La petite frégate qui voulait devenir un destroyer !
Une évolution technique, presque invisible, pourrait transformer une frégate de 4 500 tonnes, la FDI Amiral Ronarc’h, en plate-forme d’interception rivalisant avec les grands destroyers américains.
Derrière ce changement, un objectif assumé : reprendre la main sur un domaine où l’industrie française était encore absente : un système de lancement vertical à froid.
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Comment la France a quadruplé la puissance de feu de la FDI
L’information est tombée en début de semaine comme un murmure repris de pont en passerelle : Naval Group développe un système de lancement vertical à froid (cold launch chez nos amis anglo-saxons) permettant de multiplier par quatre le nombre de missiles embarqués sur la FDI. L’annonce, relayée par Mer et Marine et confirmée par plusieurs sources industrielles, marque une rupture.
Pourquoi ? Parce qu’une frégate française jusque-là limitée à 16 missiles Aster pourrait demain en lever 64, prêts à jaillir à la verticale comme une salve venue de nulle part.
Dans le quotidien serré des marines modernes, ce chiffre change tout. Il ne s’agit plus de la frégate “compacte” pensée pour l’escorte rapprochée, mais d’un bâtiment capable de tenir une bulle d’interception large, dense, et donc stratégique.
La fin de la dépendance américaine
Depuis deux ans, plusieurs marines discutent l’intégration des missiles britanniques CAMM et CAMM-ER, mais leur architecture repose souvent sur l’ExLS américain, une brique industrielle que Washington contrôle de bout en bout.
La France a choisi un autre chemin : développer son propre système de lancement, intégré dans les volumes prévus dès la conception de la FDI.
Ce choix n’est pas que technique :
c’est l’affirmation que les frégates françaises sont capables de se moderniser sans s’en remettre aux standards industriels états-uniens.
Une architecture pensée pour demain, cachée depuis toujours
Ce qui frappe, c’est que la FDI avait été pensée dès le départ pour une montée en puissance future.
Sur le pont avant, trois puits vides ne demandaient qu’à être utilisés :
- un puits rectangulaire, pour deux modules Sylver A50 côte à côte ;
- deux puits carrés, capables d’accueillir des A50… ou des A70 pour le missile de croisière MdCN.
Dans cette cavité apparemment anodine, les ingénieurs de Lorient ont vu une opportunité : y glisser un module de lancement à froid très dense, capable d’embarquer jusqu’à 24 CAMM par emplacement.
Deux modules = 48 CAMM, auxquels s’ajoutent les 16 Aster historiques.
Total : 64 missiles d’emblée, sans agrandir le navire, sans sacrifier la lutte ASM, sans renoncer à son sonar CAPTAS-4 ou à son radar Sea Fire.
C’est une frégate qui garde tout… en ajoutant beaucoup.
Lancement à chaud, lancement à froid : deux philosophies, un même objectif
Là où le missile Aster allume son booster dans le tube, créant chaleur et surpression, le missile CAMM est éjecté avant l’allumage.
Résultat :
- moins de contraintes thermiques,
- moins d’exigences structurelles,
- plus de missiles dans le même volume.
Cette approche, déjà visible dans les programmes britannique Type 26 ou italien PPA, permet à la FDI de s’offrir une capacité normalement réservée aux destroyers lourds :
- 90+ cellules pour un Arleigh Burke,
- 48 pour un Type 45,
- 96 pour un Aegis sud-coréen.
Une FDI avec 64 missiles… entre dans la conversation.
Et pour certains clients – Grèce, Maroc, éventuellement Suède – l’équation change immédiatement : un navire compact, mais avec les dents d’un grand.
Quand une frégate compacte rivalise avec les grands navires
Ce qui se joue est simple :
dans un monde où les attaques par saturation deviennent la nouvelle norme, un navire qui n’a que 16 missiles ne tient pas longtemps.
Mais avec 48 CAMM + 16 Aster + des options RAM/Mistral, la FDI passe d’une frégate d’escorte à un acteur crédible de défense de zone.
Cela signifie qu’elle peut protéger :
- un groupe amphibie,
- un convoi,
- une force aéronavale,
- ou une zone côtière sensible.
En Méditerranée orientale, dans le Golfe, en Baltique ou en mer de Chine méridionale, cela transforme complètement la manière de peser sur les équilibres régionaux.
Comparaison internationale : qui met quoi dans ses silos ?
Avec 64 missiles prêtes au tir, la FDI se place au cœur du peloton, tout en restant beaucoup plus légère que les destroyers qui l’entourent.
Capacité missile FDI : avant / après
| Configuration | Missiles embarqués | Type(s) | Rôle |
|---|---|---|---|
| FDI actuelle | 16 | Aster 15/30 | Défense aérienne standard |
| FDI + 1 module cold-launch | 40 | 16 Aster + 24 CAMM | Défense étendue |
| FDI + 2 modules cold-launch | 64 | 16 Aster + 48 CAMM | Défense de zone / anti-saturation |
| FDI mixte (MdCN + CAMM) | 32 | 8 MdCN + 24 CAMM | Frappe terrestre + défense aérienne |
Sources :
- Mer Marine, La FDI pourra embarquer jusqu’à 48 CAMM en plus de 16 Aster, soit 64 missiles antiaériens
Vincent Groizeleau – 12/12/2025 - Army Recognition, France develops new launch system to let its FDI frigate carry up to four times more missiles. Jérôme Brahy – 13/12/2025