15 nouveaux ravitailleurs KC‑46A pour l’US Air Force.
Le 26 novembre 2025, Boeing a annoncé avoir décroché un contrat de 2,47 milliards (2,13 milliard d’euros) de dollars pour livrer 15 appareils supplémentaires de type KC‑46A Pegasus à l’United States Air Force (USAF), dans le cadre du lot de production « Lot 12 ». Avec cette nouvelle commande, la flotte devrait passer de 98 à 113 appareils.
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Un nouveau contrat à 2,47 milliards $ pour le KC‑46A de Boeing
La flotte KC‑46 conçue pour remplacer les vieillissants KC‑135 Stratotanker cumule déjà plus de 150 000 heures de vol, un signe de forte utilisation entre entraînements, déploiements et missions.
Pour Boeing, ce nouveau contrat assure la stabilité de la production, indispensable pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement et maintenir la cadence de livraison.
Un avion aux capacités reconnues malgré des retards et défis persistants
Le Pegasus offre des performances solides : selon ses données officielles, il peut transporter 96 297 kg de carburant, 29 484 kg de cargaison, ou passer en configuration mixte fret/passagers. Son rayon d’action dépasse 6 400 km, et il peut fournir en vol 4 500 kg/min via sa perche de ravitaillement issue du KC-10 Extender. Il peut aussi emporter jusqu’à 58 passagers, ou 54 patients en configuration d’évacuation médicale, dont 24 sur civières.
L’appareil peut remplir un large éventail de missions : ravitaillement en vol (boom ou paniers), transport stratégique, MEDEVAC, logistique, appui aux opérations interarmées. Sur le papier, le KC-46A fait donc partie des ravitailleurs les plus polyvalents de sa catégorie.
Cependant, son entrée en service a été marquée par une longue série de défauts techniques : câblages non conformes, fuites de carburant, problèmes de perche (boom), et surtout son système Remote Vision System (RVS), critiqué pour ses pertes de contraste, erreurs de parallaxe et mauvaise perception de profondeur. Pour le DOT&E, ces défauts s’avèrent « susceptibles de provoquer des incidents de ravitaillement en conditions réelles ».
Boeing travaille depuis 2020 sur RVS 2.0, mais la certification complète n’est pas attendue avant 2027, ce qui limite encore certaines missions sensibles.
Au total, le programme représente déjà plus de 7 milliards de dollars de surcoûts absorbés par Boeing, auxquels s’ajoutent les 800 millions de dollars provisionnés en 2024. Malgré cela, l’USAF a renouvelé sa confiance au Pegasus, un choix qui paraît surtout dicté par la volonté de sécuriser une chaîne de production nationale.
L’alternative européenne : l’A330 MRTT (et LMXT)
Face au KC-46, l’Airbus A330 MRTT demeure un standard international. Basé sur l’A330-200 civil, il offre une capacité unique dans sa catégorie.
Tableau comparatif : A330 MRTT vs KC-46A Pegasus
| Critère | Airbus A330 MRTT | Boeing KC-46A Pegasus |
| Capacité carburant | 111 tonnes | ≈ 96 tonnes |
| Carburant transférable en mission | Jusqu’à 70 t à 2 300 km | Moins élevé, dépend de la configuration, adapté aux missions US standard |
| Autonomie / rayon d’action | > 12 000 km | ≈ 6 400 km |
| Systèmes de ravitaillement | Boom ARBS, pods sous voilure, unité fuselage (FRU) | Boom central, 2 pods d’ailes, drogues |
| Ravitaillement automatique | Oui (A3R), déjà opérationnel (avec même une première mondiale qui a estomaqué les Américains) | Non, RVS 1.0 défaillant, RVS 2.0 prévu vers 2027 |
| Capacité cargo | Jusqu’à 45 t | 29,5 t |
| Capacité passagers | Jusqu’à 300–380 pax | 58 pax max |
| MEDEVAC | Grande capacité « hôpital volant » | 54 patients dont 24 sur civières |
| Taux de disponibilité observé | > 90 % dans les flottes opératrices | En baisse récente (63 % → 39 % selon DOT&E 2024) |
| Maturité opérationnelle | Déjà éprouvé dans 15 pays, missions réelles OTAN et Indo-Pacifique | Maturation progressive, restrictions temporaires de mission |
| Problèmes connus | RAS majeurs, flotte très stable | RVS défaillant, câblages, fuites carburant, boom problématique, fissures structurelles récentes |
| Volume de flotte mondiale | 75+ exemplaires en service | 89 livrés à l’USAF, uniquement opérés aux États-Unis |
| Polyvalence réelle | Transport stratégique, MEDEVAC massif, ravitaillement, missions très longues | Multi-rôle mais capacité limitée en transport et autonomie |
| Positionnement | Le ravitailleur standard mondial, robuste et flexible | Ravitailleur dédié à la doctrine américaine, encore en montée en maturité |
| Coût du programme | Variable selon clients, moins d’aléas industriels | Surcoûts cumulés > 7 milliards $ absorbés par Boeing |
| Clientèle | Europe, Asie, Moyen-Orient, OTAN | USAF uniquement |
Son système de vision 3D haute définition A3R est déjà certifié pour les opérations automatiques, faisant du MRTT le seul ravitailleur au monde à disposer d’un ravitaillement semi-automatisé en opération réelle.
Aux États-Unis, Airbus et Lockheed Martin avaient proposé une variante baptisée LMXT, mieux armée pour les longues distances du Pacifique (plus gros réservoir, consoles améliorées, autonomie accrue).
Mais l’USAF a officiellement abandonné la compétition en 2025, préférant « une continuité industrielle » avec Boeing.
Coût, pragmatisme et choix stratégique
On vient de la voir, sur le papier l’A330 MRTT semble gagner sur quasiment tous les points techniques face au KC-46.
Le KC-46 reste cependant attractif pour l’USAF parce qu’il s’intègre parfaitement dans l’écosystème américain : standards de maintenance, infrastructure existante, doctrine de ravitaillement, compatibilité interopérable avec les F-15, F-16, F-22, F-35 et B-21.
Le programme Phase 1 représente 2,47 milliards de dollars pour 15 nouveaux KC-46, mais la feuille de route prévoit désormais un total de 113 appareils, pour un investissement global qui dépasse 40 milliards de dollars d’ici la fin de la décennie.
Pour de nombreux experts, l’A330 MRTT semble être plus mature, moins risqué, et déjà éprouvé en opérations : Irak, Syrie, Sahel, Indo-Pacifique… Il est déjà le ravitailleur de référence pour la RAF, l’Australie, la Corée du Sud, Singapour, les Émirats, ou encore la France.
Mais le choix du KC-46 semble autant industriel que militaire (voire plus) : l’US Air Force privilégie un appareil national, malgré une maturité encore incomplète et parie sur ses améliorations à venir en renouvelant sa confiance à son partenaire historique : Boeing.
Les ventes du KC-46 vs l’A330 MRTT
| Pays | KC‑46A Pegasus (Boeing) |
A330 MRTT (Airbus) |
Montant estimé (en milliards €) |
|---|---|---|---|
| États‑Unis | 179 prévus (113 commandés) |
0 | ~35 € |
| Israël | 4 commandés | 0 | ~1,2 € |
| Japon | 6 commandés | 0 | ~1,4 € |
| France | 0 | 15 livrés | ~3,5 € |
| Royaume‑Uni | 0 | 14 livrés | ~4 € |
| Australie | 0 | 7 livrés | ~2,2 € |
| Espagne | 0 | 5 livrés | ~1,1 € |
| Corée du Sud | 0 | 4 livrés | ~1,1 € |
| Arabie saoudite | 0 | 6 livrés | ~1,7 € |
| Singapour | 0 | 6 livrés | ~1,6 € |
| Émirats arabes unis | 0 | 3 livrés | ~0,9 € |
| Norvège | 0 | 1 (via programme OTAN MMF) | incl. dans MMF |
| Allemagne, Pays‑Bas, OTAN (MMF) | 0 | 10 en cours de livraison | ~3,6 € |
| Total estimé | ~123 commandés | ~73 livrés / 90 commandés | ~57,3 € |
Points à retenir :
- Le KC‑46A reste quasi exclusivement américain, avec quelques ventes à des alliés proches (Israël, Japon), mais sans percée internationale.
- L’A330 MRTT a séduit une douzaine de clients sur 4 continents, devenant le standard OTAN via le programme MMF.
- En valeur cumulée, les deux approchent des 60 milliards d’euros de contrats, mais Airbus domine largement à l’export.
Source : https://boeing.mediaroom.com/news-releases-statements?item=131617
Image de mise en avant : Un KC-46A affecté au 418th Flight Test Squadron de la base aérienne d’Edwards se positionne pour ravitailler un E-7A Wedgetail de la Royal Australian Air Force dans l’espace aérien proche d’Edwards. Les équipages de l’US Air Force, de la RAAF et de la Royal Air Force ont travaillé ensemble pour certifier rapidement cette amélioration des capacités de combat pour la flotte australienne d’E-7A. Ce test trilatéral a également permis au Royaume-Uni et à l’US Air Force d’acquérir une expérience précoce en vue du déploiement futur de leurs propres variantes de l’E-7.
(Photo US Air Force, Richard Gonzales)