L’Amiral Ronarc’h lève l’ancre : six ans d’une aventure lorientaise bientôt célébrés en mer.
Le 15 septembre, en fin de matinée, l’Amiral Ronarc’h, tête de série des frégates FDI (Frégates de Défense et d’Intervention), quittera Lorient. Une page se tourne pour le chantier Naval Group et ses milliers de salariés.
Ce bâtiment sera livré à la Marine nationale quelques semaines plus tard dans son port-base de Brest.
D’ici 2032, la France doit recevoir au moins quatre autres de ces bijoux technologiques, tandis que la Grèce attend déjà les siennes.
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L’Amiral Ronarc’h, symbole high-tech d’une Marine française qui entend maintenir son rang dans le monde
La première découpe de l’Amiral Ronarc’h a été réalisée le 24 octobre 2019, sa mise sur cale a suivi le 16 décembre 2021. Mis à l’eau le 7 novembre 2022, il a entamé ses essais en mer le 7 octobre 2024.
Naval Group s’est appuyé sur la méthode “takt time” : en parallèle, structure et coque sont produites, puis assemblées après mise à l’eau. Les plans sont consultés sur tablette 3D, permettant de détecter les anomalies en quelques minutes.
Un navire au profil compact et hypertechnologique
Voici quelques données clés de cette frégate :
Longueur | 122 m |
---|---|
Largeur | 17,7 m |
Déplacement | ≈ 4 500 t |
Vitesse maximale | 27 nœuds |
Autonomie | ≈ 5 000 milles nautiques à 15 nœuds |
Elle dispose d’un équipage de 110 personnes, plus 15 pour la partie aérienne.
Son armement la rend polyvalente :
- Canon Otobreda 76 mm
- 8 missiles Exocet MM40 Block 3C
- 16 missiles Aster (standard 1, extensible à 32 par la suite)
- 2 × 2 tubes lance‑torpilles MU90
- 2 canons téléopérés Narwhal 20 mm
- Leurre CANTO, équipements de guerre électronique passive et non létale.
À bord, des capteurs parmi les plus modernes :
- Radar Sea Fire à antenne active
- Sonars Kingklip Mark II et CAPTAS 4 Compact
- Architecture numérique redondante, pensée pour la cyber‑sécurité.
Un long ballet d’essais avant livraison
Dès octobre 2024, la FDI Amiral Ronarc’h a entrepris sa première sortie en mer.
Sa quatrième campagne d’essais a débuté le 25 mars 2025, afin de finaliser le réglage du système d’armes, avant son transit vers Brest.
En février 2025, elle a bouclé sa troisième phase d’essais. Puis, fin avril, elle est revenue à Lorient pour 16 semaines de finitions dans les bassins.
Un calendrier chargé pour une classe en devenir
La France a commandé cinq frégates FDI, qui doivent être livrées entre 2025 et 2032 :
- D660 : Amiral Ronarc’h (tête de série) – livraison en 2025
- D661 : Amiral Louzeau – prévue en 2027
- D662 : Amiral Castex – attendue en 2028
- D663 : Amiral Nomy – 2031
- D664 : Amiral Cabanier – 2032
À l’export, la Grèce a commandé trois unités, avec une option pour une quatrième : Kimon, Nearchos, Formion, et possiblement Themistocles.
Pourquoi cette frégate change la donne
La FDI incarne une rupture : un navire compact, mais doté d’un spectre de mission large : antiaérien, anti-navire, anti-sous-marin, lutte asymétrique, projection de forces spéciales. En mer, chaque fonction a été testée dans des conditions réalistes dès la première sortie.
Elle est pensée pour évoluer : architecture IT modulaire, cyber‑résiliente, armement modernisable. Sur un même pont, hélicoptère de 10 t, drone, sonar remorqué, radar 360 °, missiles de défense… l’efficacité en mission est totale.
Un moment fort pour Lorient et ses salariés
Plus de 3 000 personnes – ouvriers, ingénieurs, sous-traitants – ont vu ce projet naître, bloc après bloc.
L’Amiral Ronarc’h est l’aboutissement technique et humain d’années de travail, de défis sur la chaîne de production numérique à la mise à l’eau. Le départ de cette frégate est autant une fierté que le symbole d’un futur en mer intégrant les cinq frégates suivantes et l’export.
Des cousines redoutables croisent déjà dans d’autres eaux
À elle seule, la frégate Amiral Ronarc’h ne suffit pas à dessiner le paysage naval mondial. Elle y prend place, fièrement, aux côtés d’autres plateformes conçues pour les mêmes enjeux : protéger, surveiller, dissuader, opérer loin, longtemps et de manière autonome. Loin d’être isolée, la FDI s’inscrit dans une génération de frégates hautement numérisées, d’une taille moyenne, mais capables de jouer sur tous les tableaux : antiaérien, antisurface, anti-sous-marin, guerre électronique. Le Royaume-Uni mise sur les Type 26, très silencieuses, centrées sur la lutte sous-marine. L’Italie déploie ses FREMM Bergamini modernisées avec radar AESA. L’Allemagne lance les F126, flexibles et robustes. L’Espagne mise sur les F110. La Corée du Sud aligne ses FFX III et l’Australie, ses Hunter. Chacun y va de son design, mais tous convergent vers un même profil : des frégates modulaires, exportables, prêtes à opérer dans un théâtre complexe.
Comparatif mondial des frégates de même génération (capacité, prix, exportations)
Pays | Classe | Déplacement | Missiles sol-air | Radar | Vitesse | Prix unitaire estimé | Ventes (commandes fermes) |
---|---|---|---|---|---|---|---|
France | FDI (Amiral Ronarc’h) | 4 500 t | 16–32 Aster | Sea Fire AESA | 27 nœuds | ≈ 850 millions € | 5 France, 3 Grèce (+1 option) |
Royaume-Uni | Type 26 (City class) | 6 900 t | 48 CAMM + 24 Mk41 | Artisan 3D | >26 nœuds | ≈ 1,1 milliard € | 8 Royaume-Uni, 3 Australie (Hunter), 15 Canada (CSC) |
Italie | FREMM Bergamini | 6 700 t | 16 Aster | Kronos AESA | 27 nœuds | ≈ 670 millions € | 10 Italie, 2 Égypte, 2 Indonésie |
Allemagne | F126 | 10 400 t | 32 CAMM/ESSM | TRS-4D AESA | 26 nœuds | ≈ 1,2 milliard € | 4 Allemagne |
Espagne | F110 | 6 100 t | 32 Mk41 VLS | SPY-7 | 28 nœuds | ≈ 900 millions € | 5 Espagne |
Australie | Hunter class (basée sur Type 26) | 8 800 t | 32 Mk41 + 24 CAMM | CEAFAR2-L | >27 nœuds | ≈ 1,6 milliard € | 3 Australie (programme en cours) |
Corée du Sud | FFX Batch III | 3 600 t | 16 K-SAAM | Hanwha AESA | 30 nœuds | ≈ 320 millions € | 6+ Corée du Sud (programme domestique) |
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