La Chine se dote d’une nouvelle paire d’yeux au-dessus des mers et océans.
Il y a quelques années encore, l’idée semblait farfelue et prêtait au sourire : un appareil chinois capable de surveiller le ciel et la mer depuis un porte-avions, à des centaines de kilomètres des côtes, avec une autonomie d’action totale à la manière d’un certain Hawkeye américain. Aujourd’hui, cela ne fait plus rire personne avec cette silhouette qui fend les nuages, sous les yeux de satellites curieux, photographiée en vol serré aux côtés de chasseurs J-15. Son nom : KJ-600.
Un tournant dans l’histoire de la marine chinoise et une inquiétude croissante dans les salles de commandement de l’US Navy.
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Le KJ-600, riposte chinois au légendaire E-2D Advanced Hawkeye américain
Tout commence par une photo soigneusement partagée sur les réseaux chinois, montrant un avion inconnu, survolant une piste. La carlingue est propre, la voilure haute. Et au-dessus du fuselage, un disque familier : un dôme radar.
Les experts reconnaissent immédiatement la silhouette. Le KJ-600. Une sorte de Hawkeye chinois. Même configuration, même logique, même fonction : détecter, anticiper, coordonner. Sauf que celui-ci n’est pas américain. Il est conçu à Xi’an, et destiné à voler depuis les nouveaux porte-avions de la marine populaire.
Le message, lui, est limpide : Pékin veut les mêmes yeux que Washington et elle est prête à les déployer, loin, très loin de ses rivages.
Un chantier secret, un programme stratégique
On ne construit pas un tel appareil sans plan ni patience. Depuis des années, dans les hangars fermés de l’industrie aéronautique militaire chinoise, des ingénieurs travaillent dans l’ombre. Le cahier des charges était particulièrement ambitieux : créer un avion capable d’être catapulté, de tenir plusieurs heures en l’air et de surveiller des espaces maritimes entiers.
Le KJ-600 est le fruit de ce labeur. Un biréacteur turbopropulsé, équipé d’un radar AESA, à balayage électronique. Sa portée est estimée à près de 500 kilomètres et il répond en tout point au cahier des charges. Il a été pensé pour opérer depuis le Fujian, un porte-avions d’un nouveau genre, long de plus de 300 mètres, et équipé d’un système de catapultes électromagnétiques. Une première pour la Chine.
Le couple est stratégique : un navire pour porter, un avion pour voir.
Une rupture pour la marine chinoise
Jusqu’ici, la marine chinoise avançait à l’aveugle, ou presque. Ses porte-avions, le Liaoning et le Shandong, n’emportaient que des hélicoptères de surveillance, limités en portée et en endurance. Pour compenser, la Chine utilisait ses avions basés à terre, comme les KJ-500, mais ceux-ci ne pouvaient pas suivre les flottes au large.
Avec le KJ-600, tout change. Désormais, les groupes aéronavals chinois pourront opérer en pleine mer, avec leur propre système de veille avancée. En clair : ils peuvent voir venir les avions ennemis, repérer les missiles entrants, coordonner les chasseurs, gérer le théâtre d’opération à distance.
Des ressemblances… et des différences
À première vue, difficile de ne pas voir dans le KJ-600 un clone du E-2D américain : même silhouette, moteurs, le dôme radar, tout y est. Même le nombre de membres d’équipage : cinq, dont trois opérateurs derrière des écrans.
Une nuance cependant : l’original, le Hawkeye, vole depuis plus de dix ans, a fait ses preuves, en Irak, en Syrie, en Méditerranée. Il est intégré à une toile numérique complexe : la CEC, ou Cooperative Engagement Capability. Grâce à elle, le Hawkeye peut transmettre ses informations à un destroyer Aegis, à un F-35, à un sous-marin. Tout cela en temps réel.
Le KJ-600, lui, entre à peine en scène. Il vole, il capte, mais il ne parle pas encore à tout le monde. La Chine travaille sur sa propre bulle numérique, mais elle n’est pas encore là. C’est la différence entre un outil prometteur, et un système éprouvé.
Une menace prise au sérieux à l’Ouest
Aux États-Unis, personne ne prend cette évolution à la légère. Jusqu’à récemment, le monopole du ciel embarqué appartenait à la Navy. Aujourd’hui, un autre acteur arrive, avec une ambition claire : contester cette suprématie.
Dans l’Indo-Pacifique, la présence du KJ-600 pourrait changer les règles. Dans un affrontement autour de Taïwan, dans les îles Spratleys, ou en mer de Chine orientale, les flottes américaines devront composer avec un adversaire capable de les voir arriver de loin.
Une machine encore en rodage
Il reste des inconnues. Le système radar n’a pas encore été testé en condition réelle. Le système de catapulte du Fujian n’a pas encore prouvé sa fiabilité sur la durée et surtout : personne ne sait comment cet avion se comportera dans le chaos d’un conflit ouvert.
Une chose est cependant certaine. La Chine n’a pas investi des milliards dans le KJ-600 pour faire « joli » et si celui n’est probablement pas encore complètement au point, sa seule présence vient rappeler à qui en douterait la nouvelle dimension prise par l’Armée de Libération Populaire (APL).
Comparaison du KJ-600 avec ces principaux concurrents dans le monde
Appareil | Pays | Porte-avions compatible | Radar | Portée estimée | Équipage | État opérationnel |
---|---|---|---|---|---|---|
KJ-600 | Chine | Type 003 « Fujian » | AESA rotatif (non nommé) | 400–500 km (estimation) | 5 | En essais avancés |
E-2D Advanced Hawkeye | États-Unis | Nimitz, Ford | AN/APY-9 AESA | 550 km (air + surface) | 5 | Opérationnel (depuis 2014) |
Z-18J | Chine | Liaoning, Shandong | Radar rotatif (type inconnu) | 200–250 km | 4 | Opérationnel (hélico) |
Ka-31R | Russie / Inde | Vikramaditya, Kuznetsov | E-801 Oko | 150 km | 2 | Opérationnel |
EMALS AEW (futur) | France (hypothèse PA-Ng) | Porte-avions de nouvelle génération | A définir | À définir | À définir | Projet / Concept |
Source : https://defence-blog.com/kj600-carrier-borne-aew-trials/
Image : Prototype du KJ-600 (sur X / @Rupprecht_A)