Le programme FCAS, censé incarner l’avenir de l’aviation de combat européenne, traverse une phase critique. Derrière les sourires diplomatiques, Paris et Berlin cherchent une sortie de crise avant la fin de l’année, alors que les industriels s’étripent sur le partage du travail.
Le chasseur du futur censé remplacer les Rafale et Eurofighter n’est toujours qu’un concept, et le temps file. Le projet FCAS, initié en 2017, est à un tournant crucial : ou bien la France et l’Allemagne s’entendent enfin sur les rôles de leurs industriels, ou bien le calendrier de 2040 dérape définitivement. Derriere l’affichage d’unité, les tensions sont réelles, et les armées ne veulent plus attendre.
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Une coopération politique sous pression
Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius l’a confirmé le 24 juillet à Osnabrück : l’objectif est de « clarifier la situation d’ici la fin de l’année ». Face à son homologue français Sébastien Lecornu, il a reconnu que les discussions entre industriels se heurtaient à des intérêts nationaux très affirmés. Les gouvernements veulent reprendre la main sur le dialogue, pour que le FCAS reste un projet franco-allemand stratégique, et non une usine à gaz bloquée par les égos.
Des industriels en guerre froide
Le blocage principal vient du duel entre Dassault Aviation (France) et Airbus Defence & Space (Allemagne/Espagne), chargés de développer le futur avion. Dassault réclame le leadership sur le jet, notamment sur le pilotage du prototype, tandis qu’Airbus veut un partage plus équilibré. Résultat : retards en cascade, maquettes figées, et calendrier compromis. Eric Trappier, PDG de Dassault, répète que le démonstrateur ne sera prêt qu’en 2030 si les tensions persistent.
Des exigences militaires très différentes
Derrière les négociations techniques se cachent des divergences profondes. La France veut un avion compatible avec ses porte-avions et capable d’emporter l’arme nucléaire. L’Allemagne, elle, insiste sur la connectivité avec les systèmes OTAN et sur un design plus modulaire. Chaque armée veut un outil adapté à ses doctrines, ce qui complique la convergence vers un modèle unique. Le besoin opérationnel prime, selon Lecornu.
Un calendrier sous haute tension
Initialement prévu pour 2040, le FCAS pourrait ne voler qu’en 2045 si les retards s’accumulent. Le démonstrateur, attendu en 2027, est déjà en glissement. Toute dérive de trois à cinq ans serait un risque majeur pour la compétitivité européenne, alors que les programmes américains (NGAD) et asiatiques (FX, GCAP) avancent rapidement. Paris propose de réexaminer la répartition du travail pour sauver les délais, mais sans l’accord de Berlin, rien ne bougera.
Un projet entre coopération et souveraineté
Lecornu a martelé que ce projet devait avant tout servir les forces armées, pas les industries. L’armement reste une compétence régalienne, et Paris veut garantir sa souveraineté sur les briques technologiques clés, notamment la propulsion, l’intégration système et le cockpit. L’Allemagne, de son côté, demande des garanties sur les exportations futures, afin de ne pas voir ses livraisons bloquées pour des raisons politiques.
Un signal attendu avant décembre
La réunion d’Osnabrück a permis aux deux ministres de donner des instructions claires aux agences d’armement et aux industriels pour sortir du blocage. Le deuxième semestre 2025 sera décisif. Si aucun compromis n’est trouvé, le projet pourrait être ralentit, voire paralysé. Mais les deux capitales savent qu’elles jouent leur crédibilité industrielle et stratégique dans cette coopération.
Le FCAS au cœur d’un jeu plus large
En parallèle, Paris et Berlin travaillent aussi sur le MGCS, le char du futur, prévu pour 2040. Les deux projets sont perçus comme liés politiquement. Un échec du FCAS fragiliserait le reste de la coopération de défense européenne. Dans un contexte de guerre en Ukraine et de reconfiguration des alliances, les retards sur le chasseur pourraient faire basculer l’Europe dans une dépendance technologique prolongée.
Source : Déclaration du ministre de La Défense allemand Boris Pistorius