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Le plus lourd char de 2025 tiendrait dans le coffre du plus grand colosse de tous les temps qui pesait 188 tonnes : le Panzerkampfwagen VIII « Maus »

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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L’incroyable histoire du Maus, le tank de 188 tonnes qu’Hitler rêvait d’envoyer contre Staline Après le géant français et « mort-né » FCM F1 que nous avions abordé dans un …

Le plus lourd char de 2025 tiendrait dans le coffre du plus grand colosse de tous les temps qui pesait 188 tonnes : le Panzerkampfwagen VIII « Maus »

L’incroyable histoire du Maus, le tank de 188 tonnes qu’Hitler rêvait d’envoyer contre Staline

Après le géant français et « mort-né » FCM F1 que nous avions abordé dans un précédent article, c’est au tour d’un autre char mythique de passer sur Forum-Militaire.

Et quel char ! On parle ni plus ni mois de ce qui devait être le roi des chars, un titan invincible, un fortin d’acier roulant sur le front de l’Est. Avec ses 188 tonnes, sa cuirasse de 25 cm et un canon de 128 mm, le Maus devait écraser les T-34 soviétiques et transformer la guerre blindée en cauchemar mécanique. Il ne fera jamais le feu…

Voici l’épopée improbable du Panzerkampfwagen VIII « Maus », dernier rêve fou du IIIe Reich, entre fantasmes technologiques, pénuries de cuivre, et chenilles qui s’enfoncent dans la boue.

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À l’origine, tout partait sur un cahier des charges raisonnable : un char lourd de 70 tonnes (bon certes déjà énorme). Puis Hitler s’en mêle. Convaincu que les Soviétiques préparent des mastodontes blindés, il exige un monstre de plus de 100 tonnes. Dès mars 1942, Porsche et Krupp reçoivent commande d’un projet baptisé « Mäuschen »,  la « petite souris » (humour allemand), qui deviendra bientôt le Maus.

Ferdinand Porsche imagine un châssis révolutionnaire à moteur central, transmission électrique, et autonomie théorique de 180 km. Krupp planche sur une tourelle capable d’embarquer un canon de 128 mm… voire de 150 mm dans une version future. En janvier 1943, l’assemblage est confié à Alkett, et l’objectif fixé à 135 exemplaires, à raison de dix par mois.

Le projet semble ambitieux. Il est en réalité complètement irréaliste.

Avec l’Altay et ses 65 tonnes dont elle a commencé la production en série, la Turquie rejoint un club très fermé : celui des pays producteurs de chars lourds

Des raids aériens aux sables mouvants

Premier obstacle : l’aviation britannique. Les bombardements de mars et août 1943 sur les usines Krupp anéantissent la maquette de tourelle, les plans, puis les chaînes d’assemblage. L’armée allemande finit par geler le programme à l’automne : deux châssis et une tourelle seront terminés, pas plus.

Le premier exemplaire, sans tourelle, arrive à Böblingen début 1944 pour essais. On installe une fausse tourelle lestée pour simuler la masse réelle. Surprise : le char s’enlise dès qu’il quitte le bitume. Une erreur d’itinéraire le conduit même à s’embourber jusqu’à la moitié du châssis, immobilisé des jours durant. La consommation de carburant est astronomique : entre 16 et 42 L par kilomètre, soit un réservoir vidé en 60 kilomètres sur terrain difficile.

Le second prototype, cette fois complet, montre d’autres limites. Sur pente à 10 %, la tourelle est impossible à faire tourner électriquement. En manuel, il faut exercer une force de 30 kg en continu. La forteresse roule, mais lentement : 14 km/h sur route, 10 km/h en terrain. Ce n’est plus un char : c’est une île.

L’hybride trop en avance sur son époque

Sur le papier, le Maus est une merveille d’ingénierie : moteur central Daimler-Benz de 1 200 ch (ou 1 080 pour la v1), transmission électrique via deux moteurs positionnés sous la tourelle, et un générateur thermique qui sert de « centrale électrique mobile ».

Son canon principal de 128 mm KwK 44 L/55 est capable de percer 200 mm de blindage à plus de 2 000 m, et tire plus de 50 obus. En coaxial, un second canon de 75 mm, et une mitrailleuse MG 34 de 7,92 mm.

Le blindage est titanesque : jusqu’à 250 mm sur la tourelle, 220 mm à l’avant du châssis. Mais cela a un prix : le Maus utilise énormément de cuivre pour ses moteurs et câbles, un métal devenu stratégique et rare en 1944. Son blindage l’empêche aussi de franchir la majorité des ponts : on envisage même des schnorkels pour le faire traverser les rivières par immersion complète.

Une forteresse mobile à usage défensif

Le Maus n’est pas pensé pour manœuvrer. Il n’est pas fait pour percer. C’est un bunker mobile. Son rôle est de tenir une ligne, de casser l’offensive soviétique à coups de 128 mm, et de remplacer des divisions d’infanterie épuisées.

Isolé, il aurait été une cible facile pour les avions d’attaque au sol. En groupe, entouré de Flakpanzer et de Panzers plus mobiles, il aurait pu former un nœud de résistance infranchissable. Mais encore aurait-il fallu le produire, l’entretenir, le déplacer.

Or, à 188 tonnes, le Maus est tout sauf mobile. Chaque segment de chenille pèse près de 500 kg. Les techniciens mettent huit heures à en remplacer un seul. Et il faut des jours pour le transporter sur voies ferrées, avec wagons spéciaux.

Une relique unique, rescapée de la guerre

En avril 1945, les deux prototypes sont détruits à l’explosif par les Allemands à Kummersdorf. Les Soviétiques récupèrent les restes, assemblent la tourelle du V2 sur le châssis du V1, et l’exposent au musée de Koubinka. C’est le seul Maus existant au monde (contrairement à notre FCM F1 dont il ne subsite que des photos et des plans). Il porte encore les marques des essais soviétiques, et un pochoir marteau et faucille peint à l’envers par les Allemands pour tromper l’ennemi…

La bête d’acier est là, figée, vestige d’une époque où la mégalomanie dictait la conception des armes. Son coût estimé ? Deux milliards de reichsmarks (environ 148 millions d’euros actuels en tenant compte de l’inflation). Pour un seul tir.

Le Panzer VIII du Musée des blindés de Koubinka
Le Panzer VIII du Musée des blindés de Koubinka

Récapitulatif technique :

Caractéristique Valeur
Nom Panzerkampfwagen VIII Maus
Années de production 1943–1944 (2 prototypes)
Masse au combat 188 tonnes
Équipage 6 hommes
Armement principal Canon 128 mm KwK 44 L/55
Armement secondaire Canon 75 mm coaxial + MG 34
Blindage maximal Jusqu’à 250 mm (tourelle)
Vitesse maximale 14 km/h (route)
Autonomie 185 km (route), 62 km (terrain)
Moteur Daimler-Benz MB 509 ou MB 517
Puissance 1 080 à 1 250 ch
Consommation 35 L/km en moyenne
Coût estimé ~2 milliards de reichsmarks
Musée Koubinka (Russie)

Des héritiers modernes, mais aucun ne tutoie le Maus

Si le Maus reste le char le plus lourd jamais construit, les chars de bataille actuels n’en sont pas moins impressionnants. Les mastodontes modernes oscillent entre 60 et 75 tonnes, cherchant un équilibre entre puissance de feu, protection et mobilité. En tête du peloton, on retrouve le Leopard 2A8 allemand, le M1A2 SEPv3 Abrams américain, le Challenger 3 britannique, le K2 Black Panther sud-coréen, ou encore l’Altay turc, récemment lancé en production avec une motorisation sud-coréenne et une tourelle 100 % turque.

Tous embarquent des blindages multicouches, des canons de 120 à 125 mm, des systèmes de protection active, et une électronique embarquée poussée. Toutefois, aucun ne dépasse les 75 tonnes, seuil au-delà duquel la logistique devient infernale. Même les projets russes comme l’Armata T-14 ou chinois comme le Type 99A restent bien en deçà. Le Maus, dans son gigantisme anachronique, reste un cas à part, une forteresse qui n’a jamais vraiment combattu.

Les chars les plus lourds en service (2025)

Char Pays Masse (tonnes) Canon principal Blindage Système de protection
M1A2 SEPv3 Abrams États-Unis 73,6 120 mm M256 Blindage composite + uranium appauvri TROPHY (optionnel)
Leopard 2A8 Allemagne 71,5 120 mm Rheinmetall L/55A1 Blindage modulaire avancé EuroTrophy (intégré)
Challenger 3 Royaume-Uni 66–70 120 mm L55A1 à âme lisse Blindage Dorchester 2 Protection active à venir
K2 Black Panther Corée du Sud 61,5 120 mm L/55 Blindage composite + ERA KAPS (Corée)
Altay Turquie 65 120 mm à âme lisse (local) Blindage composite modulaire AKKOR (ASELSAN)
Type 99A Chine 58 125 mm smoothbore Blindage modulaire + ERA APS domestique
T-14 Armata Russie 55 (estimée) 125 mm 2A82 Blindage composite + malyutka-ERA Afganit

Sources :

  • https://tanks-encyclopedia.com/maus-ii
  • http://www.2iemeguerre.ca/blindes/maus.htm
  • https://bunker-nrw.de/threads/die-beruehmte-maus-panzerkampfwagen-maus-2.604

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