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Le Royaume-Uni a décidé de reprendre son industrie de l’armement en main et va injecter 1,7 milliards d’euros pour retrouver une production intensive d’explosif

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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Un pays qui rouvre les usines qu’il avait fermées. Quelque chose est en train de se produire outre‑Manche : le Royaume‑Uni rebâtit son industrie de munitions, presque disparue depuis vingt …

Le Royaume-Uni a décidé de reprendre son industrie de l'armement en main et va injecter 1,7 milliards d'euros pour retrouver une production intensive d'explosif

Un pays qui rouvre les usines qu’il avait fermées.

Quelque chose est en train de se produire outre‑Manche : le Royaume‑Uni rebâtit son industrie de munitions, presque disparue depuis vingt ans.
Treize sites ont été identifiés pour relancer la production d’explosifs, de poudres et de pyrotechnie. Derrière cette stratégie, un objectif clair : se préparer à la guerre de haute intensité et soutenir l’Ukraine dans la durée.

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Le Royaume‑Uni se réarme à marche forcée : 13 usines d’explosifs, 2 usines de drones… et un retour historique à l’économie de guerre

Il y a vingt ans, le Royaume‑Uni se séparait de la plupart de ses capacités de production d’explosifs et de poudres. Retour en 2025 : Londres fait exactement l’inverse.
Le gouvernement annonce un réseau d’usines d’energetics, terme qui recouvre tout ce qui permet de faire fonctionner les armes modernes : propulseurs, explosifs, charges de missiles, amorces, poudres pour obus.

Treize sites potentiels sont désormais listés, de la Écosse au pays de Galles, avec une première construction prévue dès l’année prochaine.
Trois sites pilotes émergent déjà :

  • Grangemouth (Écosse)
  • Teesside (Nord‑Est de l’Angleterre)
  • Milford Haven (Pays de Galles)

Ce maillage doit ressusciter une capacité industrielle que Londres avait presque entièrement abandonnée.

Depuis l’abandon de son éternel rival, la France est la seule puissance d’Europe occidentale à disposer de ce type de dissuasion nucléaire encore récemment améliorée

Une ambition colossale : produire à grande échelle pour la première fois depuis vingt ans

Le ministre de la Défense, John Healey, l’a affirmé lors d’un discours à Westminster :

« Nous rebâtissons les usines du futur en Grande‑Bretagne. »

Derrière cette phrase, un programme massif :

  • 1 000 emplois directs créés
  • Une filière complète consacrée aux explosifs modernes
  • Un pipeline permanent de munitions pour les forces armées britanniques
  • La capacité d’alimenter l’effort de guerre ukrainien

L’objectif est clair : ne plus dépendre des fournisseurs étrangers, dont certains ne peuvent plus livrer en temps de crise.

Les investissements britanniques (2025) :

Domaine Montant investi Objectif
Énergetics et munitions 1,5 milliard £ (1,7 mrds €) Relancer la production d’explosifs, poudres, charges
Usines de drones (Plymouth & Swindon) 250 millions £ (280 millions €) Augmenter la production de systèmes autonomes
Budget “Invest” (annuel) ≈ 11 milliards £ (12, 48 mrds €) Étendre la base industrielle de défense
Achats MOD 2024 31,7 milliards £ (35 mrds €) Soutien aux entreprises britanniques


Un retour assumé à l’économie de défense

Le ministère a financé plusieurs études de faisabilité, tandis que les ingénieurs ont déjà commencé à concevoir la première chaîne de production. Le pays veut une rupture nette avec les décennies de sous‑investissement.

Le Royaume‑Uni s’apprête aussi à publier un document clé : le Planned Procurement Note, qui fixera les besoins précis du programme. On y trouvera neuf matériaux énergétiques jugés essentiels pour préserver l’autonomie stratégique nationale.

Le discours politique accompagne cette mutation. John Healey parle d’une “nouvelle ère de menace”, affirmant que les décisions du prochain budget détermineront si le Royaume‑Uni évite de “retomber dans des forces armées creusées par les économies du passé”.

L’ajout surprise : deux nouvelles usines de drones

Comme si ce vaste plan industriel ne suffisait pas, Londres ouvre en parallèle deux usines de drones :

  • Helsing inaugure une “résilience factory” à Plymouth.
  • STARK lance une ligne de production à Swindon.

Ces deux sites complètent l’architecture industrielle d’un pays qui veut produire des milliers de drones d’observation, de reconnaissance et d’attaque.

L’ensemble est financé par un accord de croissance de 250 millions d’euros, un coup d’accélérateur supplémentaire destiné à aligner Londres sur la dynamique américaine, chinoise ou turque.

Un secteur stratégique redevenu vital

Le Royaume‑Uni compte déjà plus de 460 000 emplois dans la défense, dont 24 000 apprentis formés par le Ministère de la Défense.
En 2024, 70 % de ces emplois étaient situés hors de Londres, ce qui fait de cette politique un instrument économique autant qu’un outil militaire.

La guerre en Ukraine a joué un rôle catalyseur. Elle a rappelé que sans une industrie capable de produire en masse, une armée moderne n’est qu’une façade.
Face à cette réalité, Londres a tiré une conclusion simple : soit l’industrie se redresse, soit la capacité militaire s’effondre.

Le pari britannique consiste donc à industrialiser la guerre avant qu’elle ne frappe à la porte, préparer des stocks durables pour ses propres forces et pour l’Ukraine, et rebâtir une autonomie stratégique perdue depuis des années.

Une chose est sûre : le Royaume‑Uni s’est remis en marche. Reste à savoir si l’Europe suivra.

Encore un coup de génie français avec ce scooter « pas tout à fait » comme les autres et destiné à la lutte anti-drones

Et la France dans tout ça ? Une relance plus timide, mais des atouts industriels déjà en place

Du côté français, la relance de la base industrielle de défense est également bien amorcée mais semble partir de moins loin. Le plan du ministère des Armées prévoit 5 à 6 milliards d’euros par an pour les stocks et les munitions, notamment dans la Loi de programmation militaire 2024-2030.
La France n’a pas perdu entièrement ses capacités en explosifs ou en poudres : NobelSport à Pont-de-Buis, Eurenco à Bergerac, ou encore SNPE Matériaux Énergétiques en région Centre continuent à produire des composants clefs.

Les volumes restent cependant modestes, et la souveraineté reste partielle, en particulier sur certains composés importés (nitrocellulose, précurseurs chimiques).
Contrairement au Royaume‑Uni, aucun plan chiffré à grande échelle n’a encore été rendu public pour relancer une filière complète de « munitions à haute cadence », malgré les besoins accrus révélés par la guerre en Ukraine.
Autrement dit, la France possède les briques, mais pas encore l’usine complète.

Relance industrielle munitions et explosifs : Royaume-Uni vs France

Critère Royaume-Uni France
Plan de relance annoncé 13 usines en projet, dont 6 confirmées d’ici 2029 Pas de programme d’usines annoncé
Montant spécifique investi (2025) 1,5 milliard £ (1,7 milliards d’euros) pour les « energetics » 5 à 6 milliards € par an pour les stocks militaires
Sites industriels concernés Grangemouth, Teesside, Milford Haven, +10 autres Bergerac, Pont-de-Buis, Sorgues, Toulouse
Capacité industrielle initiale Quasi-inexistante depuis 20 ans Maintenue à échelle réduite
Objectif stratégique Production de guerre à cadence élevée Reconstitution de stocks, montée progressive
Autonomie chimique visée Recréer une filière complète au Royaume-Uni Réduire les dépendances, relancer certains segments

 

Source : https://www.gov.uk/government/news/uk-building-the-factories-of-the-future-as-government-launches-next-phase-of-new-munitions-and-energetics-factories

Image : Vue sur Grangemouth depuis Dumyat, décembre 2013

À propos de l'auteur, Guillaume Aigron