Entre sable et rotor : ce que cache le discret exercice militaire franco-marocain dans le désert d’Errachidia.
Une brigade d’aérocombat française, des chars américains, des hélicoptères marocains, et du sable à perte de vue. Sous le nom presque poétique de Chergui, au pied de l’Atlas, c’est toute une petite armée qui s’entraîne à faire la guerre dans le désert.
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La France et le Maroc mène avec succès l’opération Chergui dans le désert d’Errachidia
Dans le creux aride de la région d’Errachidia, au sud-est du Maroc, l’exercice Chergui 2025 a pris une ampleur inédite. Du 5ᵉ régiment d’hélicoptères de combat (5e RHC) au 1er régiment de tirailleurs, en passant par un peloton blindé du 1er régiment de chasseurs, la France a déployé un ensemble cohérent de forces terrestres et aéroterrestres, articulées autour de la 4e brigade d’aérocombat. Objectif : s’exercer, ensemble, dans un théâtre à haute intensité, dans un décor brûlant et minéral.
Les Forces armées royales marocaines (FAR), elles, ont engagé leurs chars M1A2 Abrams, leurs unités d’infanterie et leurs hélicoptères SA342 Gazelle. Pour les deux armées, le défi est double : maîtriser les interactions opérationnelles dans un environnement extrême et affiner une réponse militaire commune à une menace simulée contre l’intégrité du Maroc.
CPX et LIVEX, le scénario de guerre
Concrètement, l’exercice repose sur deux volets. Un CPX (Command Post Exercise), d’abord, pour tester la coordination entre états-majors, dans un format interarmées exigeant. Puis un LIVEX, plus spectaculaire, où les unités se déplacent, tirent, manœuvrent, simulent des combats réels.
Dans les plaines rocailleuses du Tafilalet, les Gazelle marocaines croisent les Tigre français, tandis que les NH90 assurent les évacuations et les appuis logistiques. Au sol, les blindés avancent dans la poussière, les fantassins progressent en binômes, radio à la main. L’interopérabilité ne s’improvise pas : elle s’éprouve, dans la sueur, dans les transmissions, et dans les imprévus.
Une mise en commun des savoir-faire tactiques
L’un des enjeux principaux de Chergui 2025 est le partage d’expériences. Les FAR, aguerries aux réalités sahariennes, apportent une lecture précieuse du terrain, de la logistique désertique, des tactiques de harcèlement en zone ouverte. De son côté, l’armée française met sur la table son expertise du combat aéroterrestre, avec des hélicoptères conçus pour la manœuvre offensive rapide, et des modules de commandement avancés.
On n’apprend pas à deux à combattre ensemble sans se parler. Chaque tir croisé, chaque appui feu, chaque relocalisation tactique devient un langage commun, fondé sur les gestes, les procédures, les signaux.
Le désert, ce formateur impitoyable
Le terrain n’a rien d’un champ d’exercice confortable. Températures oscillant de 5 à 40 °C, poussière dans les filtres moteurs, amplitudes thermiques qui éprouvent les optiques comme les hommes. Pour les équipages de Tigre, l’air brûlant perturbe les capteurs. Pour les tireurs marocains, le moindre relief peut masquer une position.
Le désert est un ennemi en soi. C’est aussi ce qui rend Chergui si formateur : c’est dans l’inconfort que naît la cohésion, dans l’imprévu que se vérifie la compatibilité des doctrines.
Un partenariat géopolitique
Au-delà des obus tirés et des rotors qui fendent l’air, l’exercice Chergui est un acte politique. Il inscrit dans la durée la coopération stratégique entre la France et le Maroc, dans une région où l’instabilité progresse. Que ce soit dans le Sahel, en Libye ou au large des côtes atlantiques, les deux pays partagent une lecture commune des menaces : terrorisme, flux migratoires non contrôlés, trafics transfrontaliers, et désormais, compétition militaire régionale.
Rien d’étonnant à ce que Rabat multiplie les programmes conjoints avec Paris : renseignement, formation, équipements, doctrine… le lien militaire est fort, ancien, mais en constante modernisation.
Un format qui pourrait inspirer l’OTAN
Sans avoir l’ampleur logistique d’un exercice comme Orion ou Trident Juncture, Chergui 2025 montre qu’une coopération bilatérale ciblée dans un environnement exigeant peut produire des effets tangibles. La France s’entraîne avec un partenaire régional stable, dans un théâtre réaliste, tout en assurant sa présence dans une zone sensible aux ambitions extérieures.
Dans un monde où les conflits hybrides se multiplient, l’apprentissage du combat combiné entre partenaires fiables devient une arme autant qu’un message.
Équipements engagés lors de l’exercice Chergui 2025
Pays | Unité / Matériel | Type | Fonction |
---|---|---|---|
France | NH90 Caïman | Hélicoptère de transport | Evacuation, ravitaillement, aérotransport |
France | Hélicoptère Tigre HAP | Hélicoptère d’attaque | Appui feu, reconnaissance armée |
France | 1er régiment de chasseurs | Blindés légers | Manœuvre rapide, feu d’appui |
France | 1er régiment de tirailleurs | Infanterie | Combat débarqué, sécurisation de zone |
Maroc | Chars M1A2 Abrams | Char de combat principal | Appui lourd, percée blindée |
Maroc | SA342 Gazelle | Hélicoptère léger | Reconnaissance, appui léger |
Source : Ministère des Armées
Image de mise en avant : L’exercice Chergui réunit l’armée française et les Forces armées royales marocaines © armée de Terre/ Défense