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L’hyper structure « sclérosée » de l’armement américain s’appuie sur ce partenaire inattendu pour relancer sa filière des missiles légers

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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Le pari audacieux d’un « petit » motoriste pour fusée américain secoue l’industrie. Dans le Colorado, un moteur-fusée à poudre conçu par une PME s’apprête à modifier l’équilibre des frappes de précision. …

L'hyper structure "sclérosée" de l'armement américain s'appuie sur ce partenaire inattendu pour relancer sa filière des missiles légers

Le pari audacieux d’un « petit » motoriste pour fusée américain secoue l’industrie.

Dans le Colorado, un moteur-fusée à poudre conçu par une PME s’apprête à modifier l’équilibre des frappes de précision. Une preuve si besoin en était de l’incroyable dynamisme des PME de l’industrie de l’armement américaine qui loin des géants comme Lockheed Martin ou Boeing, continuent pourtant d’innover et de renforcer la première puissance militaire du monde.

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Dans une plaine reculée de l’ouest américain, un cylindre d’à peine 1,80 mètre a rugi sous pression. Le moteur, conçu par la société Ursa Major, n’a ni ailes ni ogive. C’est un pur propulseur, un cœur brûlant destiné à équiper les roquettes légères du système APKWS, un kit de guidage laser qui transforme des projectiles basiques en munitions chirurgicales.

Ce moteur repose sur une technologie appelée Highly Loaded Grain (en français : Grain fortement chargé, ça sonne moins bien). Le principe ? Une poudre compactée de manière à maximiser la poussée dans un format réduit. Une structure interne revisitée, des composés énergétiques densifiés. De cette manière on obtient une puissance accrue, sans augmenter la taille de l’engin. L’ogive reste identique. Le rayon d’action, lui, s’envole.

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Une montée en puissance stratégique

Le test de ce moteur, mené en partenariat avec BAE Systems, s’inscrit dans une logique de modernisation rapide. À l’heure où les stocks de munitions fondent sous la pression des conflits, l’enjeu est clair : produire vite, simple, et à grande échelle. Ursa Major entend répondre à ce besoin avec une ligne de production modulaire, appelée Lynx Manufacturing System, capable de sortir des dizaines de moteurs sans changement d’outillage.

Cette approche se veut universelle. Le moteur est conçu pour s’adapter à différents systèmes de roquettes, sans nécessiter de refonte complète. L’armée y voit un atout logistique : moins de variantes, plus d’interopérabilité.

Selon les responsables du programme, les performances observées lors des tirs statiques confirment une poussée stable, une combustion optimisée, et une résistance thermique en hausse.

Une brique pour les frappes de précision

Le système APKWS, au cœur de ce développement, n’est pas nouveau. Il équipe déjà les hélicoptères Apache, les avions légers comme l’AT-6, et plusieurs drones. Il repose sur une idée simple : prendre une roquette de 70 mm (type Hydra 70), et y greffer un module de guidage laser. Le coût est faible, environ 25 000 euros pièce, et sa précision est remarquable : une marge d’erreur inférieure à 1 mètre en conditions réelles.

Ce système comble un vide tactique. Trop léger pour les missiles lourds, trop coûteux pour des frappes massives, le missile guidé APKWS permet de neutraliser un pick-up armé ou un point fortifié avec un minimum de dégâts collatéraux.

Comparatif rapide des munitions de précision tactique
Munition Diamètre Coût estimé Portée Précision
APKWS (roquette guidée) 70 mm ~25 000 € 5 à 12 km ± 1 mètre
AGM-114 Hellfire 178 mm ~90 000 € 8 à 11 km ± 1 mètre
JDAM (bombe guidée) ~450 mm ~30 000 € jusqu’à 28 km ± 5 mètres

Ce que propose Ursa Major, c’est de prolonger la portée de l’APKWS, sans changer l’arme ni alourdir le châssis. On parle ici d’une capacité d’engagement portée à près de 15 kilomètres, sur cible mobile, en conditions dégradées. Un saut tactique qui n’oblige pas à racheter des missiles.

Une réponse industrielle aux limites du moment

Le développement de ce moteur intervient dans un contexte tendu. Aux États-Unis comme ailleurs, les lignes de production classiques peinent à suivre. Les délais explosent, les composants manquent, les procédures sont trop lentes. Ursa Major propose une réponse inattendue : une fabrication additive, logicielle, rapide.

Avec sa plateforme Lynx, l’entreprise mise sur une numérisation complète des étapes de production. Les pièces sont imprimées ou usinées à la demande, avec peu de rebuts. Le moteur peut être adapté à différentes charges, différents volumes de poussée, sans tout reconstruire.

C’est cette souplesse qui intéresse le Pentagone. Car au-delà de l’APKWS, le moteur pourrait équiper d’autres vecteurs :

  • Missiles sol-air courte portée
  • Munitions rôdeuses de grand rayon
  • Roquettes antichar nouvelle génération
  • Drones tactiques à propulsion hybride

Une pièce dans une architecture plus large

Le retour en force des conflits de haute intensité pousse les états-majors à repenser l’arsenal tactique. Le missile à tout faire devient trop cher, trop rare. L’artillerie traditionnelle manque parfois de précision. Le besoin d’armes bon marché, rapides à produire, précises et modulables explose.

Dans ce cadre, un simple moteur à poudre devient stratégique. Il permet d’armer des dizaines de milliers de projectiles, de maintenir une pression constante sur des lignes ennemies, ou de frapper un objectif mobile sans faire appel à une frappe de drone ou à un missile guidé à plusieurs centaines de milliers d’euros.

L’initiative d’Ursa Major est regardée de près par d’autres pays. Des discussions sont déjà ouvertes pour une adaptation aux besoins de l’OTAN. La France, qui modernise ses roquettes guidées Système 70, pourrait y voir une opportunité. L’Estonie et la Norvège ont aussi exprimé un intérêt dans le cadre des commandes groupées européennes.

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Ursa Major, une PME qui bouscule les géants

Ursa Major n’est ni Lockheed Martin, ni Raytheon. C’est une structure de taille moyenne, née en 2015, initialement centrée sur la propulsion spatiale. Son pari de reconversion militaire repose sur un constat : les besoins explosent, les chaînes sont saturées, les budgets cherchent des options intermédiaires.

En apportant une solution modulaire, rapide et compatible avec les systèmes existants, la société mise sur une logique de complément plutôt que de remplacement. Elle n’aspire pas à détrôner les missiles à guidage terminal, mais à fournir des moteurs qui tiennent dans une caisse, s’emboîtent en quelques minutes, et frappent juste.

L’essai statique de ce moteur n’est qu’un jalon. Le test réel en vol prévu pour octobre sera le juge de paix. Si les performances sont confirmées, les commandes pourraient suivre rapidement. Le Département de la défense américain a déjà validé le principe pour d’autres diamètres : 127 mm et 254 mm. Une famille entière pourrait voir le jour.

Résumé chiffré pour discussions :

  • Portée visée avec le moteur HLG : 15 km
  • Coût estimé d’une munition guidée APKWS : 25 000 €
  • Précision obtenue : ± 1 mètre
  • Date du tir statique réussi : août 2025
  • Entreprise conceptrice : Ursa Major, Colorado
  • Ligne de production : Lynx Manufacturing System
  • Marchés visés : États-Unis, OTAN, marchés européens
  • Diamètres concernés : 70 mm, 127 mm, 254 mm

Source : Ursa Major

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