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Deuxième record mondial en un mois pour la Turquie avec son chasseur sans pilote Kizilelma

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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Un vol à deux qui dit beaucoup plus qu’il n’en a l’air. Le 28 décembre 2025, dans le ciel turc, deux silhouettes sombres avancent côte à côte. Elles ne sont …

Deuxième record mondial en un mois pour la Turquie avec son chasseur sans pilote Kizilelma

Un vol à deux qui dit beaucoup plus qu’il n’en a l’air.

Le 28 décembre 2025, dans le ciel turc, deux silhouettes sombres avancent côte à côte. Elles ne sont reliées par aucun câble. Aucun pilote ne corrige leur trajectoire. Aucun opérateur ne surveille un joystick dans un bunker climatisé. Ces deux avions de combat sans pilote volent seuls, en formation serrée, à vitesse élevée, en partageant leurs données comme deux pilotes chevronnés le feraient après des années d’entraînement.

C’est la première fois au monde que deux avions de combat à réaction effectuent un vol en formation rapprochée en totale autonomie.

Quelques semaines après avoir déjà marqué l’histoire de l’aviation, le Bayraktar KIZILELMA réitère et impose de plus en plus la Turqyie comme un acteur incontournable des avions de combat sans pilote du futur.

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Faire voler deux avions proches l’un de l’autre semble banal. Les meetings aériens en regorgent. La réalité est plus complexe. En formation serrée, chaque avion perturbe l’air de l’autre. Les turbulences se croisent. Les marges d’erreur disparaissent. À haute vitesse, une demi-seconde d’hésitation suffit à provoquer une collision.

Chez les drones, la difficulté est encore plus grande. Il ne s’agit pas seulement de tenir une position. Il faut anticiper. Corriger. Réagir à une rafale de vent, à une variation de poussée, à une micro-dérive de cap. Et tout cela sans intuition humaine.

Jusqu’ici, les essais existaient sur des drones lents ou fortement supervisés. Jamais sur des avions de combat à réaction, capables d’opérer en environnement contesté. C’est ce seuil que le Kizilelma vient de franchir.

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Kizilelma, un drone qui n’a rien d’un drone classique

Le Kizilelma n’est pas né pour surveiller un désert ou larguer une bombe guidée à distance. Dès sa présentation en 2022, le message était clair. Il s’agit d’un chasseur sans pilote, conçu pour pénétrer un espace aérien défendu.

Sa silhouette trahit ses intentions. Entrées d’air discrètes. Emport d’armement en soute. Commandes de vol pensées pour l’agilité. À bord, un moteur à réaction unique, capable d’emmener l’appareil à vitesse subsonique élevée, avec une masse maximale au décollage d’environ 6 000 kilogrammes.

Ce drone est aussi pensé pour la mer. Il peut décoller et apponter sur le TCG Anadolu, le navire amiral de la marine turque, sans catapulte. Une capacité rare, qui ouvre la voie à des opérations aéronavales sans pilotes exposés.

Un drone sur le pont d'envol du TCG Anadolu en 2023 alors en construction.
Un drone sur le pont d’envol du TCG Anadolu en 2023 alors en construction.

Deux avions, une seule intelligence collective

Le vol du 28 décembre repose sur un principe simple à énoncer, complexe à réaliser. Chaque avion pense pour lui-même, tout en pensant pour le groupe. Les capteurs mesurent la position relative. Les systèmes anticipent les trajectoires. Les données circulent en continu entre les deux plateformes.

Il ne s’agit pas d’un leader suivi par un esclave numérique. Les deux Kizilelma ajustent leur vol de manière coopérative. Si l’un corrige, l’autre comprend pourquoi. Si une variation apparaît, elle est intégrée instantanément.

Ce type de comportement ouvre la porte à des scénarios jusqu’ici théoriques :

  • attaques coordonnées sans ordre humain,
  • répartition dynamique des rôles,
  • protection mutuelle face à une menace aérienne,
  • saturation d’une défense adverse par manœuvre collective.

Dans ce modèle, le pilote humain ne disparaît pas. Il se recule. Il supervise. Il décide des règles. Les machines exécutent.

La vidéo de l’exploit :

Un pas d’avance sur les grandes puissances

Aux États-Unis, les programmes de drones de combat autonomes avancent. Skyborg. Collaborative Combat Aircraft. Les concepts sont solides. Les démonstrations publiques restent limitées. En Chine, les projets de type loyal wingman progressent dans le secret.

La Turquie, elle, montre. Elle filme. Elle annonce. Elle prend le risque d’exposer son avance.

Aucun autre pays n’a, à ce stade, rendu public un vol en formation rapprochée totalement autonome entre avions de combat sans pilote. Ce n’est pas un hasard. Ce type de démonstration engage la crédibilité technologique d’un État.

Ce que cela change pour la guerre aérienne

La formation autonome prépare un basculement profond dans les doctrines militaires aériennes. Dans un ciel saturé de radars, de missiles sol-air et de chasseurs ennemis, envoyer des pilotes humains devient de plus en plus coûteux, humainement et politiquement.

Avec des avions comme le Kizilelma, le risque change de camp. On peut envoyer plusieurs appareils. Tester une défense. Forcer une réaction. Sans exposer un équipage.

À terme, ces drones pourront accompagner des chasseurs pilotés, voler devant eux, ouvrir la voie, absorber la première salve. Ils pourront aussi opérer seuls, en groupes coordonnés, avec une endurance et une tolérance au danger qu’aucun humain n’acceptera jamais.

Une stratégie industrielle assumée

Ce succès s’inscrit dans une trajectoire claire pour son concepteur Baykar, qui investit depuis des années dans l’autonomie, les logiciels embarqués, la fusion de capteurs. La Turquie, de son côté, pousse une politique de souveraineté technologique assumée.

Résultat : le pays ne se contente plus d’acheter ou d’adapter, il conçoit, teste, produit e est même devenu un des plus grands exportateurs de drones militaires de la planète.

Le Kizilelma pourrait ainsi devenir, dès 2026, l’un des premiers avions de combat sans pilote proposés à l’export avec un niveau d’autonomie opérationnelle avancé.

 

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