Ce « honteux » porte-avions que la Thaïlande cache depuis 25 ans.
Il est immense, majestueux, et… parfaitement inutile !
Le Chakri Naruebet a pourtant la « prestige » d’être le seul porte-avions d’Asie du Sud-Est, un monstre naval long de 183 mètres, conçu pour dominer les mers.
Pourtant, il ne navigue pas ou peu. Ses avions ont disparu, son pont reste désert, et ses hélices tournent rarement.
À quoi sert-il vraiment ? Pourquoi la Thaïlande le conserve-t-elle ?
Plongée dans l’histoire étonnante d’un navire amiral devenu une légende dans le pays du sourire !
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Le HTMS Chakri Naruebet, « l’éléphant blanc » de la flotte thaïlandaise
Amarré à la base navale de Sattahip, au sud-est de Bangkok, le HTMS Chakri Naruebet impressionne autant qu’il interroge. Long de 183 mètres, il possède un pont d’envol incliné avec tremplin, conçu pour accueillir des avions à décollage vertical. Inspiré du Príncipe de Asturias espagnol, ce porte-avions a été construit dans les années 90 par les chantiers navals Bazán, pour un peu moins de 300 millions de dollars de l’époque (environ 667 millions d’euros actuels).
Livré en 1997, il devait marquer l’entrée de la Thaïlande dans le cercle très fermé des puissances navales régionales. Propulsé à 25,5 nœuds grâce à une configuration mixte (turbines à gaz et diesel), doté d’un rayon d’action de 13 000 kilomètres, il était prêt à dominer le golfe de Thaïlande. Mais l’histoire a rapidement changé de cap.
Une ambition navale née d’un miracle économique
Au début des années 90, la Thaïlande connaît une croissance économique rapide. Confiant, le gouvernement souhaite renforcer ses capacités navales face aux tensions croissantes en mer de Chine méridionale. Le choix est audacieux : commander un porte-avions. L’objectif est triple : affirmer sa souveraineté maritime, moderniser sa flotte, et afficher sa puissance dans une région de plus en plus convoitée.
La commande est passée en 1992. Cinq ans plus tard, le Chakri Naruebet est livré. Il embarque alors des AV-8S Matador (des Harrier de seconde main rachetés à l’Espagne) et peut accueillir des hélicoptères de patrouille maritime. Pendant un temps, la marine thaïlandaise dispose d’une capacité aéronavale complète, rare en Asie du Sud-Est.
Mais très vite, le rêve se heurte aux réalités : coût d’entretien, manque de pièces détachées, pilotes à former à l’étranger. Le budget de défense n’est pas dimensionné pour un tel navire. En 2006, les Matador sont retirés du service, faute de maintenance possible. Le Chakri Naruebet devient alors un géant sans ailes et fait depuis lors figure de véritable « éléphant blanc » de la flotte thaïlandaise (un projet très coûteux et inutile).
De navire de guerre à outil de représentation diplomatique
Sans ses avions, le Chakri Naruebet a vu son rôle se réduire à peau de chagrin. Il embarque aujourd’hui principalement des hélicoptères S-70B Seahawk et Bell 212, utilisés pour des missions de surveillance maritime ou d’assistance humanitaire. Le reste du temps, il reste à quai.
Il est pourtant régulièrement mis en avant lors des parades navales, cérémonies royales ou manœuvres internationales. Pour certains observateurs, il sert plus de décor flottant que de véritable outil militaire. On le surnomme même, à demi-mot, le “yacht royal”, tant son usage se rapproche désormais d’un symbole flottant, plus que d’une plateforme de combat.
Ce décalage alimente les critiques, même au sein de la sphère militaire thaïlandaise. Le navire est entretenu, soigné, mais peu utilisé. Il reste le plus grand bâtiment de la flotte thaïlandaise, mais aussi le moins déployé.
Que faire de ce porte-avions en 2025 ?
La montée des tensions en mer de Chine méridionale pousse Bangkok à réévaluer le potentiel du Chakri Naruebet. Peut-on lui redonner vie ? Faut-il le convertir ? Plusieurs pistes sont évoquées.
- Remotorisation pour accueillir des F-35B ?
Techniquement possible, mais trop coûteux. Le seul avion F-35B coûte plus de 80 millions d’euros, sans compter les infrastructures nécessaires. - Transformation en plateforme de drones ?
Une idée séduisante, notamment pour des missions de surveillance longue durée. Cela impliquerait cependant une rénovation complète du système de commandement et du pont d’envol. - Reconversion partielle ?
Le Chakri Naruebet pourrait devenir un navire-école, un centre de commandement mobile, ou une plateforme pour la gestion de catastrophes naturelles.
À noter que le pays ne semble toutefois pas prêt à jeter son ex-fleuron aux orties puisque Thales a été récemment mandaté (novembre 2025) pour le moderniser en y installant un nouveau système intégré de gestion de plateforme, véritable « cerveau » chargé de superviser propulsion, énergie et sécurité à bord. Cette mise à niveau doit redonner des capacités opérationnelles réelles à un navire longtemps considéré comme sous-utilisé.
Le contrat inclut aussi un transfert de compétences vers l’industrie thaïlandaise pour assurer la maintenance locale du système.
Une pièce d’histoire, entre prestige et inertie
Ce porte-avions unique dans la région incarne à la fois l’audace politique des années 90 et l’impasse opérationnelle d’un pays moyen tenté par les attributs des grandes puissances. Son histoire pose une question plus large : à quoi sert un porte-avions, s’il ne décolle jamais ?
Dans un contexte où la guerre navale se numérise, où les drones remplacent les pilotes et où les marines cherchent l’agilité plutôt que la masse, le Chakri Naruebet ressemble de plus en plus à un monument flottant. Non pas inutile, mais déconnecté de la doctrine actuelle.
Il reste un atout de prestige. Un levier diplomatique. Un outil d’influence. Mais pour redevenir un acteur militaire crédible, il devra changer. Ou être remplacé.
Caractéristiques principales du HTMS Chakri Naruebet
| Caractéristique | Valeur |
|---|---|
| Longueur | 183 mètres |
| Largeur (pont d’envol) | 22,5 mètres |
| Vitesse maximale | 25,5 nœuds (≈ 47 km/h) |
| Rayon d’action | 13 000 kilomètres |
| Équipage | ≈ 600 personnes |
| Capacité aérienne actuelle | Hélicoptères uniquement |
| Avions de combat retirés | AV-8S Matador (retrait en 2006) |
Sources :
- Business Insider : Thailand has an aircraft carrier without any aircraft, 12 décembre 2015.
https://www.businessinsider.com/thailand-aircraft-carrier-has-no-aircraft-2015-2 - Naval Technology :HTMS Chakri Naruebet Helicopter Carrier.
https://www.naval-technology.com/uncategorized/chakrinaruebet - Avions Légendaires : HTMS Chakri Naruebet, le premier porte-avions thaïlandais.
https://www.avionslegendaires.net/dossier/histoire-de-laeronavale/htms-chakri-naruebet-le-premier-porte-avions-thailandais