Une vieille mitrailleuse ressuscitée pour dégommer les drones : la revanche de l’AA53
Dans les couloirs feutrés de la Section technique de l’armée de Terre, un bruit de ferraille ressuscitée a fait son retour. En quatre mois seulement, les ingénieurs français ont métamorphosé une pièce d’armement des années 1950 en un tueur de drones moderne, bon marché, précis, prêt à l’emploi. Ce système, baptisé PROTEUS Standard 1, fait désormais la fierté du 35e RAP à Tarbes. Et pourrait bien devenir le cauchemar volant de tous les quadricoptères kamikazes.
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La France transforme une arme d’hier en rempart contre les menaces d’aujourd’hui
L’AA53 T2, à l’origine de cette modernisation, n’était rien d’autre qu’un canon automatique de 20 mm hérité de l’après-guerre. Issu de la famille des armes AA52, ce monstre compact et fiable était conçu pour défendre à courte portée contre des cibles aériennes ou légères. Chambré en 20×139 mm, capable de cracher 720 coups par minute, il pouvait se fixer sur trépied ou sur véhicule blindé léger.
Longtemps mis de côté au profit de systèmes plus lourds, l’AA53 n’a pourtant jamais quitté les dépôts. Sa simplicité mécanique, sa faible empreinte et son adaptabilité ont fait de lui un survivant discret. Jusqu’à ce que la menace drone devienne trop pressante pour l’ignorer.
La renaissance en PROTEUS Standard 1
Au printemps 2025, face à l’urgence opérationnelle, les équipes de la STAT (Section technique de l’armée de Terre) se sont attelées à une conversion radicale. En moins de 120 jours, elles ont conçu PROTEUS, un système anti-drones de courte portée monté sur la base de l’AA53.
Les changements sont profonds :
- Caméra jour/nuit stabilisée
- Capteur infrarouge
- Calculateur balistique numérique
- Système de navigation inertielle
Résultat : la précision de tir a été multipliée par trois, avec une capacité de détection, suivi et engagement de drones en toutes conditions météo. Le tout pour un coût marginal, grâce à l’utilisation de munitions classiques de 20 mm, bien moins chères que n’importe quel missile.
Des drones par dizaines, et des missiles trop chers
Les conflits en Ukraine, en Syrie ou au Haut-Karabagh ont tous prouvé la même chose : les drones sont devenus omniprésents, bon marché, destructeurs. Entre quadricoptères de surveillance, munitions rôdeuses et engins de saturation, les lignes arrières ne sont plus à l’abri.
Le problème ? Les systèmes traditionnels de défense aérienne sont conçus pour autre chose. Une batterie SHORAD ou un missile Manpads coûte cher, trop cher, pour abattre un drone de quelques centaines d’euros. Un missile Mistral ? Plus de 100 000 euros l’unité. Une roquette de 20 mm ? Moins de 10 euros.
PROTEUS vient combler ce vide. Il offre une solution cinétique réutilisable, parfaitement adaptée aux drones de basse altitude, à courte portée. Et il peut se monter sur une base fixe, sur véhicule, ou même en point haut dans un poste avancé.
Tarbes en première ligne
Les premiers exemplaires ont été livrés en août au 35e régiment d’artillerie parachutiste. Cette unité, spécialisée dans la projection rapide, servira de terrain d’expérimentation. Les observations de ses équipes conditionneront les évolutions du système et sa généralisation à d’autres régiments.
Le choix de cette unité n’est pas anodin. Le 35e RAP opère dans des environnements où la menace drone est permanente. De l’Afrique sahélienne aux déploiements en Europe orientale, ses soldats savent que l’œil du ciel n’est jamais loin.
Fiche technique PROTEUS Standard 1 :
- Base : canon automatique AA53 T2
- Calibre : 20×139 mm
- Cadence de tir : jusqu’à 720 coups/min
- Portée utile : < 2 000 mètres
- Systèmes : optique jour/nuit, IR, calculateur balistique, navigation inertielle
- Mode d’engagement : manuel assisté ou semi-autonome
- Coût estimé par système : < 50 000 € (hors plateforme)
Une tendance mondiale
La France n’est pas seule à réinventer son artillerie légère pour répondre aux essaims de drones. En Ukraine, les vieux ZU-23-2 soviétiques de 23 mm sont montés sur pick-ups, dotés de caméras thermiques civiles, et utilisés contre les drones russes.
En Israël, le M61 Vulcan (canon rotatif de 6 tubes tirant à 6 000 coups/min) est testé au sol contre des essaims. Ce canon, prévu pour l’aviation, pourrait devenir un aspirateur à drones.
La Turquie, de son côté, équipe ses tourelles SARP de munitions programmables et d’algorithmes de détection UAV. Qu’il s’agisse de 12,7 mm ou de 20 mm, le principe est le même : saturer l’espace aérien proche, à bas coût.
La guerre des pauvres… et des malins
Ce que PROTEUS révèle, c’est le changement d’échelle. Il ne s’agit plus de briller dans les salons de défense, mais de survivre sur le terrain. Loin des systèmes spectaculaires à plusieurs millions d’euros, ce type d’arme donne du pouvoir tactique immédiat à des unités déployées, sans alourdir leur logistique.
Il est encore trop tôt pour savoir si PROTEUS sera décliné à plus grande échelle. Mais ce retour aux fondamentaux, tirer vite, viser juste, réparer facilement, montre que l’innovation militaire n’est pas qu’affaire de radars sophistiqués. Parfois, il suffit de regarder dans le grenier.
Source : LinkedIn /