Helsing, la start-up de défense la plus valorisée d’Europe, vient de lever le voile sur son premier drone de combat autonome baptisé Europa. Une machine européenne conçue pour voler en essaim, appuyer un chasseur piloté ou frapper seule.
L’Allemagne ne veut plus rester spectatrice dans la révolution des drones. À la surprise générale, Helsing, une jeune entreprise fondée il y a à peine quatre ans, vient de dévoiler un engin inédit : le CA‑1 Europa. Ce drone de combat autonome à queue en V a été pensé pour évoluer avec ou sans pilote humain, avec une première mise en service prévue avant 2030. Avec ce projet, l’Europe tente de rattraper son retard sur les États-Unis et la Chine dans un domaine devenu central : la guerre aérienne distribuée. Et cette fois, elle semble déterminée à avancer vite.
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Une ambition industrielle sortie de nulle part
En l’espace de trois ans, Helsing est passée d’un simple éditeur de logiciels de défense à une usine à drones de guerre. Créée en 2021, l’entreprise est désormais valorisée à 12 milliards d’euros, soutenue par des investisseurs comme Saabou Daniel Ek, le PDG de Spotify. Ce tournant vers le matériel lourd est survenu après l’invasion russe de l’Ukraine. Depuis, Helsing a non seulement conçu des algorithmes d’IA militaire, mais aussi fabriqué ses propres drones de frappe comme le HX‑2. Et avec Europa, elle s’attaque désormais au segment stratégique des drones de combat collaboratifs, jusqu’ici monopolisé par les États-Unis.
Une machine conçue pour voler en escadrille
Le CA‑1 Europa n’est pas un drone d’observation. C’est un appareil de combat autonome, conçu pour opérer seul, en groupe ou en appui d’un chasseur piloté. Son architecture logicielle repose sur une IA embarquée, capable de prendre des décisions tactiques sans instruction humaine directe. Ce concept, qu’on appelle “wingman” dans le jargon militaire, permet de multiplier les vecteurs d’action : un drone brouille les radars, un autre désigne la cible, un troisième tire. Le tout est coordonné via un réseau chiffré, sans exposition directe du pilote.
Une mise en service visée avant la fin de la décennie
Helsing a présenté un modèle taille réelle de son drone dans une usine de l’avionneur Grob, qu’elle a racheté en juin. Ce constructeur allemand est connu pour ses avions légers d’entraînement, utilisés par 14 armées dans le monde. C’est depuis cette base industrielle que le projet Europa est en train de prendre forme. L’objectif est clair : un premier vol d’essai en 2027, pour une disponibilité militaire d’ici 2029. Helsing n’a pas encore dévoilé le coût unitaire de l’appareil, mais promet un tarif largement inférieur à celui d’un chasseur piloté, soit quelques dizaines de millions d’euros.
Tableau prévisionnel du programme Europa
Étape | Date cible |
Maquette taille réelle présentée | 2025 |
Premier vol | 2027 |
Tests opérationnels avancés | 2028 |
Mise à disposition militaire | 2029 |
Une réponse directe à l’offensive technologique américaine
Si ce drone attire l’attention, c’est parce qu’il répond directement aux initiatives américaines. L’US Air Force a déjà sélectionné General Atomics et Anduril pour concevoir ses futurs drones de combat collaboratifs. L’Europe, jusqu’ici absente du débat, cherche désormais à reprendre la main. Airbus a bien présenté une ébauche de drone accompagnateur pour le Typhoon, mais Helsing frappe plus fort avec un prototype concret, une usine, et des moyens financiers engagés. C’est un message fort aux industriels classiques, qui peinent à s’adapter à la vitesse exigée par les conflits modernes.
Une technologie encore à prouver
Mais tout n’est pas gagné. De nombreux observateurs restent sceptiques sur la capacité d’une start-up à industrialiser un drone de combat. Les défis techniques sont énormes : aérodynamique, matériaux, tolérance aux pannes, cybersécurité embarquée… Et Helsing, malgré sa valorisation, n’a encore jamais livré un engin de cette taille. Pour combler ce vide, la société s’appuie sur l’expérience de Grob, dont les avions à hélices font déjà partie de plusieurs flottes. Reste à savoir si l’intégration logicielle — cœur du projet — sera à la hauteur des exigences OTAN et des conditions de guerre réelle.
Un portefeuille de commandes qui reste flou
Helsing affirme avoir livré 2 000 drones HF‑1 à l’Ukraine, sur une commande initiale de 4 000. Mais ces modèles restent basés sur du matériel local, et leur rôle en opération reste difficile à documenter. L’entreprise dit aussi produire en interne 6 000 drones HX‑2, mais ne donne aucune date de livraison ferme. Ce flou alimente les doutes sur la capacité réelle de production. Pour le moment, le drone Europa n’a pas encore trouvé de client officiel. Mais selon plusieurs sources, des discussions sont en cours avec au moins deux pays européens pour une future acquisition anticipée.
Un pari à haut risque… mais nécessaire
En lançant le projet Europa, Helsing prend un risque industriel majeur. Mais l’entreprise mise sur un fait simple : les armées européennes ne peuvent plus attendre que les consortiums traditionnels se décident. La guerre autonome est déjà là, et chaque mois de retard est une opportunité perdue. Si le pari réussit, Helsing pourrait devenir l’équivalent européen de General Atomics. Si elle échoue, elle rejoindra la longue liste des start-ups qui ont visé trop haut. Mais en dévoilant une maquette concrète, un calendrier ambitieux et un plan de production, Helsing vient de bousculer l’ordre établi.
Source : Reuters