Entre modernisation coûteuse, menaces arctiques et guerres de drones, le Canada hésite à choisir : maintenir ses Leopard 2 ou tourner la page du char lourd.
La flotte canadienne de chars Leopard 2, héritée de la Guerre froide et coûteusement entretenue, roule vers une impasse stratégique. Ottawa n’a pas tranché : faut-il continuer à miser sur le blindé, pilier de la dissuasion en Europe, ou investir ailleurs, dans la souveraineté de l’Arctique et la guerre moderne des drones ? Cette indécision révèle une crise plus profonde : l’absence de vision claire sur le rôle militaire du Canada.
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Des blindés entretenus à prix fort
Le Canada aligne encore un peu plus de 80 Leopard 2, maintenus à flot grâce à un contrat de soutien dépassant le milliard d’euros. Ces chars, déployés en partie en Lettonie, symbolisent l’engagement canadien dans l’OTAN face à la menace russe. Mais chaque année, leur entretien absorbe une part croissante du budget défense. La modernisation partielle des Leopard en version 2A6M prolonge leur durée de vie jusqu’au milieu des années 2030, mais sans leur donner de réelle supériorité face aux drones et missiles modernes.
Une armée en quête d’orientation
Ottawa n’a toujours pas défini de grande stratégie militaire. Doit-elle rester un pilier terrestre de l’OTAN, ou concentrer ses moyens sur la souveraineté arctique et la protection de ses deux façades maritimes ? Dans la première hypothèse, il faudrait acquérir un char de nouvelle génération pour remplacer les Leopard. Dans la seconde, les blindés seraient un fardeau inutile, inadaptés aux réalités du Grand Nord. Cette hésitation coûte cher et fragilise la crédibilité du Canada auprès de ses alliés.
L’Europe reste dépendante des blindés
Sur le sol européen, l’armure conserve une importance stratégique. Un escadron de 15 Leopard 2 canadiens en Lettonie représente une contribution visible à la dissuasion face à Moscou. Les chars rassurent les alliés et offrent une puissance de choc terrestre que ni l’artillerie ni les drones ne remplacent totalement. Abandonner les blindés signifierait réduire la capacité du Canada à participer à une guerre de haute intensité aux côtés de ses partenaires de l’OTAN.
Les priorités nationales pointent ailleurs
Le territoire canadien impose d’autres urgences : la surveillance de l’Arctique, la défense continentale face aux missiles balistiques et la sécurité maritime sur deux océans. Dans ces environnements, les chars lourds sont quasi inutiles. Les fonds pourraient être réalloués à des capacités bien plus pertinentes comme :
- Des avions de patrouille maritime ;
- Des systèmes anti-missiles balistiques ;
- Des sous-marins capables d’opérer sous la glace ;
- Des navires renforcés pour l’Arctique ;
- Des forces légères hautement mobiles.
Chaque euro dépensé pour maintenir une flotte réduite de Leopard 2 est donc un euro qui manque à la défense de la souveraineté nationale dans le Nord.
La guerre moderne change les règles
Le conflit en Ukraine l’a montré : les chars demeurent essentiels pour percer des lignes fortifiées, mais ils sont devenus des cibles de choix pour les drones kamikazes et les munitions rôdeuses. Les images de blindés détruits par de simples quadricoptères à quelques milliers d’euros ont marqué les états-majors. Pour le Canada, cela soulève une question : faut-il encore miser sur des machines de 60 tonnes, ou investir dans des essaims de drones, des frappes de précision longue portée et des systèmes de communication résilients ?
Une flotte maintenue artificiellement en vie
Pour l’instant, Ottawa choisit de gagner du temps. Les Leopard 2 sont entretenus, modernisés par petites touches et déployés symboliquement en Europe. Mais cette politique de l’entre-deux entretient une indécision coûteuse. Les chars ne sont ni remplacés, ni abandonnés. Ils continuent à rouler, mais sans direction claire. Dans dix ans, la question deviendra pressante : investir des milliards d’euros dans un successeur, ou fermer définitivement la parenthèse blindée.
Un miroir du rôle international du Canada
Le dilemme des chars reflète en réalité une interrogation plus large : quelle puissance militaire veut être le Canada ?Un acteur terrestre de l’OTAN en Europe ? Un État nordique concentré sur la défense de l’Arctique ? Un partenaire du Pacifique, engagé aux côtés de Washington contre la Chine ? Ou un hybride incapable d’exceller dans aucun de ces rôles ? Sans réponse claire, les Leopard ne sont qu’un symbole d’hésitation stratégique.
Tableau : avenir possible de la flotte de chars canadiens
Scénario stratégique | Conséquence pour les chars Leopard 2 | Coût estimé d’ici 2035 |
Engagement renforcé dans l’OTAN | Achat d’un nouveau char de combat moderne | > 10 milliards € |
Recentrage sur l’Arctique et le Nord | Retrait progressif des chars lourds | 3 à 5 milliards € |
Maintien d’un rôle hybride | Flotte réduite, modernisations limitées | 6 à 8 milliards € |
Source : NSJ