La nouvelle frégate sud-coréenne est-elle une menace pour la FDI française ?
Le 25 novembre 2025, dans les chantiers de SK Oceanplant à Goseong, la marine sud‑coréenne a mis à l’eau la frégate ROKS Jeonnam (FFG‑831), troisième unité du programme de frégates modernes FFX Batch‑III.
Ce lancement marque une étape importante dans le renouvellement d’une flotte vieillissante, en vue de remplacer des frégates et corvettes héritées des classes Ulsan et Pohang, désormais jugées dépassées.
La Jeonnam, comme ses sœurs, incarne la volonté de Séoul de moderniser ses moyens navals, de maîtriser la construction locale, et d’équiper la marine d’un outil polyvalent capable de relever les défis actuels : défense maritime, lutte anti‑sous‑marine, protection des approches côtières, projection de force régionale.
Lire aussi :
- La première FDI de la Marine nationale quitte le port de Lorient après 8 ans de développement
- La France va permettre à ce pays de rivaliser avec son pire ennemi la Turquie grâce à ce bijou high-tech à 800 millions d’euros : la FDI
La Jeonnam sud-coréenne, une frégate polyvalente, pensée pour tous les scénarios
La Chungnam‑class est un véritable couteau suisse des mers.
- Longue de 129 mètres, large de 14,8 mètres, elle déplace environ 3 600 tonnes à vide et jusqu’à 4 300 tonnes pleine charge.
- Son équipage se monte à environ 120 à 125 marins, un effectif réduit par rapport aux anciennes frégates, signe d’un haut degré d’automatisation et d’intégration des systèmes.
Côté propulsion, la Jeonnam adopte une configuration CODLOG (diesel‑électrique ou gaz) : deux turbines à gaz Rolls-Royce MT30 pour la vitesse, quatre générateurs diesel MTU 12V4000 M43B pour la navigation économique, et deux moteurs électriques entraînant les hélices. Ce schéma permet d’allier vitesse (30 nœuds soit 55,56 km/h) maximum et discrétion acoustique en mode diesel‑électrique, un atout majeur pour la lutte anti‑sous‑marine.
Sa portée (aux alentours de 4 500 milles nautiques, soit 8334 km) le rend apte à des patrouilles lointaines, escorte ou présence stratégique dans les eaux régionales.
Un armement, des capteurs modernes et un pas vers l’autonomie
La force de la Chungnam‑class réside surtout dans son intégration de systèmes domestiques avancés.
À bord de la Jeonnam :
- un système de lancement vertical Korean Vertical Launching System (KVLS) de 16 cellules, capable de lancer des missiles surface‑air (K‑SAAM), des missiles antinavires ou de frappe terrestre, ainsi que des roquettes anti‑sous‑marines (Red Shark / Haeryong).
- un canon naval de 127 mm (Mk 45 Mod 4) pour appui-feu, lutte de surface et défense en dernier recours.
- un système CIWS de type « CIWS‑II » pour la défense rapprochée contre menaces aériennes ou missiles.
- pour la lutte sous‑maritime : torpilles, sonar coque + sonar remorqué, ce qui lui confère une capacité relevée contre les menaces sous‑marines.
- un mât de capteurs intégré (Integrated Sensor Mast, ISM) abritant un radar multifonction à antenne à commande de phase (AESA), radars de navigation, systèmes électro‑optiques, infrarouge, et équipements de guerre électronique, offrant détection, suivi et engagement de menaces aériennes, de surface ou sous‑marines avec efficacité.
Dans les faits, la Jeonnam et sa classe prêtent les traits d’une frégate multifonction moderne — capable d’intervenir en défense aérienne, guerre antinavire, anti‑sous‑marine, lutte de surface et projection ponctuelle.
Une ambition stratégique : rajeunir la flotte, sécuriser les mers, asseoir l’industrie navale nationale
La mise à l’eau de la Jeonnam s’inscrit dans une stratégie plus large. Avec six frégates prévues dans le cadre du lot III (batch‑III) du programme FFX, la marine sud‑coréenne veut se donner un outil homogène, moderne, adapté aux défis contemporains : rivalité régionale, sécurité des lignes maritimes, dissuasion.
Le fait de concevoir, construire et armer ces bâtiments entièrement en Corée du Sud, avec des systèmes locaux, renforce l’autonomie industrielle du pays. C’est un signe fort : la Corée ne se contente plus d’acheter, elle crée.
Les retombées industrielles, technologiques et économiques sont non négligeables, tant pour la défense que pour l’export potentiel. Lors de la cérémonie, des responsables l’ont dit : ce type de navire booste la compétitivité à l’international et entretient les compétences nationales.
Où se situe la Jeonnam face aux frégates FDI et à ses concurrentes régionales ?
Là où la FDI mise sur une intégration lourde de systèmes de défense aérienne à longue portée, avec le missile Aster 30 et le radar Sea Fire à 4 faces, la Jeonnam s’en tient à une défense locale et régionale, plus adaptée à des environnements littoraux ou à des engagements asymétriques.
En clair : la FDI à l’instar de la Type 054B chinoise ou la Constellation américaine jouent dans une catégorie supérieure vise la haute intensité sur zone étendue, avec un coût plus élevé et des capacités de dissuasion air-air plus marquées. La Jeonnam, elle, privilégie un format compact, l’autonomie nationale en composants, et une très bonne défense intégrée multi-missions pour un théâtre régional.
Elle n’est donc pas encore « niveau » de la star française et est plus à comparer aux frégates italiennes PPA Light+, aux frégates japonaises Mogami-class, ou encore aux frégates turques Istanbul-class : des plateformes flexibles, à fort contenu local, capables de s’intégrer dans des flottes multi-usage.
Les ventes de la FDI : un succès qui dépasse les frontières françaises
La FDI, véritable vitrine du savoir-faire naval français, poursuit son irrésistible ascension sur le marché international. Après la commande française de cinq unités, c’est la Grèce qui a ouvert la voie à l’export avec trois frégates FDI HN, dont deux déjà en construction à Lorient. D’autres pays suivent de près : la Roumanie, engagée dans une compétition où Naval Group figure parmi les favoris, l’Indonésie qui évalue la FDI face à des offres asiatiques, mais aussi des marines du Moyen-Orient et d’Asie du Sud-Est, attirées par la combinaison unique du radar Sea Fire, de l’Aster 30 et de l’architecture numérique tout-IP. Ce portefeuille d’opportunités place la frégate française dans une position enviée : celle d’un produit déjà vendu, déjà livré, déjà utilisé, capable de séduire des marines cherchant un navire de haute intensité mais encore abordable par rapport aux grands destroyers occidentaux. Autrement dit : la FDI n’est plus seulement une « star » technologique, c’est désormais une valeur sûre du marché mondial des frégates.
Jeonnam (Chungnam-class) vs FDI HN et concurrents directs :
| Frégate | Pays | Déplacement (pleine charge) | Radar principal | Défense aérienne | Propulsion | Autonomie / Portée | Hélicoptère |
|---|---|---|---|---|---|---|---|
| ROKS Jeonnam (Chungnam-class) | Corée du Sud | ≈ 4 300 t | AESA fixe (4 faces), Integrated Mast | K-SAAM (courte/moyenne portée), CIWS-II | CODLOG (MT30 + diesel-électrique) | ≈ 4 500 nm | AW159 |
| FDI HN | Grèce / France | ≈ 4 500 t | Sea Fire (AESA 4 faces) | Aster 15/30 (longue portée) | CODAD | ≈ 5 000 nm | NH90 |
| Mogami-class | Japon | ≈ 5 500 t | OPY-2 AESA | ESSM Block 2 via Mk41 | CODAG | ≈ 4 500 nm | SH-60K |
| PPA Light+ | Italie | ≈ 5 800 t | Kronos Grand Naval AESA | Aster 30 (longue portée) | CODAG | ≈ 5 000 nm | NH90 / AW101 |
| Istanbul-class | Turquie | ≈ 3 000 t | CAF (AESA turc) | Hisar-D RF (futur), RAM | CODAG | ≈ 3 500 nm | S-70 Seahawk |
| Constellation-class (FFG-62) | États-Unis | ≈ 7 300 t | SPS-80 Enterprise (AESA) | ESSM + SM-2 (via Mk41), RAM | CODLAG (turbine + diesel-élec) | ≈ 6 000 nm | MH-60R + drone MQ-8C |
| Type 054A | Chine | ≈ 4 200 t | Type 382 + radars multifonctions | HQ-16 (≈ 40–50 km), CIWS + missiles ASuW | CODAD | ≈ 4 000 nm | Z-9 |
| Type 054B | Chine | ≈ 6 000 t | Nouveau radar AESA à faces fixes | HQ-16B (portée accrue), CIWS + systèmes modernisés | Probable CODAG (info en consolidation) | ≈ 5 000–6 000 nm (selon sources chinoises) | Z-20F (prévu) |
Source : https://www.korea.kr/briefing/pressReleaseView.do?newsId=156731290&pWise=sub&pWiseSub=C4