L’ASMPA-R comme une flèche invisible tirée depuis le ciel.
Le 13 novembre 2025, dans un ciel français étroitement surveillé, un missile d’un genre très particulier a été tiré par les équipes de la DGA pour prouver qu’en cas de nécessité absolue, il frapperait juste… et vite.
Ce missile, c’est l’ASMPA-R, l’arme nucléaire aéroportée de la France sur Rafale marine, dans sa version rénovée. Un missile qui fait de la France l’une des rares puissances à avoir au moins 2 des 3 types de ripostes nucléaires (navale, terrestre et aéroportée) à disposition dans le monde et la seule en Europe de l’Ouest depuis que le Royaume-Uni a abandonné sa riposte aérienne.
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La DGA confirme les capacités de l’ASMPA-R lors d’un nouveau test en conditions réelles
L’ASMPA-R, pour Air-Sol Moyenne Portée Amélioré Rénové. Le 13 novembre la manœuvre s’est déroulée dans le cadre de l’opération Diomede, un exercice militaire simulant une mission de frappe stratégique contre un adversaire hypothétique.
Le missile a été largué depuis un Rafale Marine, fleuron de l’aéronavale française. L’appareil a mené un vol complexe, conçu pour ressembler à un véritable raid nucléaire : trajectoire de pénétration, altitude variable, vitesse élevée, manœuvres d’évitement. Objectif : tester la capacité du missile à se comporter comme en situation réelle, sans franchir la ligne rouge.
Récapitulatif technique
| Nom complet | ASMPA-R (Air-Sol Moyenne Portée Amélioré – Rénové) |
|---|---|
| Type | Missile air-sol à capacité nucléaire |
| Portée estimée | 500 à 600 km |
| Vitesse | Supersonique (Mach 2–3) |
| Porteurs | Rafale Air et Rafale Marine |
| Entrée en service initiale | 2009 (ASMPA), rénovation en cours depuis 2023 |
| Objectif de remplacement | Transition vers ASN4G vers 2035 |
Le théâtre d’opération : un triangle entre Landes, Gironde et Finistère
Le vol a été suivi à la trace par la Direction générale de l’armement (DGA) à travers ses centres spécialisés :
- Biscarrosse, dans les Landes, où se trouve le principal site de tests de missiles français.
- Hourtin, en Gironde, qui participe à la surveillance radar et optique des tirs.
- Quimper, en Bretagne, qui complète la chaîne de suivi en offrant un maillage cohérent sur le plan géographique.
C’est un véritable filet invisible qui se tend à chaque tir, garantissant la sécurité du public, la précision des mesures et la traçabilité des performances du missile.
Un missile modernisé, un message envoyé
Pourquoi tirer un missile sans tête nucléaire ? Pour une raison simple : la dissuasion ne repose pas uniquement sur les armes elles-mêmes, mais sur la certitude de leur efficacité. En révisant l’ASMPA-R, la France ne change pas son arsenal en profondeur : elle lui donne un second souffle face à l’évolution rapide des technologies de défense.
Depuis sa première version, entrée en service en 2009, les radars se sont améliorés, les boucliers antimissiles se sont multipliés, et la furtivité n’est plus une garantie d’invisibilité. Il fallait donc que le missile évolue.
Grâce à cette rénovation, la portée a été augmentée, la capacité de pénétration renforcée, la navigation optimisée. Les détails sont secrets, évidemment. Mais ce que l’on sait, c’est que l’ASMPA-R pourra rester crédible jusqu’à l’entrée en service du missile ASN4G (Air-Sol Nucléaire de 4e Génération), prévu pour 2035.
Une pièce maîtresse de la force aéronavale nucléaire
Cet exercice a été réalisé dans le cadre de La LPM 2024–2030. La Loi de Programmation Militaire qui encadre les budgets de la défense française pour six ans. L’un des objectifs de cette loi est ainsi de maintenir la crédibilité de la dissuasion nucléaire dans un monde redevenu incertain.
Le missile ASMPA-R fait partie de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française. Cette composante repose sur deux piliers :
- Les Rafale Air de l’armée de l’air, qui peuvent décoller de n’importe quelle base aérienne.
- Les Rafale Marine, qui opèrent depuis le porte-avions Charles de Gaulle.
Les deux sont capables d’embarquer le missile et de frapper à plusieurs centaines de kilomètres, à très grande vitesse, tout en restant suffisamment discrets pour échapper aux défenses ennemies.
C’est cette flexibilité qui rend la dissuasion aérienne si précieuse : une frappe peut être déclenchée rapidement, depuis différents vecteurs, avec un message clair envoyé à l’adversaire.
Le successeur attend son heure : ASN4G, le missile du futur
Dans les cartons du ministère des Armées, le projet ASN4G avance. Il s’agira du missile air-sol nucléaire de quatrième génération, censé remplacer l’ASMPA-R à l’horizon 2035.
On sait peu de choses sur lui, sinon qu’il utilisera probablement une propulsion à statoréacteur, ce qui permettrait d’atteindre des vitesses supersoniques soutenues tout en restant plus difficile à intercepter. On parle aussi de portées allongées, et de capacités renforcées à franchir des défenses antimissiles modernes.
En attendant, l’ASMPA-R reste la carte maîtresse, et ce tir du 13 novembre vient d’en confirmer la valeur.
Panorama des composantes nucléaires par pays dans le monde en 2025
| Pays | Composante terrestre | Composante navale | Composante aéroportée |
|---|---|---|---|
| États-Unis | – Missiles ICBM Minuteman III (silos)
– Missiles balistiques mobiles en projet – Missile Sentinel (remplaçant du Minuteman, dès 2030) |
– 14 sous-marins classe Ohio (Trident II D5) – Remplacement par classe Columbia en cours |
– B-52H, B-2A, bientôt B-21 Raider
– Missiles AGM-86 ALCM – Bombes B61-12 – Déploiement OTAN en Europe (partage nucléaire) |
| Russie | – Missiles ICBM SS-18, SS-27 (Topol-M), RS-24 Yars – Missiles mobiles & en silo – ICBM Sarmat en cours de déploiement – Missiles hypersoniques Avangard |
– 11 SNLE classe Delta IV et Borei
– Missiles R-29RMU et RSM-56 Bulava |
– Bombardiers Tu-95MS, Tu-22M3, Tu-160
– Missiles Kh-55, Kh-102 – Déploiement d’armes tactiques en Biélorussie |
| France | Pas de composante terrestre depuis 1996 | – 4 SNLE Le Triomphant
– Missiles M51.2 (et M51.3 en développement) |
– Rafale Air & Rafale Marine
– Missiles ASMPA-R – Futur ASN4G (vers 2035) |
| Chine | – Missiles DF-5, DF-31, DF-41 (ICBM)
– Missiles à moyenne portée DF-21, DF-26 – Déploiement croissant de silos dans le désert |
– 6 SNLE Type 094
– Missiles JL-2 – Type 096 + missiles JL-3 en développement |
– Bombardiers H-6K, H-6N
– H-20 furtif en développement – Missiles aéroportés à capacité nucléaire (DF-100 ?) |
| Royaume-Uni | Composante terrestre abandonnée dans les années 1990 | – 4 SNLE classe Vanguard
– Missiles Trident II D5 (fournis par les USA) – Classe Dreadnought en remplacement (2030+) |
Composante aéroportée abandonnée |
| Inde | – Missiles Agni I à V (portées croissantes)
– Déploiement sur camions/plateformes mobiles |
– 1 SNLE opérationnel : INS Arihant
– 2e SNLE : INS Arighat en essais – Missiles K-15 et K-4 en développement |
– Mirage 2000H, Su-30MKI modifiés pour l’emport nucléaire
– Déploiement supposé de bombes gravitationnelles |
| Pakistan | – Missiles Hatf, Shaheen, Ghauri
– Plateformes mobiles & souterraines |
Pas de composante navale actuellement connue | – F-16, Mirage III & V, JF-17 modifiés
– Missile air-sol Ra’ad |
| Corée du Nord | – Missiles Nodong, Hwasong-12, Hwasong-15/17 (ICBM)
– Portées estimées jusqu’aux États-Unis |
– Sous-marins à propulsion classique
– Tests de missiles balistiques SLBM (Pukguksong) |
– Déploiement supposé sur avions tactiques
– Peu d’éléments vérifiés |
| Israël | – Missile balistique Jericho III (portée ~5000 km)
– Déploiement supposé en silo et mobile |
– Sous-marins Dolphin II (propulsion diesel-électrique)
– Emport présumé de missiles nucléaires de croisière |
– Avions F-15, F-16 modifiés
– Emport probable de bombes ou missiles nucléaires |
| Iran | Programme nucléaire en développement, non nucléaire actuellement selon l’AIEA
Composantes potentielles à surveiller si franchissement du seuil |
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Source : DGA
Image : Tir d’un missile Meteor lors d’un exercice.