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L’Allemagne vient-elle de mettre le « premier clou dans le cercueil » du projet de char du futur commun avec la France ? Cette alliance pourrait bien signer la fin du MGCS

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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Berlin vient d’approuver une alliance industrielle stratégique qui pourrait changer l’avenir du char européen. Un nouveau char va être développé par Rheinmetall et KNDS Deutschland, en parallèle du Leopard 2A8. …

L'Allemagne vient-elle de mettre le « premier clou dans le cercueil » du projet de char du futur commun avec la France ? Cette alliance pourrait bien signer la fin du MGCS

Berlin vient d’approuver une alliance industrielle stratégique qui pourrait changer l’avenir du char européen.

Un nouveau char va être développé par Rheinmetall et KNDS Deutschland, en parallèle du Leopard 2A8. Officiellement, il s’agit d’une solution transitoire. Officieusement, c’est peut-être un adieu discret au projet MGCS.
Entre urgence militaire, ambitions industrielles et tensions franco-allemandes, une page pourrait bien se tourner.

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L’Office fédéral des cartels allemand a donné son feu vert à une coopération élargie entre Rheinmetall Landsysteme et KNDS Deutschland, pour développer un nouveau char de bataille pour la Bundeswehr. Ce projet passera par la coentreprise PSM, déjà connue pour la gestion du véhicule de combat Puma.

Sur le papier, il ne s’agit pas d’un remplacement du Leopard. Encore moins d’un abandon du MGCS. Le discours officiel est clair : ce nouveau blindé servira de complément au Leopard 2A8, en attendant le grand projet franco-allemand prévu pour… 2045.

Mais derrière les communiqués, une impression persiste. Si tout est fait pour « gagner du temps », pourquoi ne pas simplement attendre ? Pourquoi investir maintenant dans un développement parallèle ? Et pourquoi passer par Rheinmetall, ce partenaire aussi incontournable qu’encombrant, souvent à contre-courant de la coopération avec Paris ?

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Une guerre de blindés… dans les bureaux

Officiellement, Rheinmetall et KNDS Deutschland avancent main dans la main. Officieusement, l’histoire est plus complexe. KNDS, c’est cette alliance née en 2015 entre Krauss-Maffei Wegmann côté allemand et Nexter Systems côté français. Elle doit théoriquement permettre de donner naissance au MGCS, ce char du futur censé remplacer à la fois le Leclerc et le Leopard.

Sauf qu’en 2025, le calendrier patine, les désaccords techniques s’accumulent, et surtout, les ambitions ne sont plus tout à fait les mêmes. Paris pousse pour un canon de 140 mm, Berlin rêve d’un 130 mm. Nexter veut un engin disruptif. Rheinmetall préfère une évolution logique, compatible avec ses chaînes. Et pendant ce temps, la Bundeswehr a des besoins immédiats.

Le MGCS, dans les meilleurs scénarios, n’entrera en service qu’en 2045. Une éternité à l’échelle opérationnelle.

Quand l’intérim se transforme en cap stratégique

Le char qui va naître de la coopération PSM n’a pas encore de nom officiel. Il n’est même pas encore commandé. Mais tout est prêt. L’architecture industrielle existe, les attentes de l’armée allemande sont formalisées, et le feu vert juridique a été obtenu. La pression est là : livrer un blindé dans les toutes prochaines années, pas dans vingt ans.

Le message est limpide : ce n’est pas une vitrine technologique. C’est un outil, à livrer vite, pour faire le lien entre les Leopard actuels et un futur incertain. Certains évoquent une version modifiée du Panther KF51 de Rheinmetall. D’autres parlent d’une plateforme mixte, dotée d’un canon de 130 mm, d’un système d’arme téléopéré, et de munitions rôdeuses embarquées.

Caractéristiques envisagées :

Équipement Détail
Armement principal Canon de 130 mm (Rheinmetall)
Munitions Kinetics, explosives programmables, drones munitions
Équipage 3 personnes, avec chargeur automatique
Systèmes secondaires Mitrailleuse coaxiale 12,7 mm, tourelle téléopérée, protection active
Châssis Potentiellement dérivé du Leopard 2A8

 

La lente érosion du projet MGCS

En façade, rien ne change. Le MGCS est toujours là, toujours codirigé par la France et l’Allemagne, toujours promis à un avenir européen mais les fissures sont visibles.

L’État français reste actionnaire de KNDS à 50 %. Côté allemand, les familles propriétaires de Krauss-Maffei Wegmann (Bode et Braunbehrens) préparent leur sortie. Pendant que KNDS se prépare à une entrée en Bourse en 2026, Rheinmetall manœuvre pour reprendre la main sur les activités allemandes de l’alliance.

En clair : l’Allemagne recentre sa stratégie blindée sur ses propres intérêts. Si le MGCS continue, il le fera dans une Europe à plusieurs vitesses, où chaque nation développera ses propres briques technologiques.

Cette divergence de trajectoire n’est plus une simple crise de gouvernance. C’est une reconfiguration du paysage blindé européen.

Une rationalité industrielle plus qu’une rupture

Du côté des autorités allemandes, on défend la logique du projet. Selon l’Office fédéral des cartels, ni Rheinmetall ni KNDS Deutschland n’auraient pu remplir seuls le cahier des charges dans les délais impartis. Le choix de PSM permet de ne pas recréer une structure, de mutualiser les compétences, et surtout d’éviter un monopole pur et simple.

Le projet est donc présenté comme une réponse ponctuelle à un besoin précis, pas comme une stratégie de contournement du MGCS. Mais l’histoire industrielle montre que les “solutions intermédiaires” ont souvent la vie longue. Surtout quand elles marchent.

Le Leopard 2A8 comme point d’ancrage

Le nouveau char ne remplacera pas tout de suite le Leopard. Le 2A8 reste la référence. Il a été présenté en grande pompe à Munich en novembre. Il incarne l’évolution continue d’une plateforme qui a fait ses preuves. Ce n’est pas un tournant mais une consolidation.

Cependnant, il est clair qu’à force d’empiler les variantes : Leopard 2A7V, 2A8, puis ce nouveau char Rheinmetall-KNDS, on finit par repousser indéfiniment le moment MGCS.

Et au fond, une autre question s’invite : l’Europe peut-elle encore concevoir un char commun, quand ses industriels veulent chacun tirer la couverture à eux ?

Une chose est sûre : l’Allemagne veut garder la main sur ses blindés (et qui lui jetterait la pierre vu le contexte international ?). Ce nouveau projet, discret mais redoutablement structuré, montre que Berlin n’est plus prêt à attendre que le calendrier franco-allemand s’aligne.
Un char « intérimaire » qui risque de se transformer en CDI.

Sources :

  • https://www.businessinsider.de/wirtschaft/rheinmetall-und-knds-panzer-deal-koennte-ruestungsmarkt-veraendern/
  • https://www.maschinenmarkt.vogel.de/leopard-3-kampfpanzer-knds-rheinmetall-entwicklung-a-e2aac59cb14a71f5e21f453337148666/

Image : Deux chars de combat Leopard 2A4 hollandais en position défensive en coque défilée. – Photographes officiels, Direction de l’information du ministère de la Défense

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char

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