L’ex-plus grande flotte militaire du monde en est réduite à louer des cargos civils pour soutenir son activité.
Le Royaume-Uni envisage d’utiliser des navires civils pour les tâches de soutien de sa Royal Navy. Derrière cette décision se cache un aveu plus profond : la flotte britannique peine à tenir la cadence. Ses navires de soutien ne sont clairement pas assez nombreux et de plus pas toujours disponibles,
ce qui fait que le bijou qui faisait la fierté de l’Empire britannique en est réduit à quémander les services de la flotte marchande pour se déployer correctement… pas vraiment rassurant !
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Quand la Royal Navy sous-traite sa logistique
Le ministre de la Défense britannique Luke Pollard a confirmé mi-octobre que le ministère évaluait le recours à des cargos commerciaux pour renforcer la Royal Fleet Auxiliary (RFA). Ces bâtiments civils seraient mobilisés pour des missions dites « non contestées » : transport de vivres, de pièces détachées, de carburants et loin des zones de combat.
Le but ? Libérer les navires militaires de soutien, en nombre limité, pour les affecter à des missions plus exigeantes : ravitaillement de groupes aéronavals, soutien d’opérations amphibies, présence dans les zones tendues.
Cette orientation découle directement de la Strategic Defence Review 2025, qui plaide pour une flotte plus souple et moins coûteuse. Des contacts sont d’ores et déjà établis avec le secteur maritime privé britannique, via le Shipping Defence Advisory Council.
Trois nouveaux navires qui se font attendre et une couverture logistique à trous
La Royal Fleet Auxiliary attend toujours la livraison de trois navires de type FSS (Fleet Solid Support), construits dans le cadre du contrat Team Resolute (BMT, Harland & Wolff et Navantia UK) pour 1,6 milliard de livres.
Ces mastodontes assureront des transferts de munitions, carburants et matériels entre navires, en pleine mer. Ils sont attendus pour la fin de la décennie. En attendant, le recours à des navires civils devient la seule solution viable pour combler les trous dans la raquette.
La France donne une leçon de disponibilité au camp occidental
À l’heure où Londres cherche des solutions low-cost, Paris affiche une efficacité logistique presque insolente. La Marine nationale française, surnommée « la Royale », ne fait pas de bruit mais elle affiche l’un des meilleurs taux de disponibilité de la planète (voir le tableau ci-dessous).
Avec 80 % pour ses navires de premier rang (frégates, destroyers), la flotte française écrase ses rivales du camp occidentale. À peine 19 % des navires britanniques sont immédiatement déployables, selon les chiffres de 2025. Les États-Unis, malgré une flotte gigantesque, plafonnent à 62,5 %.
Comparatif des disponibilités des flottes militaires britannique, française et américaine (2025) :
Pays | Taux de disponibilité | Flotte active | Navires réellement déployables |
---|---|---|---|
France | 80 % | ~100 bâtiments (dont 9 sous-marins) | ~80 navires |
Royaume-Uni | 19 % (prêt combat) / 43 % (incl. maintenance) | 62 bâtiments | ~8 à 27 navires |
États-Unis | ~62,5 % | ~480 navires | ~300 navires |
Une efficacité qui tient à trois leviers bien huilés
Pourquoi une telle différence ? Parce que la France anticipe, répare vite, et tourne avec moins mais mieux.
- Le double équipage sur certaines frégates permet d’allonger leur présence en mer jusqu’à 180 jours par an, sans les épuiser.
- Les chantiers comme Naval Group ou les Chantiers de l’Atlantique sont mis en concurrence et s’appuient sur des contrats clairs, via le Service de soutien de la flotte.
- Enfin, des opérations techniques PDO10 sont effectuées en mer, réduisant drastiquement les immobilisations en cale sèche.
Résultat : moins de navires, mais plus souvent en mer. Une logique inverse de celle du Royaume-Uni, qui multiplie les plateformes… et les indisponibilités.
Leçons d’un virage discret
Aussi « honteux » soit-il, le choix de Londres de recourir à des navires civils est loin d’être absurde. Il répond à une urgence capacitaire, en attendant des jours meilleurs. Et dans des zones sûres, il permet d’optimiser l’usage des navires militaires.
Mais il met aussi en lumière une fatigue structurelle de la Royal Navy. Trop peu de navires, trop de retard, trop de dépendance au privé… Le tout, sur fond de critiques répétées sur les coûts faramineux des porte-avions britanniques, souvent inopérants.
Et pendant ce temps-là, la Royale navigue
Avec une LPM 2024‑2030 à 413 milliards d’euros, la Marine nationale poursuit son redéploiement : frégates FDI, sous-marins de nouvelle génération, successeur du Charles de Gaulle, nouveaux patrouilleurs, drones, capacités satellitaires… Tout est fait pour garantir non seulement la puissance, mais surtout l’opérationnalité réelle.
Ce que la France a compris, c’est que la guerre moderne ne se gagne pas en photo satellite ou en tonnage de flotte. Elle se gagne sur les quais, avec des coques prêtes à partir. Et sur ce terrain-là, la Royale a plusieurs longueurs d’avance.
Source : https://ukdefencejournal.org.uk/uk-considers-commercial-ships-to-augment-fleet-solid-support
Image : Le navire auxiliaire de la Royal Fleet, RFA Fort Victoria (A387), à droite, rejoint le porte-avions britannique HMS Queen Elizabeth (R08) et le groupe aéronaval Queen Elizabeth Carrier Strike Group dans la mer du Nord lors de l’exercice Joint Warrior 20-2, le 30 septembre 2020.