Faut-il enterrer le SCAF ? Airbus et Saab préparent un chasseur drone hors du système.
Alors que le SCAF s’embourbe entre querelles industrielles et retards chroniques, Airbus et Saab explorent une voie parallèle : un drone de combat autonome, capable d’épauler les chasseurs actuels. Une initiative qui pourrait bouleverser l’équilibre des forces entre Paris, Berlin, Madrid… et Stockholm.
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Airbus et Saab pourrait collaborer sur un nouveau projet de chasseur de drone
Lors d’un forum industriel européen tenu début décembre à Bruxelles, Airbus et Saab ont confirmé discuter ensemble d’un nouveau programme de drone de combat. Ensembvle iols souhaitent développer un nouvel appareil autonome, capable d’accompagner les avions de chasse existants, comme le Gripen E suédois ou le Typhoon européen.
Ce n’est pas (encore) un programme officiel mais dans les faits, cette piste commune pourrait devenir une alternative sérieuse au SCAF, le projet franco-germano-espagnol censé donner naissance au successeur du Rafale et de l’Eurofighter… mais qui accumule tensions et retards depuis son lancement en 2017.
Le SCAF en panne, les alliances se déplacent
D’un côté, le SCAF affiche 100 milliards d’euros de budget, mais reste empêtré dans des rivalités entre Dassault, Airbus Allemagne et Indra. De l’autre, le programme GCAP (Global Combat Air Programme), mené par le Royaume-Uni et le Japon, avance à grands pas, et semble prêt à accueillir de nouveaux partenaires.
La Suède, longtemps vue comme une alliée potentielle du GCAP, pourrait finalement suivre une autre trajectoire. Micael Johansson, PDG de Saab a laissé fuiter que l’entreprise discutait avec plusieurs partenaires.
Dans ce climat d’incertitude, le tandem Airbus–Saab apparaît comme un îlot de pragmatisme. Les deux groupes se connaissent bien : Saab fournit déjà le système de guerre électronique Arexis aux Eurofighter allemands. Leur collaboration pourrait maintenant s’étendre au développement d’un drone de combat autonome, conçu pour voler aux côtés d’un chasseur piloté, ce qu’on appelle un Loyal Wingman (Ailier fidèle en français).
Un Loyal Wingman européen ?
Aux États-Unis, l’US Air Force développe déjà ce type de drone sous le nom de Collaborative Combat Aircraft (CCA). L’idée est simple : appuyer un avion piloté avec un ou plusieurs drones intelligents, capables de mener des missions de brouillage, de surveillance, ou même d’attaque.
Côté européen, le SCAF promet lui aussi ce type d’interaction, mais dans un avenir encore flou (2040 ?). Airbus et Saab, en discutant d’un projet dédié, pourraient accélérer le calendrier. D’autant qu’il ne s’agirait pas d’un remplaçant pour les avions existants, mais d’un complément opérationnel déployable dès les années 2030. À savoir que le français Dassault travaille également sur un Loyal Wingman qui devrait théoriquement voir le jour en même temps que la dernière version du Rafale : le F5.
Une géographie de la méfiance
Il faut lire entre les lignes. La Suède, historiquement indépendante dans le domaine aéronautique, refuse de perdre son autonomie industrielle. Elle a conçu seule le Gripen (un concurrent du Rafale qui s’est vendu à plus de 300 exemplaires). Elle veut garder une capacité nationale de conception. Mais elle sait aussi que l’avenir est au travail en réseau, et qu’un programme d’envergure ne peut plus être porté seul.
Le message de Saab est clair : coopérer, oui. Être absorbé, non. Airbus, fragilisé par les lenteurs du SCAF, voit dans cette approche plus souple une bouffée d’air stratégique.
La cible, elle, est bien identifiée : un drone européen capable de voler aux côtés des Gripen et des Typhoon actuels, dans un environnement contesté. Une plateforme polyvalente, furtive, interconnectée, conçue pour étendre les capacités de frappe sans exposer de pilote.
Une Europe de la défense fragmentée, mais en mouvement
Ce projet, même embryonnaire, révèle un fait : l’Europe ne suit plus une ligne unique dans l’aviation de combat. Il y a désormais au moins trois blocs :
- Le bloc SCAF, lourd, ambitieux, mais ralenti
- Le bloc GCAP, plus dynamique, mais hors UE
- Et un bloc émergent Airbus–Saab, plus agile mais pour le moment théorique et limité à un Loyal Wingman
Pour la Suède, qui doit trancher sa stratégie d’ici 2030 (ou même 2028 selon Johansson), ce dialogue avec Airbus est une manière de peser sur l’équation européenne sans s’aligner sur Paris, Londres ou Berlin.
Pour Airbus, c’est une manière de ne pas rester prisonnier du SCAF, tout en explorant des voies concrètes de coopération avec des pays compatibles technologiquement et politiquement.
Un projet qui pourrait redéfinir les équilibres
S’il voit le jour, ce drone ne sera pas qu’un outil militaire. Il représentera une autre manière de construire l’Europe de la défense, par cercles concentriques, par affinités industrielles, plutôt que par accords politiques figés.
Dans les coulisses, BAE Systems (partenaire de GCAP), observe les discussions de près. Si Airbus, Saab, et un jour BAE, venaient à s’entendre autour d’un Loyal Wingman commun, ce serait un tournant stratégique majeur, capable de recouper les logiques du SCAF et du GCAP.
L’Europe se divise ? Peut-être. Mais elle expérimente aussi. Et dans un ciel de plus en plus disputé, où la Chine, les États-Unis et la Russie accélèrent, l’important ne sera pas de tout faire ensemble. Ce sera d’agir, vite.
Source : https://www.reuters.com/business/aerospace-defense/saab-airbus-co-operate-unmanned-fighter-technology-2025-12-05
Image de mise en avant réalisé à partir d’un concept de SAAB.