En refusant d’exporter le F-22 Raptor, les États-Unis ont sacrifié un avantage stratégique unique. Une décision qui continue de peser lourd, à l’heure où la Chine et la Russie accélèrent.
Conçu pour dominer le ciel sans partage, le F-22 Raptor aurait pu devenir le pilier d’une coalition aérienne mondiale. Pourtant, les États-Unis ont choisi l’exclusivité au détriment de l’efficacité collective. Résultat : une ligne de production fermée trop tôt, des alliés laissés sans défense face aux menaces émergentes, et une domination aérienne désormais menacée.
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Une décision politique qui dépasse la logique militaire
Le F-22 Raptor était à son lancement le plus avancé des chasseurs furtifs jamais construits. Mais dès les années 1990, Washington a tranché : il ne serait jamais exporté, même à ses plus proches alliés. Cette stratégie visait à protéger les secrets technologiques du programme. Pourtant, ce choix a eu un effet boomerang, car il a privé le camp occidental d’un chasseur de supériorité aérienne sans équivalent, tout en fracturant la cohérence des forces alliées.
Une coopération brisée avant même d’exister
Des pays comme le Japon, l’Australie ou Israël souhaitaient acquérir le Raptor pour renforcer leur dissuasion face à la Chine, à la Russie ou à l’Iran. Tous ont essuyé un refus catégorique. Ce verrouillage a empêché une mise en réseau de la flotte et une intégration logistique globale, comme celle que permet aujourd’hui le F-35. Le Raptor aurait pu servir de noyau dur pour une doctrine commune de domination aérienne, mais cette opportunité a été gaspillée par la peur du piratage ou du transfert technologique.
Une production avortée par manque de volume
Le F-22 a été produit à seulement 195 exemplaires, faute de commandes à l’export. Sans économie d’échelle, le coût par unité a explosé, atteignant plus de 300 millions d’euros l’unité, hors maintenance. Cette dérive budgétaire a conduit à la fermeture de la ligne en 2011, alors même que la demande existait. Si les alliés avaient été autorisés à commander, cela aurait réduit le coût, soutenu l’industrie et maintenu une capacité stratégique unique pour plusieurs décennies.
Un vide stratégique face aux menaces émergentes
Depuis 2020, la montée en puissance du J-20 chinois et la persistance du Su-57 russe posent un vrai défi aux forces occidentales. Or, aucun pays allié ne dispose aujourd’hui d’un chasseur capable de rivaliser en combat aérien pur. Le F-35, bien qu’excellent dans son domaine, n’est pas conçu pour dominer l’espace aérien comme le Raptor. Ce déséquilibre offre une fenêtre d’opportunité à Pékin et Moscou pour tester les défenses, notamment en mer de Chine, en mer Noire ou au-dessus du Golfe arabo-persique.
Dates clés à retenir
Événement | Date |
Lancement du programme F-22 | 1991 |
Premier vol | 1997 |
Refus d’exportation inscrit en loi | 1998-1999 |
Fin de la production | 2011 |
Début du NGAD (F-47) | 2025 |
Une fragmentation du paysage aérien mondial
Privés du F-22, plusieurs pays ont lancé leurs propres programmes de chasseurs. L’Europe mise sur le SCAF (France, Allemagne, Espagne), le Japon s’allie avec le Royaume-Uni et l’Italie sur le GCAP, tandis que la Corée du Sud avance avec le KF-21. Cette diversité a ses avantages, mais elle complique l’interopérabilité et dilue les efforts technologiques. Une flotte commune autour du F-22 aurait permis des exercices conjoints, une doctrine unifiée et une chaîne logistique simplifiée, autant d’atouts aujourd’hui absents.
Un manque de vision long terme pour la dissuasion
Le refus d’exporter le F-22 a affaibli la cohésion stratégique des alliances militaires. Partager les outils de domination aérienne ne signifie pas nécessairement partager tous les secrets. Des versions dérivées, avec des composants sensibles supprimés, auraient pu être proposées. De plus, un contrôle contractuel strict aurait permis de limiter les risques d’espionnage. À la place, Washington a choisi l’isolement technologique, au détriment d’un équilibre global plus solide.
Une erreur à ne pas reproduire avec la 6e génération
Alors que le programme américain NGAD (Next Generation Air Dominance) avance et que le F-47 commence à faire parler de lui, une question se pose : va-t-on répéter la même erreur ? Les leçons du F-22 devraient servir d’avertissement. Si les alliés sont, encore une fois, tenus à l’écart, cela pourrait accélérer la multipolarisation de la puissance aérienne et affaiblir la dissuasion collective. La coopération industrielle, la standardisation des plateformes et la confiance partagée seront essentielles pour faire face aux crises futures.
Tableau comparatif : F-22 vs F-35
Caractéristique | F-22 Raptor | F-35 Lightning II |
Rôle principal | Supériorité aérienne | Multirôle (air-sol, ISR…) |
Vitesse max | Mach 2,25 (~2 400 km/h) | Mach 1,6 (~1 975 km/h) |
Portée | ~3 000 km | ~2 200 km |
Capacité furtive | Très élevée | Moyenne à élevée |
Exportable | Non | Oui (17+ pays) |
Unités produites | 195 | 1 000+ |
Coût estimé unitaire | 300 M€ | 90-120 M€ |
Source : NSJ