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Ce char français devait dominer les champs de bataille mondiaux mais s’est transformé en fiasco total que l’industrie militaire tricolore préfère oublier

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Said LARIBI

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Vitrine technologique pour l’export, il était censé séduire des dizaines d’armées étrangères. Pourtant, l’AMX-40 est resté à l’état de prototype, balayé par la concurrence et enterré sans fanfare. Fruit d’un …

Ce char français devait dominer les champs de bataille mondiaux mais s’est transformé en fiasco total que l'industrie militaire tricolore préfère oublier

Vitrine technologique pour l’export, il était censé séduire des dizaines d’armées étrangères. Pourtant, l’AMX-40 est resté à l’état de prototype, balayé par la concurrence et enterré sans fanfare.

Fruit d’un savoir-faire militaire reconnu, l’AMX-40 devait incarner le renouveau blindé français. Léger, mobile, bien armé, il était calibré pour plaire à tous… sauf à l’armée française elle-même. Retour sur le parcours discret mais révélateur d’un char qui n’a jamais franchi les frontières de l’exportation et dont personne, ou presque, ne parle encore aujourd’hui.

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Un projet né d’un malentendu stratégique

Dans les années 1980, la France développe un double programme blindé : d’un côté, le futur char lourd national (qui deviendra le Leclerc), de l’autre, un char moyen à vocation exclusivement export, l’AMX-40. L’idée ? Remplacer le vieillissant AMX-30, trop léger pour certains clients étrangers. Mais l’armée française, déjà concentrée sur son propre char lourd, n’achètera jamais un seul AMX-40. Un projet pour les autres, donc, mais sans retour d’expérience militaire nationale. Et c’est là que commence le problème : sans soutien domestique, l’AMX-40 était condamné à séduire sur catalogue… face à des mastodontes comme le Leopard 2, le M1 Abrams ou encore le T-80 soviétique.

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Une plateforme trop légère pour son époque

Pensé comme un char moderne mais économique, l’AMX-40 affichait un poids plume : 43 tonnes, contre 60 tonnes pour un Abrams ou un Leopard 2. Si cette légèreté offrait une grande mobilité, elle limitait surtout sa protection. Son blindage en acier laminé, même avec ajout de plaques composites, ne résistait ni aux obus flèche modernes, ni aux missiles antichars en vogue depuis la guerre du Kippour. Les armées du Moyen-Orient, cible prioritaire du programme, ont rapidement jugé l’AMX-40 trop vulnérable, notamment face à la montée en puissance de la menace RPG et ATGM.

AMX-40 Prototype P4 (tourelle T2) - Le char de combat français de génération intermédiaire des années 80
AMX-40 Prototype P4 (tourelle T2) – Le char de combat français de génération intermédiaire des années 80

Des choix techniques mal alignés avec le marché

L’AMX-40 avait pourtant des atouts. Il embarquait un canon de 105 mm F1 à âme rayée, efficace, précis, et compatible OTAN. Son moteur Poyaud V12 diesel de 1 100 chevaux lui offrait un bon rapport poids/puissance (25 ch/tonne), supérieur à celui du Leclerc. Mais à l’inverse de ses concurrents, il ne possédait pas de blindage réactif, pas de canon de 120 mm, et son système de conduite de tir était jugé trop basique pour les standards occidentaux. Pire encore : sa tourelle, automatisée, manquait de redondance, et son poste de tireur n’était pas stabilisé verticalement, un handicap en tir mobile.

Un design trop en avance… ou trop en retard

D’un côté, le châssis de l’AMX-40 intégrait certaines innovations intelligentes : barbotins inversés, suspension hydropneumatique, tourelle compactée pour réduire la signature radar… Des choix audacieux, mais mal compris ou mal expliqués. De l’autre, son absence de modularité, de blindage évolutif, et de systèmes passifs modernes l’a rendu vite dépassé. Les clients potentiels voulaient du robuste, du modifiable, du scalable. L’AMX-40 ne cochait aucune de ces cases. En résumé, il arrivait sur un marché ultra-concurrentiel, avec des performances jugées “moyennes” à “insuffisantes”, surtout pour un char présenté comme “nouvelle génération”.

L'Amx 40 (Source : Musee des Blindes)
L’Amx 40 (Source : Musee des Blindes)

Un échec commercial silencieux

L’AMX-40 sera proposé à l’Espagne, à la Jordanie, au Maroc, à l’Arabie saoudite, au Koweït, à la Grèce…, sans qu’aucun de ces pays ne signe. Tous lui préféreront soit le Leopard 2, soit le M60 modernisé, soit les nouveaux chars soviétiques. Zéro vente. Malgré des salons internationaux, des démonstrations et des efforts diplomatiques, aucun contrat ne sera signé. Le projet est abandonné en 1990, discrètement, sans conférence de presse. Seuls quatre prototypes auront été produits, dont un seul est aujourd’hui visible au musée des blindés de Saumur.

Tableau comparatif

Caractéristiques AMX-40 Leclerc Leopard 2A4 M1 Abrams
Année de lancement 1983 (proto) 1992 (entrée en service) 1985 1980
Poids 43 tonnes 56 tonnes 55 tonnes 62 tonnes
Blindage principal Acier + option composite Composite modulaire Acier + réactif Composite uranium appauvri
Canon principal 105 mm F1 120 mm smoothbore 120 mm smoothbore 120 mm smoothbore
Moteur 1 100 ch 1 500 ch 1 500 ch 1 500 ch
Ratio puissance/poids 25 ch/tonne 26 ch/tonne 27 ch/tonne 24 ch/tonne
Exportations Aucune UAE, Qatar, Indonésie Nombreuses Nombreuses

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Un fantôme militaire, mais un cas d’école industriel

L’AMX-40 n’est pas un mauvais char. Il n’a simplement jamais trouvé son public. Il s’est retrouvé coincé entre deux générations : trop en avance pour certains, trop simpliste pour d’autres. Il symbolise cette époque où la France, forte de son génie technique, pensait que “l’offre créerait la demande”. Mais dans le monde des blindés, la réalité est plus dure : ce sont les conflits, les alliances, et les pressions politiques qui décident. Le manque de soutien étatique, l’absence de guerre urgente chez les clients cibles, et une mauvaise lecture des besoins ont précipité sa disparition.

Sources : 

  • Strategic-bureau
  • Musée des blindés

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