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L’Allemagne prête à abandonner la France ? Berlin secoue la défense européenne et envisage de saborder le FCAS pour miser sur un consortium plus transparent et techniquement plus avancé

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Said LARIBI

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La fracture entre Paris et Berlin sur le futur avion de chasse européen devient un enjeu géopolitique majeur. Alors que le FCAS prend du retard, l’Allemagne regarde de plus en …

L’Allemagne prête à abandonner la France ? Berlin secoue la défense européenne et envisage de saborder le FCAS pour miser sur un consortium plus transparent et techniquement plus avancé

La fracture entre Paris et Berlin sur le futur avion de chasse européen devient un enjeu géopolitique majeur. Alors que le FCAS prend du retard, l’Allemagne regarde de plus en plus vers Edgewing, un projet rival mené par le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon.

Dans les coulisses de la coopération européenne en matière de défense, un véritable bras de fer s’engage. Le programme FCAS, censé symboliser l’autonomie stratégique du vieux continent, se fissure. Et l’Allemagne, partenaire clé de ce projet, envisage d’intégrer un programme concurrent, plus fluide, plus avancé, et surtout plus international. Un coup dur pour l’industrie de défense française qui redoute un isolement.

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Une fracture technologique et politique assumée

La coopération franco-allemande sur le système de combat aérien du futur (FCAS) montre aujourd’hui ses limites. Enthousiaste au départ, Berlin semble désormais séduite par Edgewing, le nouveau nom du programme GCAP, piloté par le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon. Ce revirement potentiel fait craindre à Paris un éclatement de l’ambition européenne dans l’aéronautique militaire. Il s’agit moins d’une décision technique que d’une rupture stratégique.

L’Allemagne prête à abandonner la France ? Berlin secoue la défense européenne et envisage de saborder le FCAS pour miser sur un consortium plus transparent et techniquement plus avancé

Une exaspération allemande face au FCAS

L’Allemagne, à travers Airbus Défense, exprime depuis plusieurs années sa frustration face au monopole revendiqué par Dassault Aviation sur la conception du chasseur. Ce point d’achoppement entraîne retards et blocages sur un programme estimé à plus de 100 milliards d’euros. Berlin a aussi dû composer avec une gouvernance jugée opaque et une répartition des tâches jugée déséquilibrée. C’est dans ce climat que le ministre italien de la Défense a révélé que l’Allemagne étudiait activement son entrée dans Edgewing.

Edgewing avance pendant que le FCAS piétine

Alors que le FCAS peine à lancer ses premiers démonstrateurs, le programme Edgewing affiche une feuille de route limpide : un vol d’essai dès 2029 et une entrée en service en 2035. Le consortium BAE Systems – Leonardo – Mitsubishi Heavy Industries avance rapidement, grâce à une structure de gouvernance claire et un partage technologique égalitaire. L’avion attendu intégrera d’emblée des systèmes de combat collaboratifs avec drones, un cockpit numérique ouvert, et une autonomie intercontinentale. Des caractéristiques qui font rêver une partie de l’état-major allemand.

Maquette d'avion habité du GCAP arborant les drapeaux des trois pays partenaires. (Crédit photo : Leonardo)
Maquette d’avion habité du GCAP arborant les drapeaux des trois pays partenaires. (Crédit photo : Leonardo)

Un choix stratégique pour Berlin

Face à un FCAS miné par les conflits d’intérêt, Berlin souhaite retrouver un cadre plus serein et structurant. Le GCAP, rebaptisé Edgewing, incarne cette alternative : règles simples, rôles bien définis, pilotage collectif. La Bundeswehr redoute surtout de dépendre d’une solution exclusivement conçue par la France, sans garanties sur l’indépendance industrielle allemande. La bascule vers Edgewing pourrait intervenir dès 2028, si les conditions d’adhésion sont fixées d’ici là.

Des alliances multiples en toile de fond

L’attractivité d’Edgewing repose aussi sur sa vocation internationale. L’Arabie saoudite, le Canada, l’Australie, et même l’Allemagne seraient en discussion. La France, isolée dans son approche souverainiste, peine à convaincre de nouveaux partenaires. Paris se trouve ainsi piégé dans un modèle trop fermé, alors que les enjeux mondiaux de la maîtrise aérienneimposent des coopérations larges et flexibles. Edgewing pourrait devenir un standard mondial, à l’image du F-35 américain.

Illustration d'un avion GCAP survolant Rome, en Italie. (Crédit photo : Leonardo)
Illustration d’un avion GCAP survolant Rome, en Italie. (Crédit photo : Leonardo)

Une industrie allemande autonome et ambitieuse

Contrairement aux discours français, l’Allemagne n’est pas dépendante de l’expertise de Dassault pour mener un programme aéronautique. Airbus assemble déjà les Eurofighter, MTU développe les moteurs, Hensoldt produit les radars AESA. En rejoignant Edgewing, Berlin pourrait imposer ses compétences, diversifier ses partenariats et s’assurer une retombée industrielle massive, sans avoir à subir les blocages franco-français. Cette autonomie est devenue un argument politique puissant.

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Une onde de choc européenne

Si Berlin quitte le FCAS, le programme perd son second pilier financier et technologique. Cela entraînerait un effondrement du calendrier, une explosion des coûts pour la France seule, et une remise en cause de tout le modèle industriel. Ce séisme, comparable au fiasco de l’A400M, pourrait geler pour longtemps toute ambition européenne commune dans l’aéronautique militaire. Le choix de l’Allemagne est donc bien plus qu’une simple divergence : c’est un tournant historique dans la coopération de défense.

Tableau comparatif

Caractéristique FCAS (France, Allemagne, Espagne) Edgewing / GCAP (UK, Italie, Japon)
Coût estimé > 100 milliards € ∼ 80 milliards €
Premier vol démo Pas avant 2031 Avant 2029
Entrée en service 2040 2035
Partage des tâches Contesté entre Dassault et Airbus Équilibré et transparent
Partenaires potentiels Aucun nouveau en vue Arabie Saoudite, Canada, Australie

 

Source : Reuters

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