Toujours plus discret et plus dangereux, une nouvelle classe de SNLE russe en chantier.
On le pressentait. On en soupçonnait les contours. Désormais, c’est confirmé, la Russie développerait un sous-marin de cinquième génération, un nouveau sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), aussi connu comme SSBN, en anglais « submersible stratégique à propulsion nucléaire lanceur d’engins ».
S’exprimant lors du 125e anniversaire du Bureau central de conception Rubin pour l’ingénierie marine, le conseiller présidentiel et président du Conseil naval russe, Nikolaï Patrouchev, a en effet déclaré que le bureau travaille activement sur ce sous-marin de nouvelle génération, selon des informations rapportées par l’agence de presse russe alignée sur l’État, Interfax.
Le monde retient son souffle !
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Ce sous-marin nucléaire de 5e génération que la Russie construit en silence pourrait bien faire basculer l’équilibre stratégique mondial
On sait encore peu e chose sur cette nouvelle « terreur des abysses » si ce n’est que ce sous-marin ne sera pas un simple successeur des Boreï ou Boreï-A puisqu’on parle d’une refonte complète.
Tout y serait repensé : la coque, les silos, l’acoustique, les interfaces, l’équipage. Et le niveau d’automatisation serait tel qu’il permettrait de réduire encore davantage le nombre d’hommes à bord.
Le but est de tendre ce navire plus silencieux que l’eau elle-même, capable de rester des mois sous la glace sans être repéré, même par les meilleurs capteurs occidentaux.
Une dissuasion en eaux troubles
En 2025, Moscou dispose déjà d’une quinzaine de sous-marins stratégiques en service, essentiellement de la classe Boreï, armés de missiles Bulava. Mais ces bâtiments, bien que puissants, commencent à être bien connus des services de renseignement occidentaux. Leur signature acoustique est identifiée. Leurs schémas de patrouille, plus ou moins anticipés.
Il fallait donc préparer la suite avec cette nouvelle génération. Celle qui relancera la compétition technologique là où elle semblait stabilisée.
Un sous-marin conçu pour une guerre… qui ne viendra (on l’espère) jamais
Le nouveau sous-marin russe, selon les rares mots glissés par le Kremlin, intégrerait des capacités hybrides : missiles balistiques intercontinentaux bien sûr, mais aussi, potentiellement, torpilles stratégiques comme le fameux « Poseïdon », un drone sous-marin nucléaire censé raser une ville côtière entière par tsunami radioactif.
Autre piste évoquée : la possibilité d’embarquer des drones autonomes, capables de mener des missions de reconnaissance, de brouillage électronique, voire de chasse anti-sous-marine. Une véritable ruche sous-marine, pilotée depuis les profondeurs.
À terme, ce bâtiment pourrait opérer depuis les approches de la mer de Barents, jusqu’au Pacifique Nord, en passant par les routes sous-marines de l’Arctique. Dans ces zones où l’acoustique est brouillée par la glace, les reliefs marins, les courants.
L’ombre portée du Columbia américain
Côté américain, le programme Columbia, destiné à remplacer les Ohio, a déjà débuté. Le premier exemplaire est en production. Le Pentagone sait pertinemment que le vrai théâtre d’opérations du XXIe siècle ne sera pas dans les airs, ni même dans l’espace, mais bien sous la mer, dans ce monde noir et glacé que les radars n’atteignent pas.
Ce que cela change (déjà) pour l’OTAN
Pour les stratèges de l’Alliance, l’enjeu est immédiat. Il va falloir adapter les réseaux de surveillance sous-marine, réviser les doctrines d’interception et renforcer les patrouilles anti-sous-marines.
Ce nouvel ennemi invisible va obliger les états-majors de l’Occident à repenser les déploiements dans la GIUK Gap (entre le Groenland, l’Islande et l’Écosse) et à renforcer les bases de Keflavík ou Tromsø.
Ce que l’on sait… et ce qu’on ne saura jamais
Le nouveau sous-marin n’a pas encore de date de mise à l’eau. Certains évoquent 2030. D’autres 2035. Il faudra au moins dix ans de conception, tests, validations… et encore, si le budget suit !
Car une chose est sûre : construire un sous-marin de cette envergure coûte autant qu’une station spatiale.
Mais ce n’est pas le genre d’effort que la Russie néglige. Surtout dans le domaine nucléaire. Dans la doctrine russe, le fond de la mer est un sanctuaire, le dernier refuge stratégique, là où le feu peut encore être rendu.
Flottes de SNLE dans le monde en 2025
| Pays | Classe(s) de SNLE | Génération | Nombre en service | Missiles balistiques embarqués | Base(s) principale(s) |
| États-Unis | Ohio | 3ᵉ génération | 14 | Trident II D5 | Kings Bay (Géorgie), Bangor (Washington) |
| Russie | Boreï / Boreï-A | 4ᵉ génération | 10 (12 prévus) | Boulava | Gadjievo, Vilioutchinsk |
| France | Triomphant | 3ᵉ génération | 4 | M51 | Île Longue (Bretagne) |
| Royaume-Uni | Vanguard | 3ᵉ génération | 4 | Trident II D5 | Faslane (Écosse) |
| Chine | Type 094 Jin | 3ᵉ génération | 6 | JL-2 / JL-3 (intégration progressive) | Yulin (Hainan) |
| Inde | Arihant | 3ᵉ génération (transition) | 2 (1 en essais) | K-15 / K-4 | Visakhapatnam |
| Corée du Nord | Sinpo-C (expérimental) | 2ᵉ génération (limitée) | 1 | Pukguksong-3 (estimé) | Sinpo |
Lecture rapide des générations :
- 2ᵉ génération : capacité balistique embryonnaire, dissuasion partielle, endurance limitée.
- 3ᵉ génération : dissuasion pleinement opérationnelle, missiles à longue portée, patrouilles océaniques crédibles.
- 4ᵉ génération : réduction acoustique majeure, automatisation avancée, endurance accrue, survivabilité renforcée.
- 5ᵉ génération : en développement, intégration de drones, réseaux de combat sous-marins, signatures quasi indétectables.
À ce stade :
- La Russie est la seule à annoncer officiellement une cinquième génération en préparation.
- Les États-Unis suivront avec la classe Columbia, attendue au début des années 2030.
- La France prépare discrètement l’après-Triomphant avec le programme SNLE 3G, dans le même calendrier.
Source : https://militarnyi.com/en/news/russia-commissions-fifth-borei-a-class-nuclear-submarine
Image mise en avant : Knyaz Pozharskiy, SNLE de de classe Boreï lors des essais en mer, décembre 2024.