F-35 contre Rafale : comment la Belgique a snobé la France et bousculé l’Europe de la défense.
Un milliard d’euros pour 34 chasseurs américains et une querelle diplomatique qui ne désenfle pas. En choisissant définitivement le F-35 de Lockheed Martin et non le Rafale de Dassault Aviation, la Belgique a provoqué une onde de choc industrielle et stratégique. Derrière ce choix se cache bien plus qu’une simple affaire d’avions : c’est toute la logique de défense européenne qui vacille.
Lire aussi :
- Ce géant asiatique dont on parle peu est la nouvelle cible de la France pour les ventes d’armements avec un premier contrat à 1,8 milliards d’euros
- La France bat l’Angleterre sur le fil et décroche un contrat de 6,7 milliards d’euros pour développer le moteur du futur avion de combat de 6e génération de l’Inde
La Belgique remet en cause l’Europe de la défense en snobant le Rafale
La Belgique devait remplacer sa flotte de F-16 vieillissants, en service depuis les années 1980. En 2018, elle lance un appel d’offres pour acquérir un chasseur de nouvelle génération. Deux finalistes restent en lice : le Rafale de Dassault Aviation, soutenu politiquement par Paris, et le F-35A américain, déjà sélectionné par plusieurs pays européens membres de l’OTAN.
En octobre 2018, Bruxelles annonce son choix : 34 F-35A pour plus d’un milliard d’euros. La justification ? Une compatibilité parfaite avec les standards OTAN, une furtivité avancée et une intégration dans les réseaux de combat alliés.
Mais ce choix continue d’alimenter la polémique, sept ans plus tard. Et pour cause : les livraisons sont en retard, les coûts augmentent, et l’argument industriel s’effondre.
Le Rafale, performant mais jugé « non pertinent »
Côté français, l’amertume est vive. Le Rafale n’est pas un outsider : il équipe déjà l’armée de l’Air française, la Marine nationale, mais aussi les forces grecques, croates, égyptiennes, indiennes et émiraties. Il est entièrement interopérable avec les forces de l’OTAN, bien que non américain. Surtout, l’offre française prévoyait des retombées industrielles concrètes pour la Belgique.
La dernière déclaration du ministère belge de la Défense, jugeant le Rafale « non pertinent pour les besoins de la Belgique », a mis le feu aux poudres. Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a dénoncé « un double discours » de Bruxelles, qui prétend soutenir l’industrie européenne tout en signant ses chèques à Washington.
Le F-35 : une technologie américaine, une dépendance européenne
Sur le plan technique, le F-35A est un chasseur furtif monomoteur de 5e génération, capable d’opérer en réseau. Il peut emporter des munitions guidées, des missiles air-air et air-sol, et participer à des missions de pénétration en territoire ennemi.
Mais ses performances sont régulièrement remises en question : surcoûts à répétition, disponibilité faible, maintenance complexe, et surtout verrouillage technologique total par les États-Unis. Aucun pays utilisateur n’a accès au code source du logiciel de mission. La Belgique, comme les autres clients, est donc dépendante de Lockheed Martin pour les mises à jour, la maintenance logicielle, et certaines réparations critiques.
À l’inverse, le Rafale est entièrement maîtrisé par la France, avec des composants européens, un cycle de vie ouvert et des possibilités de personnalisation.
Une contradiction stratégique flagrante
La vraie question dépasse les spécifications techniques. La Belgique participe au projet SCAF (Système de Combat Aérien du Futur), mené par la France, l’Allemagne et l’Espagne. Ce programme vise à créer, à l’horizon 2040, un successeur européen au Rafale et à l’Eurofighter.
Comment justifier alors l’achat d’un avion américain fermé, conçu en dehors de toute logique européenne ? Pour beaucoup d’observateurs, c’est un paradoxe majeur : la Belgique défend le discours d’une défense européenne, tout en renforçant sa dépendance à l’OTAN.
Et cela ne passe pas inaperçu. Le Parlement français a vu fleurir plusieurs critiques, y compris de députés pro-européens, qui dénoncent un « manque de loyauté stratégique ».
Une Europe de la défense à deux vitesses ?
L’affaire du Rafale belge met en lumière un problème récurrent dans la défense européenne : des États membres qui soutiennent le concept d’autonomie stratégique… jusqu’au moment d’acheter. Et alors, ils préfèrent souvent la sécurité politique offerte par les États-Unis à la complexité industrielle européenne.
Pourtant, l’argument du « retour industriel » est bien réel. Le Rafale, dans les pays qui l’ont acquis, s’accompagne toujours de transferts de technologie, d’emplois locaux et de contrats sous-traités. Le F-35, lui, est assemblé aux États-Unis, et n’offre aux partenaires que des miettes de sous-systèmes.
C’est un choix clair : celui du parapluie américain, au détriment d’une véritable souveraineté européenne en matière d’armement.
Différences notables F35 et Rafale :
Éléments | Rafale | F-35A |
Origine | France | États-Unis |
Génération | 4,5 | 5 |
Moteurs | Bimoteur | Monomoteur |
Maintenance | Autonome | Dépendante de Lockheed Martin |
Retombées industrielles | Oui, avec offsets locaux | Faibles |
Pays utilisateurs | 7 (France, Grèce, Inde…) | 18+ (dont Belgique) |
Participation au SCAF | Oui | Non |
Ce que cela dit de l’avenir de l’Europe
En 2025, l’Europe est confrontée à des défis géopolitiques majeurs : tensions en mer Baltique, menaces hybrides, reconfiguration de l’OTAN, pression américaine sur les budgets. Dans ce contexte, l’achat d’un avion de combat est un acte hautement politique.
En choisissant le F-35, la Belgique a fait un choix de dépendance. Ce n’est ni une trahison, ni une erreur technique, mais c’est un signal faible mais persistant : malgré tous les discours, la défense européenne reste embryonnaire.
Et tant que ses membres continueront à regarder vers l’Atlantique au moment de signer leurs contrats, elle ne pourra jamais devenir autonome.