5 milliards pour contrer les drones : le pari Coyote de l’Armée américaine.
5,04 milliards de dollars (environ 4,8 milliards d’euros) c’est la somme que le pentagone vient d’allouer à l’achat de ce curieux missile au nom qui ne l’est pas moins : Coyote.
Ce missile miniature, au petit gabarit, va devenir l’un des maillons les plus stratégiques de la défense américaine contre la prolifération des drones. Avec cette commande colossale, Raytheon décroche l’un des contrats anti-drones les plus massifs de la décennie.
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Coyote, le missile qui tient dans une caisse mais qui voit loin
À première vue, le Coyote ressemble davantage à un modèle réduit qu’à une arme de guerre. Rail-lancé, boosté par un moteur fusée, propulsé par une micro-turbine, il est conçu pour une mission : abattre des drones, seuls ou en essaim, à grande vitesse et en altitude.
Raytheon le présente comme “combat-proven”, testé au feu, prêt à être déployé sur théâtre. Et pour cause : dans un monde où les drones explosifs coûtent moins cher qu’un 4×4, la réponse doit être légère, mobile et peu coûteuse. Coyote coche toutes les cases.
Il existe en version cinétique (impact direct) et non-cinétique (effets électroniques, brouillage, ondes dirigées). C’est un missile, mais c’est aussi un outil électronique. Un effaceur de cibles à la demande.
5 milliards de dollars : une ligne budgétaire qui change la donne
Le contrat attribué à Raytheon Missiles & Defense, basé à Tucson (Arizona), s’élève très exactement à 5 039 629 681 $. Il couvre non seulement les missiles eux-mêmes, mais aussi :
- les lanceurs fixes et mobiles,
- les intercepteurs de tous types,
- les radars en bande Ku associés (radiofréquences hautes fréquences),
- le soutien logistique et les adaptations futures.
Un seul concurrent avait répondu à l’appel d’offres. Le contrat est placé sous la supervision du Redstone Arsenal (Alabama) et s’étale jusqu’au 28 septembre 2033. On parle donc ici d’un programme décennal.
Drones bon marché, réponse agile
Pourquoi un tel investissement ? Parce que la menace évolue plus vite que les doctrines militaires. À Gaza, en Ukraine, au Yémen, on a vu ce que des drones bricolés pouvaient infliger à des armées modernes : canons détruits, chars neutralisés, radars aveuglés. Et demain ? Des essaims synchronisés, des plateformes autonomes, des microdrones kamikazes.
Les Coyote permettent une réponse ultra-rapide, modulaire, mobile, là où les systèmes traditionnels (Patriot, NASAMS, Iron Dome) sont lourds, coûteux et surdimensionnés pour de petits drones.
Avec plusieurs exemplaires par lanceur, une chaîne logistique simplifiée, et la capacité d’intégrer ces engins dans des plateformes Stryker, MRAP ou fixes, le Coyote devient le “rifleman” de la défense anti-drone américaine.
Le système Coyote en chiffres
Voici un tableau récapitulatif des capacités connues du système :
Caractéristique | Valeur |
---|---|
Nom du système | Coyote Block 2/3 |
Fabricant | Raytheon Missiles & Defense |
Mode de lancement | Rail-lancé (mobile ou fixe) |
Propulsion | Booster fusée + turbine miniature |
Portée estimée | Jusqu’à 15 à 20 km |
Altitude d’interception | Jusqu’à 6 000 mètres |
Vitesse | Supersonique (estimé > Mach 1.5) |
Types d’interception | Cinétique (impact) et non-cinétique (brouillage, ondes) |
Systèmes associés | Radar bande Ku, commandement mobile |
Coût unitaire estimé | ~ 100 000 à 150 000 $ |
Une logique de guerre en réseau
Le Coyote ne travaille pas seul. Il est intégré dans une logique C-UAS (Counter-Unmanned Aerial Systems) complète, aux côtés de radars M-LIDS, de systèmes optiques, de logiciels de fusion de données, et parfois même de capteurs IA.
L’objectif de l’US Army : intercepter des dizaines de drones simultanément, de façon automatisée, en mobilité, sur tous les théâtres — du désert syrien à l’Europe de l’Est. Cette doctrine, appelée “layered defense”, empile différents niveaux de détection et d’interception, à distance croissante.
Le Coyote y joue le rôle du “last but best shot” : rapide, agile, économique, capable de tirer en salve. Il est le harpon silencieux de la guerre moderne.
Et l’Europe dans tout ça ?
En comparaison, les armées européennes sont encore à la traîne. La France teste le système Sky Warden, le Proteus modernisé ou encore Parade. L’Allemagne développe le LVS NNbS avec Rheinmetall. Israël vend ses Iron Beam et Sky Sonic.
Mais aucun acteur européen n’a encore mis en service un équivalent aussi intégré, modulaire et économique que le Coyote.
Et pendant ce temps, les drones prolifèrent. Dans les mains d’acteurs étatiques comme l’Iran ou la Russie. Dans celles de groupes non-étatiques. Ou, demain, dans des poches ennemies venues d’ailleurs.
Source : https://www.newsweek.com/department-of-defense-spends-5-billion-on-missile-system-10801472