À plus de 2 000 mètres sous la Méditerranée, Nexans tisse l’avenir électrique de l’Italie.
Entre la Sardaigne et la Sicile, les abysses se préparent à accueillir un nouveau géant invisible : un câble haute tension, made in France, posé à une profondeur jamais atteinte. C’est Nexans, leader mondial des câbles sous-marins, qui est à la manœuvre avec un câble posé à 2 150 mètres sous la mer.
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Tyrrhenian Link, ou comment raccorder les îles par le fond
Le projet s’appelle Tyrrhenian Link : un véritable corridor électrique d’envergure continentale, imaginé par Terna, le gestionnaire du réseau italien. L’idée est de connecter la Sardaigne, la Sicile et la Campanie par un réseau de câbles sous-marins haute tension, pour équilibrer la production et la consommation d’électricité entre les différentes régions du sud de l’Italie.
Dans cette première phase lancée en septembre 2025, Nexans va poser le tronçon ouest, entre le sud de la Sardaigne et Fiumetorto, sur la côte sicilienne. Un parcours sous-marin de plusieurs centaines de kilomètres, dont une partie plongera à plus de 2 150 mètres, battant au passage le record mondial de profondeur pour un câble HVDC (pour High Voltage Direct Current : câble électrique conçu pour transporter de l’électricité en courant continu haute tension).
Le câble qui reliera la lumière des uns aux besoins des autres
L’objectif est simple : faire circuler l’électricité entre les îles. Quand la Sardaigne produit trop de solaire ou d’éolien, elle envoie le surplus en Sicile. Quand la demande explose en Sicile, le continent peut prendre le relais. Tout cela, sans perte majeure, grâce au courant continu haute tension (HVDC), le nec plus ultra du transport électrique longue distance.
Ce câble est capable de transporter plusieurs centaines de mégawatts sur des centaines de kilomètres, sous la mer, sans bruit ni nuisance, sans émission. Il devient une colonne vertébrale souterraine, indispensable pour passer d’un réseau régional cloisonné à un réseau national fluide, intelligent, et surtout, résilient.
Sous l’eau, une pose au millimètre
Ce n’est pas parce qu’on ne voit rien que c’est facile. Bien au contraire. À 2 000 mètres de profondeur, la pression dépasse 200 fois celle de l’atmosphère, les courants sont instables, et la moindre erreur peut compromettre des mois de travail.
Pour affronter cet environnement, Nexans mobilise les meilleurs navires câbliers de la planète, comme le Nexans Aurora. Un monstre de technologie, long de 149 mètres, capable d’embarquer plus de 10 000 tonnes de câbles, et équipé de robots sous-marins, drones d’enfouissement, systèmes de positionnement dynamique… Tout est surveillé, mesuré, ajusté. Chaque mètre de câble est déroulé au rythme de la mer, sans jamais forcer.
Un record technique… et un symbole européen
Le Tyrrhenian Link, c’est 3,7 milliards d’euros d’investissements au total pour Terna. Au-delà de l’ingénierie, c’est un signal politique fort. Il montre qu’il est possible de relier les îles méditerranéennes au continent, d’équilibrer les réseaux en temps réel, et de donner une vraie place aux énergies renouvelables dans les territoires isolés.
En mai dernier, le tronçon est entre la Sicile et la Campanie avait déjà vu ses premiers câbles installés. La mécanique est lancée. D’ici la fin de la décennie, l’Italie aura mis en place un réseau sous-marin digne d’un État archipélagique, ultra-connecté, prêt pour les défis climatiques et énergétiques à venir.
Une démonstration de puissance française… sous la mer
Ce projet est aussi un coup de projecteur sur une spécialité que la France domine en silence : la pose de câbles sous-marins. Ce n’est pas un hasard si Nexans a été choisi. Avec 33 % de la flotte câblière mondiale, la France est la première puissance de ce secteur stratégique.
Que ce soit pour transporter de l’électricité ou des données, les navires français sont en première ligne, de l’Atlantique à l’Asie. Dans un monde où les câbles deviennent des artères vitales (parfois sabotées, souvent surveillées) cette maîtrise industrielle est un outil de souveraineté autant qu’un levier économique.
Electra : la réplique française au défi mondial
Dans cette course planétaire à l’interconnexion, la France muscle son jeu. Nexans prépare l’arrivée d’un autre géant : le Nexans Electra. Long de 155 mètres, doté de deux carrousels géants de 10 000 et 3 500 tonnes, d’une cuve dédiée à la fibre optique de 450 tonnes, et propulsé par un système hybride compatible biocarburants, ce navire est pensé pour brancher les continents.
Actuellement en fin d’aménagement en Norvège, Electra pourra enchaîner les missions longue distance, poser plusieurs types de câbles à la suite, et intervenir sur des projets complexes sans faire de va-et-vient inutile. Son autonomie et sa précision de pose seront des atouts clés dans la conquête des projets offshore à très grande échelle. Une démonstration, encore, que l’industrie française n’a pas dit son dernier mot.
Chiffres clés du projet Tyrrhenian Link – Nexans :
Élément | Détail |
Profondeur maximale atteinte | 2 150 mètres (record mondial) |
Type de câble | Haute tension en courant continu (HVDC) |
Tronçon en cours | Sud de la Sardaigne – Fiumetorto (Sicile) |
Longueur estimée | Environ 300 km sous-marin |
Livraison des premiers câbles | Mai 2025 (tronçon est) |
Montant total du projet | 3,7 milliards d’euros (investissements Terna) |
Acteur principal | Nexans (France) |
Navire utilisé | Nexans Aurora |
Objectif | Sécuriser, équilibrer et verdir le réseau électrique italien |
Source : Nexans