L’Argentine ressuscite sa flotte avec trois sous-marins français.
Depuis le drame du San Juan en 2017, les eaux argentines n’ont plus entendu le son d’un submersible national. Huit années de silence, de vide stratégique et de deuil. Le 7 novembre 2025, ce silence a été brisé par une annonce présidentielle : l’Argentine confie à la France la renaissance de sa force sous-marine. Trois Scorpène, pour 2,3 milliards d’euros. Une victoire pour Naval Group, un pari pour Buenos Aires, une revanche pour la marine.
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L’Argentine choisit Naval Group et ses Scorpène pour 2,3 milliards d’euros
Le 15 novembre 2017, le sous-marin argentin ARA San Juan disparaissait avec ses 44 membres d’équipage. Une implosion à 600 mètres de profondeur, des débris éparpillés, et un traumatisme national. Depuis cette date, l’Armada Argentina est sans capacité sous-marine. Ses 4 700 kilomètres de littoral, du Rio de la Plata jusqu’aux confins de la Patagonie, demeurent sans guetteur immergé. Dans ce vide sécuritaire, la décision du président Javier Milei prend tout son sens : reconstituer une capacité stratégique, avec l’aide française.
Une flotte argentine fatiguée en quête de renouveau
L’Argentine ne possède pas que des sous-marins fantômes. C’est toute sa marine qui donne des signes de fatigue, héritée pour l’essentiel de la Guerre froide, et marquée par une lente érosion opérationnelle. Frégates vieillissantes, patrouilleurs en nombre limité, logistique précaire : l’Ara (Armada de la República Argentina) peine à assurer une présence crédible sur les 4700 kilomètres de côtes atlantiques. Pourtant, avec le regain des tensions autour de l’Antarctique, le contrôle de la ZEE (zone économique exclusive) devient un enjeu stratégique majeur.
Détail de la flotte militaire de l’Argentine
| Type de navire | Nom / Classe | Nombre en service | Origine / État |
|---|---|---|---|
| Frégates | Classe MEKO 360H2 (type Almirante Brown) | 4 | Allemagne / mises en service entre 1983 et 1984 |
| Corvettes | Classe MEKO 140A16 | 6 | Construites localement entre 1985 et 2004 |
| Patrouilleurs | OPV 87 (classe Bouchard, ex-Gowind) | 4 | France (Naval Group) / livrés entre 2020 et 2022 |
| Bâtiments amphibies | ARA Bahía San Blas, ARA Canal Beagle | 2 | Années 1980 / en service réduit |
| Porte-hélicoptères/logistique | ARA Patagonia | 1 | Ancien pétrolier ravitailleur français / années 1970 |
| Navires-écoles | ARA Libertad (voilier) | 1 | Ambassade flottante, toujours actif |
| Sous-marins | Classe TR‑1700 (San Juan, Santa Cruz, etc.) | 0 | Dernier en service perdu en 2017 (San Juan) |
Une victoire française au goût de revanche
Le contrat de 2,3 milliards d’euros décroché par Naval Group face à l’allemand ThyssenKrupp Marine Systems ne tient pas seulement à la performance des Scorpène. Il est aussi le fruit d’un alignement politique : Emmanuel Macron et Javier Milei ont fait de la défense un levier de coopération bilatérale. Après les succès brésilien et chilien, l’Argentine devient le troisième pays sud-américain à choisir la technologie française. Une nouvelle référence pour un modèle déjà exporté à 19 exemplaires dans le monde (avec ses variantes).
Des Scorpène conçus pour les grandes profondeurs
Longs de 67 mètres, les Scorpène argentins sont des sous-marins à propulsion diesel-électrique. Ils ne sont pas nucléaires, mais intègrent les dernières avancées en matière de furtivité acoustique, de systèmes de combat et d’autonomie sous-marine. Ils peuvent plonger à plus de 300 mètres, embarquent une trentaine de membres d’équipage, et sont armés de torpilles et de missiles antinavires.
Ce sont des chasseurs silencieux, taillés pour les longues patrouilles dans l’Atlantique Sud, avec une capacité de dissuasion régionale crédible.
Une modalité de paiement inédite
Naval Group a accepté une condition peu commune pour ce contrat : être payé à la livraison du premier sous-marin, et non à la commande. Ce geste tient compte de la situation financière délicate de Buenos Aires, encore convalescente après des années de crise monétaire. Un pari industriel risqué, certes, mais potentiellement payant pour la France, qui réaffirme son soutien à une démocratie sud-américaine et stabilise sa base industrielle.
Un espoir pour la BITD française
Naval Group avait connu des déceptions amères ces dernières années, notamment avec l’annulation du « contrat du siècle » australien en 2021. Ce contrat argentin marque donc une relance à l’exportation bienvenue. En plus de la construction des sous-marins, l’accord inclut la formation des équipages, la fourniture des pièces détachées et un transfert partiel de technologie. Il mobilisera plusieurs centaines d’emplois en France, à Cherbourg, Lorient, et dans les sites partenaires. Et il envoie un signal à d’autres pays émergents : la France est de retour sur le marché des océans.
Détails des ventes de sous-marins de classe Scorpène de Naval Group
| Pays | Nombre de sous-marins | Modèles / Particularités | Années du contrat | Coût estimé du contrat |
|---|---|---|---|---|
| Inde | 6 | Scorpène / classe Kalvari (construction locale + TOT) | 2005 | ≈ 3,5 milliards € |
| Brésil | 4 + 1 SN-BR (non Scorpène mais programme associé) | Scorpène modifiés / classe Riachuelo | 2008 | ≈ 6,7 milliards € (inclut chantier, TOT et soutien) |
| Chili | 2 | Scorpène « classe O’Higgins » | 1997–2000 | ≈ 750 millions € |
| Malaisie | 2 | Scorpène / classe Tunku Abdul Rahman | 2002 | ≈ 1,0 à 1,2 milliard € |
| Espagne | 4 | Classe S‑80 (inspirée du Scorpène mais fortement modifiée) | 2004–2007 | ≈ 3,0 milliards € |
| Égypte | 4 (optionnels, non Scorpène mais équivalents ?) | → Aucun Scorpène (achetés : Type‑209/1400) | – | – |
| Argentine | 3 | Scorpène AM‑2000 (version océanique longue endurance) | 2025 | ≈ 2,3 milliards € |
Sources :
- Présidence argentine (conférence du 7 novembre 2025)
- Naval Group
Image : Premier sous-marin de classe Scorpène construit en Inde, Kalvari, a effectué son premier tir de torpille le 26 mai 2017. Le sous-marin est construit par Mazagon Docks Limited (MDL) à Mumbai. Dans le cadre du programme, le MDL construira au total six sous-marins.