Liban : dans l’ombre des cèdres, le bataillon français qui veille jour et nuit.
Au Sud-Liban, les collines paraissent calmes. Les vergers d’orangers côtoient les oliviers, et la vie suit un rythme presque tranquille. Pourtant, derrière cette façade paisible, des centaines de militaires français avancent sur des pistes poussiéreuses, guettant le moindre signe d’instabilité. Leur mission n’a rien de symbolique. Depuis 1978, la France tient un rôle clé dans la Force intérimaire des Nations unies au Liban. On l’appelle ici Opération Daman. Près de 700 soldats, équipés pour intervenir en quelques minutes, prêts à soutenir n’importe quel contingent de la FINUL.
À Deyr Kifa, leur base sent le métal chaud des blindés au soleil et la tension des briefings matinaux. L’histoire, elle, ne se joue pas dans les salles de presse, mais sur le terrain, à quelques kilomètres d’une ligne de démarcation fragile.
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Un mandat commencé en 1978 malheureusement toujours d’actualité au Liban
Quand la FINUL est créée en 1978, la mission est simple : constater le retrait des forces israéliennes, restaurer la paix, soutenir le gouvernement libanais dans la reprise de contrôle du Sud. Le conflit de 2006 change tout. Les objectifs s’étendent : surveiller l’espace aérien, appuyer les Forces armées libanaises (FAL), escorter des convois, s’interposer si nécessaire. Depuis, le mandat est prolongé chaque année. En 2022, il couvrait toujours 10 500 casques bleus venus de 48 pays.
Dans cette mosaïque de nations, le contingent français joue un rôle particulier : celui de Force Commander Reserve (FCR), un outil militaire pensé pour réagir vite et fort. Quand un incident éclate, ce sont souvent leurs moteurs qu’on entend en premier.
Un contingent façonné pour intervenir
La structure française au Liban se répartit en trois pôles :
- Des officiers intégrés à l’état-major de la FINUL à Naqoura.
- La FCR, cœur opérationnel du dispositif.
- La Liaison Branch, qui sillonne chaque jour la “Blue Line”, cette frontière non officielle qui sépare le Liban et Israël.
Le général de brigade Bruno Helluy, chef d’état-major de la FINUL, incarne cette présence française. Sous ses ordres, une quinzaine de militaires au sein de l’état-major, deux postes dans la Liaison Branch, et des dizaines de patrouilles conjointes avec les FAL. Ici, la routine n’existe pas : chaque journée peut virer à l’urgence.
La FCR, marteau et bouclier
C’est le bras armé de la FINUL. Binationale, avec des troupes finlandaises, elle mêle reconnaissance, infanterie, surveillance aérienne et appuis spécialisés. Dans son inventaire : véhicules blindés légers (VBL), véhicules de l’avant blindés (VAB), transports SISU finlandais, radars Martha et Cobra, missiles sol-air Mistral.
Son organisation est pensée pour couvrir tout le spectre :
- Un état-major tactique franco-finlandais.
- Une compagnie d’infanterie finlandaise motorisée.
- Un escadron français de reconnaissance et d’intervention.
- Une batterie d’artillerie dédiée à la surveillance et à la défense aérienne.
- Une compagnie de commandement et d’appui, avec sapeurs du génie, démineurs, cynotechniciens et même un détachement de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris.
Le soutien logistique est assuré par un Élément de soutien national capable de tout mettre en œuvre, du transport stratégique aux communications. Positionnée à Deyr Kifa, la FCR mène des opérations de reconnaissance quotidiennes, en véhicule ou à pied, souvent conjointement avec les FAL. En 2022, près de 1 400 patrouilles mixtes ont été réalisées.
L’opération en chiffres
| Composante | France | Finlande |
|---|---|---|
| Effectifs | ~700 militaires | ~150 militaires |
| Véhicules blindés | 33 VBL, 28 VAB | 18 SISU XA-180, 15 Mercedes MB G300 |
| Radars | 3 (Cobra, Martha) | – |
| Missiles sol-air | 3 systèmes SATCP Mistral | – |
| Autres moyens | Section génie, EOD, cynotechnique, BSPP | Infanterie motorisée |
Ces chiffres traduisent une réalité : la FCR n’est pas un simple détachement, mais une force d’intervention complète, capable d’agir sur plusieurs fronts en même temps.
Un travail quotidien avec les FAL
Les patrouilles conjointes ont un double objectif : assurer une présence visible et créer du lien avec la population. Les soldats circulent sur des routes bordées de maisons aux murs criblés d’éclats anciens, parfois à pied, parfois en colonne de véhicules. Leur présence, régulière mais imprévisible, vise à dissuader toute violation du cessez-le-feu.
À côté de cela, des entraînements conjoints renforcent l’interopérabilité. En 2022, environ 40 exercices techniques et tactiques ont été menés avec les FAL, allant de la gestion d’incidents frontaliers à des manœuvres complexes de coordination. Objectif : permettre aux forces libanaises de monter en puissance et de tenir la sécurité dans la région sur le long terme.
Une mission discrète mais indispensable
On pourrait croire qu’il s’agit d’une présence routinière, presque figée dans le temps. Ce serait une erreur. La zone est instable, la marge d’erreur quasi nulle. Les soldats français, tout comme leurs partenaires, savent que chaque jour passé sans incident majeur est une victoire silencieuse. Les blindés repartent alors vers la base, moteurs encore chauds, pendant que dans les villages, la vie reprend son cours.
L’Opération Daman reste ainsi un maillon discret de la diplomatie française au Proche-Orient, mais un maillon qui pèse lourd. Car au Sud-Liban, la paix se gagne rarement en grandes batailles. Elle se maintient, patrouille après patrouille, dans l’ombre des collines.
Image : La Force Commander Reserve (FCR) renforce l’interopérabilité entre contingents de la FINUL – © armée de Terre
Source : Armée de Terre
