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Ce pays veut concurrencer la France en tant que première puissance navale de Méditerranée et rêve d’un porte-avions géant comme le Charles de Gaulle

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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L’Espagne rêve de son Charles de Gaulle : enquête sur une ambition qui pourrait tout changer. Un projet longtemps jugé irréalisable refait surface au sein du ministère de la Défense …

Ce pays veut concurrencer la France sur son terrain et rêve d'un porte-avions géant comme le Charles de Gaulle

L’Espagne rêve de son Charles de Gaulle : enquête sur une ambition qui pourrait tout changer.

Un projet longtemps jugé irréalisable refait surface au sein du ministère de la Défense espagnol. Madrid veut SON porte-avions. Un vrai, pas un bâtiment hybride ou un simple porte-aéronefs. La marine espagnole veut s’inspirer du modèle du genre en Europe : le Charles de Gaulle français, avec ses avions qui décollent sur piste, des catapultes, un équipage taillé pour l’océan Indien… Et une ambition qui dépasse largement le cadre militaire.

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Pendant des décennies, la marine espagnole s’est contentée de ce qu’elle pouvait s’offrir. Le Príncipe de Asturias, tout d’abord, un porte-aéronefs honorable, mais vite dépassé. Puis le Juan Carlos I, navire amiral polyvalent, capable d’embarquer des F-35B… à condition qu’ils décollent à la verticale. Pratique, mais limité. Le problème, c’est que très peu d’avions modernes savent décoller de cette manière. Encore moins avec des réservoirs pleins ou des missiles sous les ailes.

Aujourd’hui, un pas de plus est envisagé. Le ministère de la Défense espagnol a confié à Navantia une étude de faisabilité.

Objectif : déterminer si l’Espagne a les moyens, financiers, industriels, politiques, de construire son premier véritable porte-avions conventionnel.

Le modèle ? Le plus évident, le plus proche, le plus éprouvé : le Charles de Gaulle.

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Le monstre d’acier français en ligne de mire

Difficile de ne pas le prendre comme référence. Le Charles de Gaulle, c’est un monstre marin de 261 mètres de long, 64 mètres de large, 42 000 tonnes à pleine charge, et un pont d’envol capable d’absorber les chocs les plus brutaux. Depuis son lancement en 2001, il a été de toutes les opérations extérieures françaises : Afghanistan, Libye, Syrie, golfe d’Aden…

C’est aussi le seul porte-avions à propulsion nucléaire jamais conçu hors des États-Unis. Une singularité européenne qui lui offre une autonomie rare : cinq ans sans faire le plein, une capacité qui change la donne lorsqu’il s’agit de projeter la puissance militaire loin de chez soi.

Ce n’est pas qu’un « simple » navire de guerre. C’est un instrument diplomatique, une carte politique, une preuve vivante de souveraineté. À lui seul, il incarne la stratégie de présence permanente de la France sur toutes les mers du globe.

À quoi ressemblerait le porte-avions espagnol ?

L’idée n’est pas de copier intégralement le modèle français. D’abord, parce que l’Espagne ne souhaite pas, pour le moment, s’engager dans la propulsion nucléaire : trop complexe, trop cher, trop polémique.

Mais le reste des spécifications pourrait s’en rapprocher : une piste droite, longue de plus de 250 mètres, des catapultes vapeur ou électromagnétiques, une capacité d’embarquement de 30 à 40 appareils. Rafale M ? F-35C ? Le choix des avions viendra plus tard.

Une ambition stratégique ou une chimère budgétaire ?

Personne, à Madrid, ne s’attend à voir le futur porte-avions à flot avant la décennie 2030. Encore moins en service opérationnel avant 2040. L’étude en cours doit répondre à des questions simples mais décisives : peut-on le construire localement ? À quel coût ? Et avec quels moyens humains ?

L’Espagne devra mobiliser des milliers d’ingénieurs, soudeurs, électroniciens, et développer une logistique navale lourde capable de suivre le rythme. On parle de plusieurs milliards d’euros. À titre de comparaison, le futur porte-avions français de nouvelle génération (PANG) est estimé à plus de 10 milliards d’euros, incluant recherche, construction et essais.

Voici un comparatif utile pour situer le projet espagnol dans le paysage naval européen :

Pays Navire Type Longueur Aéronefs Propulsion
France Charles de Gaulle Porte-avions 261 m 40 Nucléaire
Espagne Juan Carlos I Porte-aéronefs 230 m 20 Diesel-gaz
Italie Cavour Porte-aéronefs 244 m 20 Turbines
Royaume-Uni HMS Queen Elizabeth Porte-aéronefs 280 m 40 Gaz

Ce que l’Europe regarde aussi, en silence

La question dépasse la seule marine espagnole. À l’heure où l’Union européenne cherche à muscler sa souveraineté stratégique, où les États-Unis se tournent de plus en plus vers le Pacifique, chaque avancée autonome d’un État membre compte double.

Un porte-avions de plus en Méditerranée, européen qui plus est, change l’équation navale. C’est un outil de dissuasion, un levier de négociation, un drapeau qu’on hisse au large de Beyrouth ou de Tripoli quand la diplomatie à terre piétine.

Et dans les couloirs de Bruxelles, même si personne ne l’admet officiellement, l’idée d’une « flotte européenne » coordonnée commence à faire son chemin.

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Une course contre le temps, et contre les doutes

Pendant ce temps, la France, elle, prépare déjà le successeur du Charles de Gaulle. Le PANG, pour porte-avions de nouvelle génération, devrait voir le jour à l’horizon 2038, avec des catapultes électromagnétiques, un système de combat avancé et un pont encore plus vaste.

Si l’Espagne veut rattraper son retard, elle doit aller vite. Très vite. Et convaincre ses alliés, son industrie, son opinion publique, que ce projet n’est pas une folie de technocrates ou un caprice d’amiraux.

Il faudra des compromis, des choix politiques clairs, une volonté assumée de jouer dans la cour des grands. Surtout, il faudra ne pas reculer quand le devis dépassera le milliard d’euros et que les premières critiques tomberont.

Parce qu’au fond, ce que vise Madrid, c’est plus qu’un navire. C’est une place à la table des puissances maritimes. Une place que l’Espagne n’a plus eu depuis des siècles…

Source : https://www.elindependiente.com/economia/2025/06/30/charles-gaulle-buque-insignia-francia-primer-portaaviones-espanol

Image : Le porte-avions Charles de Gaulle en entretien dans l’arsenal de Toulon, entouré d’un barrage de protection en 2009.

À propos de l'auteur, Guillaume Aigron