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Le plus grand navire militaire du monde et ses 100 000 tonnes ne sont pas près de quitter les quais de Newport News avec encore un retard confirmé

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Guillaume Aigron

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Le plus grand navire de guerre du monde bloqué à quai : le porte-avions Kennedy ne lève pas l’ancre. Sous les projecteurs des chantiers navals de Newport News, en Virginie, …

Le plus grand navire militaire et ses 100 000 tonnes ne sont pas prêts de quitter les quais de Newport News avec cette mauvaise nouvelle sur le chantier

Le plus grand navire de guerre du monde bloqué à quai : le porte-avions Kennedy ne lève pas l’ancre.

Sous les projecteurs des chantiers navals de Newport News, en Virginie, un géant dort. Long de plus de 330 mètres, pesant plus de 100 000 tonnes, le USS John F. Kennedy devait incarner la nouvelle puissance navale des États-Unis comme son « sistership » l’USS Gerald R. Ford.

En réalité, trois ans après la date prévue, il est toujours là. À quai, froid, inachevé et dans son sillage, c’est tout un programme militaire qui prend l’eau.

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Sur le papier, tout était prévu. Une deuxième unité de la prestigieuse classe Ford, construite avec soin par les ouvriers du chantier Huntington Ingalls, spécialisés dans les géants nucléaires. Des technologies de rupture, une propulsion nouvelle génération, un système de catapultes révolutionnaire… et une mise en service autour de 2022.

Dans les faits ? Des livraisons bloquées, des composants manquants, un personnel technique en sous-effectif et des tests qui n’en finissent pas. Le Kennedy, c’est aujourd’hui le symbole d’une ambition à la dérive. Une coque de 14 milliards d’euros, figée dans le silence.

Derrière cette inertie, il y a des chiffres très simples : la marine américaine est en retard sur tous ses grands projets. Frégates Constellation ? En décalage. Sous-marins Virginia ? En chantier prolongé. Et les porte-avions de la classe Ford ? Retardés, un par un.

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Une technologie en avance… Mais non maitrisée

Le cœur du problème est là : on a voulu réinventer la roue. Et pour une fois, elle ne tourne pas comme prévu.

La grande innovation du Kennedy, c’est son système EMALS – des catapultes électromagnétiques censées remplacer les vieux modèles à vapeur. Sur le papier, c’est brillant : des départs plus doux pour les avions, une cadence accrue, moins d’usure. Mais sur le terrain, le système est encore instable. Il a déjà montré ses limites sur le USS Gerald R. Ford, qui a lui aussi mis des années avant d’atteindre sa pleine capacité opérationnelle.

À cela s’ajoute l’AAG, le dispositif qui permet de freiner les avions à l’appontage. Lui aussi flambant neuf. Lui aussi en retard. Résultat : la Navy se retrouve avec un monstre de métal à 14 milliards d’euros, équipé de systèmes qui fonctionnent encore au conditionnel.

Le chantier du siècle

Ceux qui l’ont vu de près vous le diront : le Kennedy impressionne. Tout est hors norme. Deux réacteurs nucléaires A1B à la puissance trois fois supérieure aux anciens modèles, 2 600 marins à bord, une capacité de lancement de 160 avions par jour, et un pont d’envol aussi long que la Tour Eiffel couchée.

Nom USS John F. Kennedy (CVN-79)
Longueur 337 mètres
Déplacement 100 000 tonnes
Puissance électrique 3 × Nimitz
Équipage 2 600 marins (hors aéronavale)
Capacité aérienne jusqu’à 90 appareils
Prix estimé 14 milliards d’euros

Mais tout ce gigantisme ne sert à rien si le navire ne quitte pas le quai. Tant que le Kennedy reste bloqué, c’est le Gerald R. Ford, seul opérationnel, qui doit porter à lui seul le fardeau d’une stratégie navale mondiale.

Des ambitions qui s’embourbent

Derrière ce retard, ce sont des décisions politiques, des choix industriels, des paris risqués. C’est aussi un signal d’alarme : l’Amérique a peut-être perdu la maîtrise du temps long. L’ingénierie navale n’est pas qu’un empilement de technologies. C’est une chaîne de production, des soudeurs, des techniciens, des ingénieurs… tous formés à des tâches d’une rare précision. Et dans un pays qui a laissé filer certains savoir-faire, le résultat se voit.

En 2025, les responsables militaires eux-mêmes ont dû reconnaître devant le Sénat que la Navy était « en décalage de plusieurs années » sur ses livraisons. La revue commandée par le Secrétaire à la Marine Carlos Del Toro est sans appel : le chantier de Newport News souffre d’un manque criant de main-d’œuvre et d’une gestion prévisionnelle bancale.

Le reste de la classe Ford est aussi en danger

Le Kennedy n’est pas un cas isolé. Le USS Enterprise (CVN-80), troisième navire de la série, devait entrer en service en 2027. Ce sera probablement 2029. Le quatrième, le USS Doris Miller, prévu pour 2032 ? Inconnu.

Navire Mise en service prévue Estimation actuelle
USS Gerald R. Ford 2016 opérationnel depuis 2022
USS John F. Kennedy 2022 2026 au plus tôt
USS Enterprise 2027 2029 ?
USS Doris Miller 2032 2034 ?

Chaque année de retard, c’est un peu plus de pression sur les navires anciens. Et une perte de crédibilité pour une puissance qui affirme vouloir maintenir 11 porte-avions en activité pour surveiller tous les océans du monde.

Une superpuissance qui doute

Le Kennedy devait incarner la projection de force ultime. Il devait être le fer de lance d’une nouvelle ère stratégique. Il est aujourd’hui l’illustration d’une machine qui cale, d’un rêve qui se heurte au réel.

Pendant ce temps, la Chine enchaîne les mises à l’eau. Le chantier naval de Shanghai produit des destroyers tous les six mois. La Russie investit dans la modernisation de ses sous-marins. Et les États-Unis attendent que leur nouveau fleuron se réveille.

Sur le quai de Newport News, le vent souffle entre les plaques d’acier. Des ouvriers passent, silencieux. Ils savent, eux, que ce monstre de métal finira par partir. Mais quand ? Et dans quel état ?

Source : https://nationalinterest.org/blog/buzz/uss-john-f-kennedy-ford-class-carrier-may-miss-its-delivery-date-mc

Image : Newport News Shipbuilding commence à inonder la cale sèche 12 pour mettre à flot le porte-avions USS Gerald R. Ford (CVN-78), le « sistership » de l’USS John F. Kennedy.

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