3000 soldats français dans l’exercice Dacian Fall 2025.
Le 30 octobre 2025, à Cincu, la France a envoyé un signal fort à Moscou ne même temps qu’un message d’unité à ses alliés. Nom de code : Dacian Fall 2025, un exercice d’une rare intensité, et une démonstration de force franco-roumaine dans un contexte européen toujours plus incertain.
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La France envoie un message à ses alliés d’Europe de l’Est et à Moscou avec l’exercice Dacian Fall
Catherine Vautrin n’est pas venue en touriste. Pour sa première visite en Roumanie en tant que ministre des Armées et des Anciens combattants, elle a posé les pieds là où les bottes françaises frappent le sol depuis près de deux ans : Sibiu. À ses côtés, le général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre. Ensemble, ils ont rencontré leur homologue roumain, Liviu-Ionuț Moșteanu. L’objectif de cette visite était de renforcer un partenariat bilatéral qui, ces derniers mois, est passé du déclaratif à l’opérationnel.
Les deux ministres ont affirmé vouloir “intensifier la coopération capacitaire”. Côté roumain, une commande de missiles Mistral 3 devrait être signée d’ici la fin de l’année. Côté français, le message est clair : Paris tient sa ligne sur le flanc Est.
Dacian Fall 2025 : un saut d’échelle opérationnel
Du 20 octobre au 13 novembre, le terrain d’entraînement de Cincu devient le cœur battant de l’Otan en Europe orientale. L’exercice Dacian Fall 2025, placé sous commandement roumain, marque une rupture : pour la première fois, le groupement tactique de l’Alliance passe du format bataillon à la brigade interarmes, soit environ 5000 soldats déployés. Parmi eux, plus de 3000 militaires français forment l’ossature du dispositif.
Chars Leclerc, canons Caesar, hélicoptères Tigre et NH90, drones tactiques, radars mobiles : la panoplie complète des capacités françaises est engagée. C’est aussi une épreuve grandeur nature pour la 4e brigade d’aérocombat, qui structure l’état-major de cette “brigade multinationale” en construction. La France, en tant que nation-cadre, démontre ici sa capacité à coordonner des forces alliées, à planifier des manœuvres complexes, et à intégrer des moyens haut de spectre dans un environnement multilatéral.
Résumé de l’opération Dacien Fall :
| Élément | Données |
|---|---|
| Dates | 20 octobre – 13 novembre 2025 |
| Lieu | Cincu, Transylvanie (Roumanie) |
| Forces françaises engagées | 3 000 soldats, chars Leclerc, Caesar, Tigre, NH90 |
| Effectif total | Environ 5 000 militaires de l’Otan |
| Nation-cadre | France |
| Objectifs | Interopérabilité, coordination brigade, soutien logistique |
| Partenaires | Roumanie, Belgique, Luxembourg, Espagne |
| Commande annoncée | Missiles Mistral 3 (MBDA) par la Roumanie |
Dans cette même dynamique de projection vers l’Est, l’exercice EAGLE STEEL a permis aux blindés français d’affirmer leur maîtrise du feu en conditions réelles et à quelques centaines de kilomètres de là, sur le camp de Topraisar, c’est EAGLE WARRIOR qui a plongé l’infanterie dans un scénario de combat en tranchées. Observation, communications, progression au contact : chaque geste a été répété jusqu’à l’automatisme. Dans le ciel roumain, l’exercice aérocombattant n’a pas été en reste : trois Puma roumains, deux NH90 français et un Tigre ont multiplié les vols conjoints, échangeant doctrines et procédures pour construire une interopérabilité aérienne concrète, coordonnée, et redoutablement efficace.
De la manœuvre tactique au message stratégique
Dans le sable de Cincu, les tirs croisés ne visent personne, mais tout le monde comprend l’allusion. Les simulations d’attaque, les franchissements d’obstacles, les exercices en conditions dégradées : chaque action a été pensée en réaction à une « possible » (en espérant que ça reste du domaine du possible) attaque russe. Derrière le décor militaire, c’est une mise à l’épreuve de la réactivité collective de l’Otan.
« Je suis ici pour réaffirmer la solidité de notre engagement envers la sécurité de l’Europe et pour marquer une nouvelle étape dans le partenariat de défense entre la France et la Roumanie », a déclaré Catherine Vautrin devant les troupes. Une promesse adressée à la Roumanie, bien sûr, mais aussi à la Lituanie, à la Pologne, à la Slovaquie : la France assume son rôle de pivot militaire en Europe centrale, et fait de la Roumanie un partenaire stratégique durable.
Le soutien logistique, colonne vertébrale de l’exercice
Au-delà des troupes et du matériel, le soutien logistique roumain s’est révélé essentiel. Approvisionnement, transport, infrastructures, communication : tout ce qui fait tenir une force déployée dans la durée a été mis à l’épreuve. Les commandements des deux nations ont testé la capacité à coordonner hôtes et invités, dans une logique d’interopérabilité complète. Ce n’est pas une simple manœuvre : c’est une répétition stratégique d’un engagement possible.
Sur les routes comme dans les postes de commandement, les Français ont travaillé au coude-à-coude avec les Belges, les Luxembourgeois, les Espagnols et bien sûr les Roumains. Chaque nation apporte sa pierre, mais la structure, cette fois, est clairement française.
Un déploiement sans précédent depuis la fin de la guerre froide
Depuis 1945, jamais une force française n’avait été projetée aussi massivement à l’Est de l’Europe (on va éviter de remonter jusqu’aux guerres napoléoniennes pour les plus tatillons). Les 3 000 soldats français engagés dans l’exercice Dacian Fall 2025, épaulés par chars Leclerc, canons Caesar, hélicoptères Tigre et NH90, représentent le plus important dispositif français jamais déployé dans la région depuis la chute du mur de Berlin.
Certes, la France avait déjà participé à des missions de présence avancée dans le cadre de l’OTAN, notamment en Estonie, Lituanie ou Roumanie, mais avec des effectifs bien moindres, de l’ordre de 300 à 800 hommes par détachement. Même la mission Aigle, ouverte en 2022 après l’invasion russe de l’Ukraine, ne comptait « que » 1 200 militaires à son pic.
Il faut remonter aux années 1990 pour trouver un engagement comparable sur le continent européen : la Bosnie, sous mandat de l’ONU puis de l’OTAN (IFOR/SFOR), où 5 000 à 7 000 soldats français furent déployés au cœur des Balkans. Mais il s’agissait alors d’une opération de maintien de la paix, non d’un exercice de guerre conventionnelle à haute intensité.
En clair : Dacian Fall 2025 n’est pas seulement un entraînement, c’est la preuve visible d’un basculement doctrinal — celui d’une France prête à redevenir puissance d’avant-poste sur le flanc Est, au même titre que les États-Unis ou l’Allemagne.
Principaux déploiements français en Europe de l’Est depuis 1990 :
| Période | Opération / Exercice | Lieu | Effectifs français | Nature de la mission |
| 1992–1999 | IFOR / SFOR | Bosnie-Herzégovine | 5 000 à 7 000 | Maintien de la paix (ONU / OTAN) |
| 1999–2008 | KFOR | Kosovo | 3 000 à 4 000 | Stabilisation post-conflit |
| 2014–2016 | Lynx (début eFP OTAN) | Estonie | 300 à 500 | Dissuasion sur le flanc Est |
| 2022–2025 | Mission Aigle | Roumanie | ~1 200 | Nation-cadre OTAN, défense collective |
| 2025 | Dacian Fall | Roumanie | +3 000 | Exercice de guerre conventionnelle (brigade interalliée) |
| 2025 | Baltic Sentry / Bold Panzer | Estonie & Baltique | 300–400 | Surveillance et interopérabilité OTAN |
La France ne lâche rien en Ukraine
Terminons cet article en précisant qu’en moins de trois ans, la France est devenue l’un des principaux soutiens militaires de l’Ukraine, avec un engagement total désormais estimé à 8,6 milliards d’euros. Ce chiffre ne se résume pas à quelques convois d’obus ou de blindés d’occasion : il illustre une stratégie de long terme, visant à ancrer durablement la France sur le flanc Est de l’Europe.
Derrière ce montant, il y a 5,9 milliards d’euros de soutien militaire direct : livraison de matériel (dont les AMX-10RC ou les VAB), munitions, maintien en condition, formation de soldats ukrainiens. À cela s’ajoutent 400 millions d’euros via un fonds bilatéral créé spécialement pour Kiev, mais aussi 2,3 milliards de contribution française à la Facilité européenne pour la paix (FEP), le mécanisme collectif de l’UE. Loin d’un simple alignement diplomatique, cette mobilisation marque le retour assumé d’une France actrice à l’Est, capable d’orienter les équilibres militaires du continent.
Elle souligne aussi la nouvelle posture d’une Europe qui, par la main française, ne se contente plus d’être un spectateur du conflit, mais un bâtisseur de résilience stratégique.
Source : Ministère des Armées
Image de mise en avant : Exercice EAGLE STEEL