Le chasseur KF-21 change avec un fuselage redessiné, des missiles cachés, un moteur maison, et des drones dans le sillage.
La Corée du Sud ne veut plus être simple cliente de la technologie américaine. Elle veut jouer dans la cour des géants.
Son programme KF-21 Boramae, encore en phase de maturation, s’apprête à franchir un cap décisif : devenir un véritable avion de 5e génération, 100 % sud-coréen.
Radar invisible, armement en soute, guerre électronique intégrée : le futur Block III promet un bond stratégique autant qu’industriel.
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Le chasseur KF-21 bientôt furtif : la Corée du Sud entre dans le club très fermé des avions de 5e génération
Depuis son premier vol en 2022, le KF-21 Boramae évolue vite. Très vite.
Initialement conçu comme un avion “4,5 génération”, à la manière du Rafale ou du F/A-18 Super Hornet, il s’oriente désormais vers une architecture furtive complète avec son Block III, en cours de développement.
L’objectif est clair : réduire drastiquement la surface équivalente radar (SER) grâce à des matériaux absorbants, des capteurs intégrés et surtout des soutes internes, capables d’embarquer jusqu’à 4 missiles Meteor ou des bombes guidées.
Un design qui se rapproche de celui du F-35 américain, mais développé localement, selon des priorités sud-coréennes.
À bord, plus de nacelles externes visibles : une suite de guerre électronique embarquée, un système optronique intégré dans le fuselage, des antennes discrètes.
Un camouflage numérique, autant que physique.
Un moteur national pour couper le cordon avec Washington
Actuellement, le KF-21 vole avec deux turboréacteurs américains GE F414-GE-400K, identiques à ceux du F/A-18E/F.
Un bon point de départ, mais une dépendance stratégique que Séoul entend éliminer.
Le gouvernement sud-coréen a donc alloué dans son budget 2026 :
- 62 millions d’euros pour lancer le développement d’un réacteur avancé 100 % sud-coréen
- 453 millions d’euros pour les matériaux furtifs et les capteurs radar passifs
- Et 5,4 milliards d’euros sur 8 ans pour un missile air-air de nouvelle génération
Le motoriste Hanwha Aerospace, accompagné de Doosan Enerbility, planche déjà sur une version de démonstration de 5 500 livres de poussée, qui sera testée d’ici fin 2025.
À terme, la version opérationnelle visera 16 000 livres, soit une puissance comparable à celle du moteur du F-35.
Une ambition offensive : missile national longue portée
Le programme ne s’arrête pas à l’avion.
Le ministère sud-coréen de la Défense a confirmé vouloir développer un missile air-air équivalent, voire supérieur au Meteor européen, aujourd’hui considéré comme la référence en matière de combat à longue distance.
Ce futur missile, à statoréacteur (ramjet), viserait une portée étendue et une capacité à accélérer en phase terminale.
Autrement dit, même une cible manœuvrante, furtive ou protégée pourrait être touchée à très longue distance.
Le but ? Se libérer des importations d’AIM-120 AMRAAM américains, tout en créant un produit exportable à très forte valeur.
L’architecture drone-missile-avion : une guerre en essaim
Le KF-21 Block III ne combattra pas seul.
Il est pensé dès aujourd’hui pour diriger une escadrille de drones de combat autonomes, via une liaison de données à haut débit, capable de :
- Coordonner des attaques simultanées
- Détourner les défenses ennemies
- Élargir les capteurs via des relais avancés
- Réduire l’exposition du pilote au feu adverse
Ce concept d’unmanned teaming n’est plus théorique. Il est testé activement en Corée du Sud depuis 2023, avec des prototypes sous le contrôle du ministère de la Défense et de la DAPA.
En combinant chasseurs pilotés, missiles longue portée et drones sacrifiables, Séoul veut bâtir une architecture de dissuasion aérienne ultra-flexible, capable d’absorber un choc initial et de frapper à distance, sans engagement massif.
Un investissement stratégique à très haut risque
Voici un aperçu des principaux investissements annoncés :
Projet | Montant prévu | Échéance estimée |
---|---|---|
Développement moteur indigène (16 000 lbf) | 62 millions € | Prototype en 2025, version finale après 2030 |
Capteurs & matériaux furtifs | 453 millions € | 2026–2030 |
Missile air-air à statoréacteur | 5,4 milliards € | 2025–2033 |
Mais cet effort technologique comporte de nombreuses incertitudes.
Le missile Meteor européen a mis 25 ans à être opérationnel.
Le développement d’un turboréacteur furtif et fiable pourrait prendre plus d’une décennie.
Les drones collaboratifs, eux, n’ont encore jamais été employés en combat réel.
Devenir un exportateur, pas juste un acheteur
Le message de Séoul est limpide : sortir de la dépendance, imposer sa signature technologique, et exporter un avion de 5e génération “made in Korea”.
Un pari similaire à celui du KAAN turc, mais avec plus de moyens, plus d’expérience et une base industrielle déjà structurée.
Si le calendrier est respecté, le KF-21 Block I sera opérationnel en 2026, suivi par le Block II pour les frappes air-sol.
Puis viendra le Block III, dans la première moitié des années 2030 : furtif, autonome, interconnecté, armé de missiles maison.
En somme, un avion tourné vers l’avenir, qui pourrait propulser la Corée du Sud dans le top 5 des puissances aéronautiques mondiales.
Comparatif des générations de chasseurs de combat
Génération | Période d’apparition | Exemples | Caractéristiques clés |
---|---|---|---|
3e génération | 1960–1975 | Mirage III, MiG‑21, F‑4 Phantom II | – Radar de base – Missiles guidés semi‑actifs – Combat supersonique – Manœuvrabilité limitée – Pas de fly-by-wire |
4e génération | 1975–2000 | F‑16, Mirage 2000, MiG‑29, Su‑27 | – Radar doppler multimode – Manœuvrabilité accrue – Cockpit numérique – Missiles à autodirecteur radar actif – Début du « multi-rôle » |
4,5e génération | 2000–2025 | Rafale, Eurofighter, F/A‑18E, Su‑35, Gripen E | – Radar AESA – Capteurs fusionnés – Super-croisière (pour certains) – Signature radar réduite – Guerre électronique avancée – Liaison de données et armement intelligent |
5e génération | 2005–aujourd’hui | F‑22, F‑35, J‑20, Su‑57, KF‑21 (Block III), KAAN | – Furtivité active (cellule et matériaux RAM) – Soutes internes pour missiles – Fusion de capteurs avancée – Moteurs à faible signature infrarouge – Interopérabilité réseau – Multirôle intégré – Capacité d’opérations en zone A2/AD |
6e génération (en développement) | 2035–2050 (est.) | NGAD (USA), GCAP (UK/IT/JPN), SCAF/FCAS (FR/ALL/ESP) | – Piloté ou non (drone en option) – Coordination d’essaims de drones – Intelligence artificielle embarquée – Guerre cognitive & cyber – Hyperconnectivité (cloud de combat) – Laser/railgun (optionnels) – Propulsion vectorielle et furtivité dynamique |
Image de mise en avant : Le quatrième prototype lors d’un essai environnemental grandeur nature de la cellule, en 2024.