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La République Tchèque prévient la France qu’elle ne payera pas la dernière tranche des 62 canons CAESAR si les conditions ne s’améliorent pas

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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La République tchèque menace la France : le CAESAR 8×8 sous pression. Un contrat d’armement à 450 millions d’euros, un début de bromance franco-tchèque  qui semble finir en eau de …

De l'ean dans le gaz entre la France et la République tchèque après un début pourtant idyllique autour de la vente de 62 canons CAESAR 8x8

La République tchèque menace la France : le CAESAR 8×8 sous pression.

Un contrat d’armement à 450 millions d’euros, un début de bromance franco-tchèque  qui semble finir en eau de boudin avec un avertissement officiel de Prague à Paris. Les 62 canons CAESAR 8×8 commandés à Nexter/KNDS n’ont toujours pas convaincu les militaires tchèques. Retards, performances insuffisantes, absence de données critiques : le ministère de la Défense envisage désormais de suspendre les paiements.

Derrière les chiffres et les sigles se cache une crise diplomatique en germe. Un système d’artillerie censé incarner la modernité de l’Europe de la défense pourrait bien devenir son symbole d’impuissance industrielle !

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Une lettre qui claque comme un coup de semonce pour les relations franco-tchèques

Le 21 juillet 2025, Lubor Koudelka, directeur de l’armement tchèque, envoie une missive sans détour à la direction de KNDS. L’objet : le non-respect des engagements contractuels dans le programme CAESAR 8×8. “Si KNDS ne prépare pas les obusiers pour les essais militaires, nous cesserons de verser les avances”, écrit-il.

À ce jour, la République tchèque a déjà déboursé plus de 315 millions d’euros (7 milliards de couronnes tchèques) pour ce programme. Un dernier versement de 45 millions d’euros devait encore être effectué cette année. Désormais, tout est suspendu.

C’est une décision lourde, prise à contrecœur, après des mois d’échanges techniques et politiques. La ministre de la Défense Jana Černochová l’a confirmé au gouvernement : “Nous avons signalé au fabricant des problèmes graves. Des discussions ont été engagées avec mon homologue française.” Le ton est diplomatique, mais l’avertissement est clair.

Avec un budget limité à 200 000 euros, la France crée une arme redoutable que personne ne voyait venir aussi vite

Des performances techniques très en deçà des attentes

Le CAESAR 8×8 devait offrir une avancée majeure à l’artillerie tchèque : portée accrue, précision, interopérabilité OTAN. Sur le papier, le système pouvait frapper à 40 km, manœuvrer rapidement, et s’intégrer au commandement numérique Adler III.

La réalité est tout autre. Lors des essais, deux prototypes ont été testés sur les polygones militaires tchèques. Le résultat est jugé insuffisant :

  • Portée maximale non atteinte en mode MRSI (frappe simultanée de plusieurs obus sur une même cible à distance),
  • Absence de données balistiques fournies par Nexter, empêchant l’intégration avec le système Adler III,
  • Incompatibilité des obus tchèques, faute de documentation technique sur les interactions entre le canon et la munition.

Un officier confie sous couvert d’anonymat : “Sans ces données, le système ne peut pas fonctionner avec nos munitions. Il est inutilisable. Et on ignore même s’il respecte les standards OTAN.”

Le précédent danois plane comme une ombre

La République tchèque n’est pas seule à s’être frottée à ce programme complexe. Le Danemark avait commandé 19 CAESAR 8×8. Las des retards et des difficultés techniques, Copenhague a finalement annulé le projet. Les canons ont été envoyés à l’Ukraine.

Ce précédent inquiète Prague. Car si le CAESAR 6×6 a déjà été livré à plus de dix pays sans incident, la version 8×8 reste un développement récent, conçu spécifiquement pour répondre aux exigences danoises et tchèques. Et c’est bien là le cœur du problème : un système sur-mesure, encore instable.

Voici une comparaison synthétique entre les deux modèles :

Critère CAESAR 6×6 CAESAR 8×8
Portée max (standard) 40 km 40 km (non atteints en test)
Intégration OTAN Oui (tests validés) Non (données manquantes)
Équipage 5 3 à 5
Poids 18 tonnes 30 tonnes
Vitesse max 90 km/h 100 km/h
Nombre de pays utilisateurs 12+ 2 (commandes récentes)

Une interopérabilité encore théorique

L’un des arguments majeurs pour l’achat du CAESAR 8×8 était son intégration dans les réseaux de commandement alliés. Or cette promesse repose sur un écosystème technologique qui n’a pas encore fonctionné en République tchèque.

Le système Adler III, fourni par la firme allemande ESG, nécessite des données précises pour intégrer chaque pièce d’artillerie. Sans courbes balistiques, sans fichiers de calibration, sans informations sur la munition et la température du canon, le système ne peut ni calculer, ni ajuster, ni tirer en sécurité.

La situation devient ubuesque : les obusiers sont livrés mais inutilisables. Le dialogue entre canon, obus et logiciel de tir est bloqué. La chaîne de feu est rompue.

Un risque industriel et politique pour la France

Pour Nexter, filiale du groupe franco-allemand KNDS, l’affaire est sensible. Le CAESAR 8×8 est l’un des fleurons de son catalogue. Une rupture de contrat avec Prague serait un revers sérieux sur le marché européen, au moment où d’autres pays – Belgique, Lituanie, Espagne – envisagent d’en faire l’acquisition.

L’entreprise peut difficilement se permettre un échec industriel sur un produit aussi exposé. D’autant que les tensions en Europe ont relancé la course aux équipements militaires. La compétition est rude, les délais raccourcis, et les exigences accrues.

En cas de suspension définitive des paiements par Prague, c’est toute la crédibilité du programme qui pourrait être remise en question.

Une sortie de crise encore incertaine

KNDS a reçu la lettre. Elle devra répondre rapidement. Selon nos sources, une réunion technique est prévue dans les jours à venir entre les ingénieurs tchèques, les représentants de Nexter, et les coordinateurs du ministère. Objectif : remettre les pendules à l’heure.

Plusieurs pistes sont à l’étude :

  • Livrer d’urgence les données balistiques manquantes
  • Mettre à jour le logiciel Adler III pour compenser les écarts
  • Modifier le profil de munition ou tester un lot alternatif
  • Revoir les délais de livraison et envisager une compensation financière

La balle est désormais dans le camp de Nexter. Le CAESAR 8×8 était censé devenir le pilier de l’artillerie tchèque pour les décennies à venir. Pour l’instant, il reste à quai. Et avec lui, l’image d’une coopération industrielle franco-tchèque en suspens.

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Les canons CEASAR à travers le monde

Pays Version Quantité commandée État des livraisons Remarques
France 6×6 & 8×8 109 Livrés / En service 32 unités supplémentaires commandées en 2024
Ukraine 6×6 & 8×8 55+ Livrés Dons et reventes depuis France, Danemark, etc.
Arabie saoudite 6×6 132 Livrés Programme conclu fin des années 2010
Indonésie 6×6 55 Livrés Intégration progressive dans l’armée de terre
Danemark 8×8 19 Commandés puis transférés à l’Ukraine Contrat résilié en 2023
Belgique 8×8 28 Commandés Livraisons attendues à partir de 2027
Lituanie 6×6 18 Commandés Contrat signé en décembre 2022
République tchèque 8×8 62 En litige / Livraisons suspendues Lettre de menace de non-paiement envoyée en juillet 2025
Maroc 6×6 36 Commandés Accord signé en 2020, livraisons discrètes
Thaïlande 6×6 6 Livrés Utilisation dans les forces terrestres royales

 

Source : https://www.novinky.cz/clanek/domaci-obrana-hrozi-francouzum-ze-zastavi-platby-za-problematicka-dela-caesar-40530868

À propos de l'auteur, Guillaume Aigron