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La France et l’Inde signent un nouvel accord de coopération technologique militaire qui les rapproche de plus en plus d’une alliance dans la zone indopacifique

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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La France et l’Inde vont collaborer pour la R&D dans l’armement. Samir V. Kamat, le patron de l’Organisation indienne de recherche pour la défense (DRDO) et l’Ingénieur Général de l’Armement …

La France et l’Inde signent un nouvel accord de rapprochement technologique militaire qui les rapproche de plus en plus d’une alliance dans la zone indopacifique

La France et l’Inde vont collaborer pour la R&D dans l’armement.

Samir V. Kamat, le patron de l’Organisation indienne de recherche pour la défense (DRDO) et l’Ingénieur Général de l’Armement Gaël Diaz de Tuesta, Directeur National des Armements français ont signé un accord technique ce jeudi pour une collaboration entre les deux plus gros laboratoires de défense des deux pays. Un document qui ouvre un nouveau front dans la coopération stratégique entre Paris et New Delhi.

Depuis des années, les deux capitales échangent des Rafale, des sous-marins, des satellites mais demain elles développeront peut-être ensemble de nouvelles configurations de combat pour équiper leurs armées.

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Ce que cache ce pacte, c’est une ambition beaucoup plus large que les contrats d’armement habituels. On ne parle plus de simples livraisons, ni même de transferts de technologie. Ce que veulent les deux pays, c’est inventer ensemble les armes de demain.

L’accord prévoit des programmes conjoints de recherche, des bancs d’essai partagés, des transferts de savoir-faire, et même des ateliers binationaux. On y trouve les mots qu’on attend : drones, cybersécurité, propulsion avancée, intelligence artificielle militaire.

À l’heure où les États-Unis verrouillent leur technologie et où la Chine avance à marche forcée, l’Inde et la France affirment une autre voie. Une voie commune.

Rappel sur les derniers contrats de ventes d’armes de la France à l’Inde :

Année Équipement Quantité Montant estimé Entreprise(s) Remarques
2016 Rafale F3-R 36 avions ~7,8 milliards € Dassault Aviation, Safran, Thales Contrat signé en 2016. Livraisons entre 2019 et 2022
2005 Sous-marins Scorpène (classe Kalvari) 6 unités ~3,5 milliards € Naval Group Construction locale à Mumbai avec transfert de technologie
2022 Safran M88 – moteur 100+ unités Non divulgué Safran Projet de co-développement d’un moteur pour le chasseur AMCA
2023 Rafale Marine 26 avions ~5,5 milliards € Dassault Aviation Commandés pour le porte-avions INS Vikrant
2010–2024 Radars, missiles, capteurs Plusieurs lots ~1,2 milliard € Thales, MBDA Fournitures pour avions, frégates et systèmes sol-air

 

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Ce que l’on sait… et ce qu’on ne sait pas encore

Officiellement, tout semble limpide. Les domaines visés sont nombreux : plateformes aériennes, véhicules autonomes, matériaux composites, navigation, guerre sous-marine, capteurs de nouvelle génération.

Pourtant, l’accord ne dit encore rien de projets concrets, ni des échéances, ni des brevets. Tout cela reste à définir tant, sous les apparents sourires, le terrain reste miné : qui décidera de ce qui peut être exporté ? Comment se partager l’intelligence industrielle ? Qui touchera les royalties en cas de vente à un pays tiers etc ?

L’avenir reste donc flou. On ne sait pas encore non plus quels seront les premiers projets ni comment seront mobilisés les financements. Des idées circulent : un drone MALE co-développé, un système de guerre électronique embarqué, ou encore une propulsion commune pour missiles courte portée, seraient envisagés.

Des PME françaises pourraient y gagner un accès inédit au marché indien, pendant que les start-up deep tech de Bangalore ou Hyderabad profiteraient des filières industrielles françaises. En ligne de mire : des produits à double usage, pour les forces armées comme pour les secteurs civils (communications, imagerie, sécurité).

À gauche : l’Ingénieur Général de l’Armement Gaël Diaz de Tuesta, Directeur National des Armements français / À droite : Samir V. Kamat, le patron de l’Organisation indienne de recherche pour la défense (DRDO)
À gauche : l’Ingénieur Général de l’Armement Gaël Diaz de Tuesta, Directeur National des Armements français / À droite : Samir V. Kamat, le patron de l’Organisation indienne de recherche pour la défense (DRDO)

Une convergence stratégique, pas une lubie diplomatique

Si ce pacte voit le jour aujourd’hui, c’est parce que les deux pays se cherchent et se trouvent dans le même tourbillon géopolitique. L’Inde veut sortir de sa dépendance aux importations russes et américaines, dans un contexte Indo-Pacifique de plus en plus crispé. Elle veut produire, concevoir, innover chez elle. Et elle cherche un partenaire qui respecte cela.

La France, elle, voit en l’Inde un contrepoids crédible face aux grandes puissances asiatiques, et qui plus est, un marché immense, jeune, digitalisé, qui ne veut plus seulement acheter, mais bâtir.

En pariant sur cette coopération industrielle avancée, Paris gagne bien plus qu’un client : un allié, et un accès privilégié à un écosystème technologique en pleine expansion.

Sans être à proprement parler une alliance militaire, cet accord marque un réel rapprochement certain entre les deux nations qui ont tout pour se plaire.

Domaines couverts par l’accord DRDO–DGA

Domaine Exemples concrets visés Intérêts partagés
Plates-formes aériennes Drones MALE, chasseurs légers, ailes volantes Surveillance, supériorité aérienne
Véhicules autonomes Robots terrestres, sous-marins autonomes Réduction des pertes humaines, gain en efficacité
Matériaux avancés Composites, blindages légers, métamatériaux Allègement, furtivité, endurance
Cybersécurité et IA Systèmes de défense anti-intrusion, analyse prédictive Protection des systèmes sensibles, anticipation
Technologies quantiques Cryptographie, capteurs quantiques Sécurisation des communications, détection avancée
Navigation et propulsion Systèmes inertiels, moteurs hypersoniques Autonomie stratégique, vitesse de frappe

 

Depuis l’abandon de son éternel rival, la France est la seule puissance d’Europe occidentale à disposer de ce type de dissuasion nucléaire encore récemment améliorée


Quelques précisions sur l’article :

  • Il ne s’agit pas (pour l’instant) d’un contrat précis pour un seul programme ou un seul type d’armement, mais d’un cadre général d’R&D.
  • Les modalités fines (financement, calendrier concret, droits de propriété intellectuelle, qui fournira quoi exactement) ne semblent pas détaillées publiquement à ce stade.
  • Même si l’annonce vient de sources fiables (presse indienne, communiqué de ministère), il faudra suivre les prochains mois pour voir quels projets concrets en découleront.

Sources :

  • Business StandardDRDO, DGA of France ink pact to develop solutions for defence challenges
    👉 https://www.business-standard.com/external-affairs-defence-security/news/drdo-dga-of-france-ink-pact-to-develop-solutions-for-defence-challenges-125112100004_1.html
  • Manufacturing Today IndiaIndia and France unlock a new chapter in strategic defence tech development
    👉 https://www.manufacturingtodayindia.com/india-and-france-unlocks-a-new-chapter-in-strategic-defence-tech-development
  • WikipédiaOrganisation de recherche et développement pour la défense (DRDO)
    👉 https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_de_recherche_et_d%C3%A9veloppement_pour_la_d%C3%A9fense
  • WikipédiaDirection générale de l’Armement (DGA)
    👉 https://fr.wikipedia.org/wiki/Direction_g%C3%A9n%C3%A9rale_de_l’Armement

Image : Le sixième sous-marin de type Scorpène (Naval Group) destiné à la marine indienne, le Vagsheer, mis à l’eau en 2022 et produit entièrement à Bombay, en Inde.

À propos de l'auteur, Guillaume Aigron