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L’Allemagne et la France choisissent 2 voies très différentes pour leur armée de Terre en particulier sur l’usage des blindés

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Guillaume Aigron

Guillaume Aigron

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377 milliards d’euros pour (re)faire l’armée allemande. L’Allemagne prévoit d’injecter 377 milliards d’euros d’ici 2035 dans son effort de réarmement, soit 438 milliards de dollars. Le tout est détaillé dans …

L'Allemagne et la France choisissent 2 voies très différentes pour leur armée de Terre en particulier sur l'usage des blindés

377 milliards d’euros pour (re)faire l’armée allemande.

L’Allemagne prévoit d’injecter 377 milliards d’euros d’ici 2035 dans son effort de réarmement, soit 438 milliards de dollars. Le tout est détaillé dans une liste de 39 pages, interne au gouvernement, révélée par Politico.

Dans cette liste, 320 nouveaux projets d’armement sont planifiés. 178 ont déjà des fournisseurs identifiés, presque tous allemands. Rheinmetall y figure en tête, avec 53 projets pour plus de 88 milliards d’euros, dont 32 milliards en direct et 56 via ses filiales et coentreprises, notamment le programme Puma/Boxer mené avec KNDS.

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Un point en particulier attire l’attention dans le rapport : l’armée allemande envisage de porter sa flotte de véhicules de combat d’infanterie Puma à plus de 1 000 unités d’ici 2035, avec, en parallèle, un maillage de défense aérienne multicouche, inédit depuis la guerre froide.

À l’horizon : 17 bataillons mécanisés, une flotte homogène, connectée, dopée par l’industrie nationale et prête à opérer sur le flanc Est de l’Alliance, de la Baltique jusqu’aux plaines de Pologne.

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Le Puma, de semi-échec à colonne vertébrale de la Bundeswehr

C’est un blindé qu’on a longtemps considéré comme trop complexe, trop cher, trop ambitieux. Aujourd’hui, le Puma IFV revient au centre du jeu. L’armée allemande en possède déjà 400. Elle prévoit d’en acheter 687 supplémentaires, ainsi que 25 véhicules d’instruction, pour atteindre un total de 1 087 Puma. De quoi équiper une force blindée d’envergure : huit à neuf brigades lourdes, avec réserve incluse.

Ce chiffre, à lui seul, indique un changement de doctrine. Le Puma n’est plus une niche technologique. Il devient la plateforme standard du fantassin mécanisé allemand, au même titre que le Leopard 2 pour les unités blindées lourdes. L’investissement global, selon les prix de référence, dépasse 14 milliards d’euros. Un signal envoyé autant à Moscou qu’à Bruxelles.

Ce que cache ce blindé compact et nerveux

Le Puma est un concentré de technologie.

  • Canon MK30-2/ABM de 30 mm, capable de tirer des munitions programmables à fragmentation ou des obus perforants.
  • Missiles antichars Spike LR (désignés MELLS) embarqués sur tourelle, avec une portée jusqu’à 5,5 km.
  • Protection NBC, optronique numérique, et capacité à opérer en mode silencieux (EMCON), pour rester discret tout en gardant une vision stabilisée à 360 degrés.

En version complète (niveau de protection C), il monte à 43 tonnes, mais conserve une mobilité étonnante grâce à un moteur MTU de 1 088 chevaux. En configuration allégée (31 tonnes), il peut même être embarqué dans un A400M.

Côté infanterie, chaque Puma transporte six combattants. Moins que certains concurrents mais la doctrine allemande privilégie la survie et le feu au contact, plutôt que le volume transporté. En d’autres termes, le Puma frappe vite, dur, et s’exfiltre.

Une symphonie de capteurs, missiles et canons

Le blindé s’insère dans un orchestre où chacun a sa portée et sa partition. L’Allemagne complète sa manœuvre blindée avec deux systèmes clés :

  1. Skyranger 30 : la défense rapprochée mobile
  • Tourelle téléopérée montée sur véhicules 4×4 à 8×8.
  • Canon KCE 30 mm tirant 1 200 coups/min de munitions à explosion programmable.
  • Radar AESA 3D à 360°, capteurs électro-optiques, détection infra-rouge rapide.
  • Option : deux missiles SHORAD pour engager à 6 km.

Objectif : neutraliser les drones, munitions rôdeuses et FPV à courte portée, tout en se déplaçant au rythme des Pumas.

  1. IRIS-T SLM : le rempart à moyenne distance
  • Missiles sol-air à guidage inertiel et capteur infrarouge final.
  • Portée : 40 km, plafond : 20 km.
  • Radar TRML-4D avec couverture à 120 km.
  • Poste de commandement Airbus IBMS-FS.

Conçus par Diehl Defence, ces systèmes bouclent l’espace aérien entre 500 m et 20 km d’altitude. Le tout interconnecté, interopérable, et mobile. L’armée allemande prévoit d’en déployer 14 batteries, avec 396 missiles IRIS-T SLM et 300 IRIS-T SR, en plus de 561 tourelles Skyranger.

Une armée pour les plaines, mais aussi pour les satellites

Ce réarmement terrestre ne se limite pas aux blindés et aux canons. Il s’inscrit dans une stratégie industrielle globale. Selon les chiffres obtenus par Politico, 160 lignes industrielles allemandes représentent 182 milliards d’euros d’effort, dont :

  • Rheinmetall : 88 milliards (directs + filiales/joint-ventures).
  • Diehl Defence : 17,3 milliards (IRIS-T, drones LUNA NG).
  • Domaine spatial : plus de 14 milliards, avec une constellation LEO de 9,5 milliards d’euros pour assurer la connectivité résistante au brouillage.

À cela s’ajoutent quelques achats étrangers stratégiques :

  • 15 F-35A supplémentaires,
  • 400 Tomahawk Block Vb avec lanceurs Typhon,
  • 4 avions de patrouille maritime P‑8A Poseidon,
    soit 14 milliards d’euros d’achat sous procédure américaine FMS, à moins de 5 % du total.

Pourquoi ce modèle inquiète à Moscou

La Russie ne redoute pas tant les chars. Elle redoute ce que ces brigades couvrent : les dépôts, les nœuds ferroviaires, les ports de la mer du Nord. Or le mix allemand attaque ce cœur logistique avec une défense multicouche mobile, capable de :

  • Encaisser les salves de missiles Iskander et Kalibr,
  • Répondre aux saturations de drones FPV et loitering,
  • Maintenir une capacité de contre-mobilité, même sous brouillage ou cyberattaque.

C’est toute la leçon tirée de l’Ukraine. Une guerre moderne commence bien avant le premier contact au sol. Elle se joue dans le ciel bas, sur les ondes, dans les arrières. L’Allemagne entend ne pas revivre les hésitations de 2014.

Le Puma, critiqué hier, devient aujourd’hui le pilier d’une armée mécanisée à nouveau centrale.

Cette fois, ce n’est pas une posture symbolique : c’est un pari opérationnel, à 14 milliards d’euros… et une décennie de préparation.

Deux visions européennes de l’armée de terre : la France et l’Allemagne face à face

D’un côté, la France mise sur la projection rapide, les forces expéditionnaires, une modularité éprouvée sur les théâtres extérieurs. De l’autre, l’Allemagne construit une armée lourde ancrée sur le continent, avec une priorité à la masse, à la standardisation et à la défense du flanc Est de l’OTAN.
La France reste centrée autour de la Scorpionisation de ses unités (Griffon, Jaguar, Serval), une doctrine centrée sur la polyvalence, l’agilité et le combat collaboratif, avec un accent sur l’infovalorisation. L’Allemagne, elle, reconstruit une armée de guerre conventionnelle : Puma, Leopard, Iris-T, Skyranger, avec une base industrielle énorme et une stratégie de réarmement massif.
Si la France conserve une expérience tactique plus forte et une chaîne de commandement bien rodée, l’Allemagne, elle, prend l’avantage sur les volumes, la logistique standardisée, et la défense multicouche intégrée. Deux postures complémentaires, mais aux ambitions bien distinctes.

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Comparatif France vs Allemagne (2025)

Critère France Allemagne
Budget défense 2025 ~53 milliards € ~71 milliards €
Effectif armée de terre ~118 000 ~65 000
Véhicules blindés récents Griffon, Jaguar, Serval (Scorpion) Puma, Boxer, Leopard 2A7V
Doctrine Projection rapide, infovalorisation, OPEX Défense territoriale, masse, OTAN flanc Est
Systèmes sol-air Mamba (SAMP/T), Mistral 3 IRIS-T SLM, Skyranger 30
Brigades blindées projetées 2 lourdes, 6 interarmes ~9 mécanisées prévues (2035)
Expérience opérationnelle Haute (Sahel, Levant, Baltique) Faible (engagements limités, redéploiement récent)
Production nationale Nexter, Arquus, Thales Rheinmetall, Diehl, Hensoldt
Capacité anti-drone tactique En développement (ARLAD, systèmes laser) Déjà déployée (Skyranger, IRIS-T)

Source : https://www.politico.eu/article/armement-la-liste-de-courses-a-377-milliards-de-lallemagne

Image de mise en avant : Un véhicule de combat d’infanterie Puma de l’armée allemande lors d’une journée portes ouvertes en 2015.

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