son côté souhaite vite oublier sa frégate F126

Un client fidèle du F-35

Depuis 2018, Copenhague a rejoint le cercle des acheteurs du F-35A. À l’époque, il s’agissait d’une flotte réduite, destinée à remplacer les F-16. Aujourd’hui, l’effort s’intensifie. Avec 43 exemplaires prévus, le Danemark devient un client majeur en Europe, aux côtés des Pays-Bas, de la Norvège, de la Finlande ou encore de la Pologne.

La logique officielle : interopérabilité avec l’OTAN, furtivité, modernité. Le discours est connu. Ce qui l’est moins, c’est la dépendance qui va avec.

Car le F-35 n’est pas un avion qu’on achète. C’est un écosystème qu’on loue. Maintenance centralisée, mises à jour verrouillées, logiciels intouchables, logistique aux mains de Lockheed Martin. En clair : le Danemark confie sa capacité d’action aérienne à une entreprise américaine. Et donc, indirectement, à Washington.

Des F-35 pour surveiller le Groenland… sous tutelle américaine

Il y a un point que personne n’ose vraiment soulever dans les cercles officiels danois, mais qui mérite d’être mis sur la table. Comment justifier un achat aussi massif de matériel militaire américain, au moment même où les intérêts du Danemark entrent en friction directe avec ceux des États-Unis dans l’Arctique ?

Depuis plusieurs années, le Groenland est redevenu un enjeu stratégique mondial. Ressources minières, bases militaires, routes maritimes… Tout le monde veut sa part. Washington n’a jamais caché son intérêt pour le territoire autonome, allant jusqu’à proposer (sérieusement) de l’acheter en 2019. L’offre a été sèchement rejetée par Copenhague, mais elle a laissé des traces.

Aujourd’hui, les États-Unis y renforcent leur présence militaire, réactivent d’anciennes bases, installent de nouveaux radars et multiplient les pressions diplomatiques. Le Danemark, souverain sur le Groenland, se retrouve face à un paradoxe : il finance des F-35 conçus par un pays qui, dans les faits, défie son autorité dans l’Arctique. Cherchez l’erreur !

Alors que les tensions géopolitiques montent dans la région, que la Russie scrute l’Arctique et que la Chine tente d’y gagner un pied à terre scientifique, le Danemark aurait pu miser sur une autonomie européenne renforcée. Il a préféré renforcer son attachement à une puissance qui joue à la fois le rôle d’allié, de fournisseur… et parfois de rival territorial.

Un choix qui interroge. Et qui risque, tôt ou tard, de revenir hanter les débats parlementaires danois.

Un F-35A de l'USAF en vol, le 14 mai 2013.
Un F-35A de l’USAF en vol, le 14 mai 2013.

Pourquoi tant de haine contre le Rafale ?

Face à cela, une question simple : et le Rafale ?

Le chasseur français, déjà en service dans sept pays, est pleinement compatible avec les standards OTAN. Il est même plus autonome, bimoteur, plus souple à entretenir. Et surtout, il est 100 % européen. Pas de boîte noire, pas de dépendance logistique, pas de logiciel bloqué à Fort Worth. Juste un avion maîtrisé de bout en bout, livré avec des retombées industrielles et des transferts de technologie.

Le Rafale aurait pu être un choix logique. Mais il n’a même pas été envisagé.

Ajoutons que le Danemark participe au programme SCAF, ce projet de système de combat aérien du futur, porté par la France, l’Allemagne et l’Espagne. Un projet censé incarner l’Europe de la défense à l’horizon 2040 (même s’il bat de l’aile en ce moment). Alors pourquoi acheter massivement un avion américain de génération différente, fermé, sans lien industriel avec ce programme commun ?

La France est encore une des armées les plus opérationnelles du monde en étant capable de se déployer sur 5 théâtres d’opérations militaires en une semaine

L’exemple belge revient hanter le débat

Un vieux goût amer revient en bouche quand on regarde le cas danois. Celui de 2018, quand la Belgique avait snobé le Rafale au profit du F-35.

À l’époque déjà, la France avait proposé bien plus qu’un avion : des compensations industrielles, des contrats pour les sous-traitants belges, une logique de souveraineté. En face, Washington avait offert un F-35 monomoteur, coûteux à entretenir, mais livré avec le badge invisible du “parapluie américain”.

Résultat : des coûts en hausse, des retards de livraison, et une dépendance à vie à l’écosystème Lockheed (sans compter le petit taquet du ministre belge de la Défense, Theo Francken à la France il y a quelques jours, belle ambiance…).

Aujourd’hui, le Danemark reproduit le même schéma. En pleine guerre en Ukraine, alors que l’UE tente de s’émanciper stratégiquement, des pays membres préfèrent encore envoyer leurs milliards aux États-Unis plutôt que d’investir dans leur propre autonomie.

Tableau comparatif : F-35 vs Rafale

Critère F-35A Rafale F4.3
Origine États-Unis France
Génération 5 4,5
Moteurs Monomoteur Bimoteur
Souveraineté logicielle Verrouillé Ouvert, maîtrisé
Maintenance Centralisée chez Lockheed Décentralisée
Retombées industrielles Très faibles Locales et ciblées
Interopérabilité OTAN Totale Totale
Participation au SCAF Non Oui

 

Tant que les capitales européennes continueront à signer leurs chèques à Washington au lieu de miser sur leurs propres usines, l’Europe de la défense ne sera qu’un discours creux. Et chaque F-35 acheté, aussi performant soit-il, représente une occasion manquée de construire une autonomie stratégique réelle sur le « vieux continent ».

 

Tags

avion

contrat

À propos de l'auteur, Guillaume Aigron